La grippe aviaire pourrait théoriquement être contrôlée grâce à l’élevage de poulets génétiquement modifiés, qui ne peuvent plus transmettre le virus à leurs congénères. De là à les retrouver dans nos assiettes demain, il y a un pas qui est loin d’être franchi.

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    Les poulets OGM permettraient de limiter la propagation du virus de la grippe aviaire au sein des élevages. © Université d'Edimbourg

    Les poulets OGM permettraient de limiter la propagation du virus de la grippe aviaire au sein des élevages. © Université d'Edimbourg

    • Pour mieux comprendre la grippe aviaire, consultez le dossier sur les virus influenza A  

    La grippe aviaire est moins médiatisée actuellement, mais elle continue néanmoins de faire des victimes. Récemment à Hong-Kong une personne a été retrouvée contaminée, suite à un voyage en Chine, et chaque année des cas sont diagnostiqués en Chine, en Égypte ou en Indonésie. 

    Le virus de la grippe aviaire peut se transmettre de façon interespèce entre oiseaux, un événement qui se produit dans la nature entre deux oiseaux sauvages. Mais les oiseaux d'élevage ne sont pas à l'abri et le virus peut aussi parfois franchir une nouvelle barrière pour infecter l’Homme. C'est pourquoi les personnes en contact étroit avec les oiseaux sont légitimement inquiètes, d'autant que la mortalité due au virus de la grippe aviaire H5N1 est beaucoup plus élevée que pour les autres souches grippales. En général, plus de la moitié des personnes infectées en décèdent.

    Éviter la propagation du virus dans les élevages

    Il faudrait alors trouver un moyen pour que les oiseaux d'élevage ne puissent pas être infectés par les oiseaux sauvages, ou du moins que la contamination ne se propage pas à toutes les volailles. Des scientifiques des universités de Cambridge et d''Edimbourg pensent avoir trouvé la parade. Ils n'ont pas créé de cage confinée imperméable au virus, ni d'infrastructure particulière. Ils ont juste fabriqué, dans leur laboratoire, des poulets qui sont incapables de transmettre le virus de la grippe aviaire à leurs congénères.

    Les poulets OGM seront-ils appréciés des consommateurs ? © Université d'Edimbourg

    Les poulets OGM seront-ils appréciés des consommateurs ? © Université d'Edimbourg

    Ces poulets, génétiquement modifiés, continuent d'être sensibles au virus de la grippe aviaire, selon les expériences rapportées dans la revue Science. Par contre, les poulets maintenus dans la même cage que le poulet OGMOGM infecté ne tombent pas malades, même s'ils ne sont pas eux-mêmes porteurs de la modification dans leur génomegénome.

    Un piège pour l’enzyme virale

    Ce gènegène magique est un morceau d'ADNADN qui, une fois transcrit, produit un ARNARN en tige-boucle dont la séquence ressemble à celle présente sur le génome du virus, puisque c'est la séquence signal que l'enzymeenzyme de réplicationréplication (réplicase) du virus utilise pour copier le génome. Présent en grande quantité, l'ARN va accaparer toutes les réplicases viralesréplicases virales de la cellule, empêchant ainsi les enzymes de multiplier le virus.

    Comme tout virus à ARN, le virus de la grippe est doté d'une faculté à muter facilement. L'enzyme pourrait alors modifier sa forme pour s'échapper des griffes de l'ARN piège et apprendre à reconnaître et à utiliser d'autres séquences d'ARN. Le problème est que si la réplicase mute, elle ne pourra reconnaître ses propres ARN viraux que si eux-mêmes mutent également. Les ARN génomiquesgénomiques étant au nombre de 8 fragments différents, 8 mutations précises doivent se produire simultanément, un événement pour le moins improbable. La réplicase est en quelque sorte prise au piège.

    Le consommateur a son mot à dire

    La création d'un tel animal est longue et coûteuse. Les scientifiques insèrent, dans le jaune d'un œuf, le gène au moyen d'un autre virus vecteur (un lentiviruslentivirus, comme celui employé en thérapie génique). Si les cellules germinalescellules germinales (sexuelles) possèdent le gène, la descendance du poulet aura alors le gène dans la totalité de ses cellules. Mais c'est une technique plus sûre que la vaccinationvaccination, seul moyen pourtant employé aujourd'hui pour protéger les volailles et contre lequel le virus possède plus de liberté à s'adapter.

    « La modification génétiquegénétique que nous décrivons ici est la première étape significative vers la voie du développement de poulets qui sont complètement résistants à la grippe aviaire », explique Laurence Tiley, l'un des auteurs de l'article. Cependant, cela ne veut pas dire pour autant que ces poulets OGM vont remplacer les poulets classiques. Les coûts sont trop importants et le consommateur risque de ne pas apprécier ce nouveau poulet et de refuser son élevage. Toutefois, la réussite de la technique employée devrait théoriquement permettre de créer des volailles résistantes à d'autres maladies, voire de créer d'autres animaux résistants à la grippe Agrippe A (porc, caille, canard...), qui ne seront probablement pas mieux accueillis par le grand public.