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Les personnes diabétiques doivent aujourd'hui mesurer leur glycémie à l'aide d'un glucomètre. Ainsi, ils s'injectent la dose adéquate d'insuline, de manière à retrouver des taux de sucre sains. Mais ce traitement quotidien doit être suivi toute la vie et devient donc très contraignant. Pourra-t-on développer un traitement définitif contre la pathologie ? La reprogrammation cellulaire est une piste intéressante. © Amanda Mills, CDC, DP
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Lorsque l'organisme ne parvient plus à gérer son taux de sucres dans le sang, c'est le diabète. Souvent, on résume cette pathologie à un manque d'insuline, l'hormone pancréatique chargée de faire baisser la glycémie. On oublie de dire qu'en parallèle, la production de glucagon, l'antagoniste, est trop élevée. L'idéal pour établir un traitement efficace contre la maladie consisterait à élever les taux d'insulineinsuline tout en diminuant la synthèse du glucagon.
Ces deux hormones sont sécrétées au même endroit : dans des îlots du pancréaspancréas (dits de Langerhans). L'insuline est produite par les cellules bêta, le glucagon par les cellules alphacellules alpha. Des scientifiques de la faculté de médecine de l'université de Pennsylvanie (Philadelphie, États-Unis) ont presque réussi l'exploit de reprogrammer des cellules alpha pour en faire des cellules bêtacellules bêta. Même si la transformation reste incomplète, elle est suffisante pour entraîner la production d'insuline.
Des cellules alpha pas entièrement différenciées
En théorie, il est possible de modifier la destinée d'une cellule différenciée. Par l'ajout de quelques facteurs de transcriptiontranscription, on la force à revenir à l'état de cellule souche, avant de la pousser à se spécialiser en un type particulier. Cependant, pour l'heure, les tentatives pour générer des cellules bêta de la sorte se sont révélées infructueuses pour une applicationapplication clinique.
Les auteurs ont malgré tout remarqué que les cellules alpha pancréatiques étaient encore très plastiquesplastiques, comme si elles n'étaient pas tout à fait différenciées. Ainsi, ils y voient le moyen de la modifier pour la faire évoluer en cellule bêta.
Ces cellules alpha pancréatiques, retrouvées dans des structures appelées îlots de Langerhans, ont été modifiées. La preuve : si la plupart d’entre elles sécrètent du glucagon (en rouge), d’autres présentent le facteur de transcription Pdx1 (en blanc), normalement spécifique aux cellules bêta pancréatiques. La reprogrammation est donc possible. © Nuria Bramswig, Perelman School of Medicine, University of Pennsylvania
Pour cela, il leur a fallu jouer avec les histoneshistones, ces protéinesprotéines autour desquelles s'enroule le fil d'ADNADN. Celles-ci sont notamment impliquées dans la régulation, positive ou négative, des gènesgènes. Dans les cellules alpha, comme dans les tissus encore indifférenciés, on trouve des histones équipées de deux modifications antagonistes : l'une d'elles favorise l'expression des gènes quand l'autre inhibe la transcription.
Des cellules alpha modifiées productrices d’insuline
Comme expliqué dans le Journal of Clinical Investigation, les auteurs ont récupéré des échantillons de pancréas sur des patients décédés. Ils ont mis ces cellules en culture et les ont traitées avec un composé nommé adénosineadénosine dialdéhyde (aussi appelé Adox). Cette moléculemolécule est un inhibiteur de la méthyltransférase, c'est-à-dire une enzymeenzyme qui, comme son nom l'indique, transfère des groupements méthyle sur les histones. Ainsi, en modifiant la structure des protéines de compaction de l'ADN, ils modifient l'expression géniquegénique.
Finalement, les cellules alpha ont commencé à se transformer et présentaient certains marqueurs caractéristiques des cellules bêta. Leur reprogrammation reste incomplète mais elles se sont mises à sécréter de l'insuline. La théorie montre que cela fonctionne.
Nécessité d’un traitement curatif du diabète
Les scientifiques espèrent s'aider de cette découverte pour fabriquer des cellules bêta pancréatiques à grande échelle pour les transplanter chez des patients atteints de diabète, qu'il soit de type 1 ou de type 2. Même si la technique n'est pas encore au point, ils pourraient avoir franchi un pas intéressant.
L'étape ultérieure pourrait consister à réussir la même performance, mais in vivoin vivo. Auquel cas on n'aurait pas besoin de greffe, mais l'on pourrait contrôler les populations de cellules pancréatiques directement dans le patient. Un ajustement délicat qui demande de longues années d'expériences préalables. Pas pour demain donc.
En attendant, le diabète reste une maladie mortelle dont les traitements ne parviennent qu'à limiter les symptômessymptômes, mais restent incapables de fournir à l'organisme les clés pour réguler définitivement sa glycémieglycémie. Or, année après année, le nombre de patients ne cesse d'augmenter fortement en France. À titre d'exemple, en 2009, on comptait environ 3,5 millions de diabétiquesdiabétiques dans l'Hexagone. Un chiffre que l'on pensait atteindre en 2016 seulement... Une thérapiethérapie curative devient de plus en plus nécessaire.