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Amygdale (en rouge). Source: University of Washington Digital Anatomist Program.
Une équipe de chercheurs formée de psychologues et de psychiatres de l'UW-Madison School of Medicine and Public Health (université du Wisconsin) et du Waisman Center, conduite par Tom Johnstone, spécialiste de l'étude des interactions entre émotion et cognition, a mené une série d'expériences inédites sur deux groupes de patients, l'un en parfaite santé, l'autre souffrant de dépression.
Tom Johnstone (université du Wisconsin)
"Il est normal que certaines personnes montrent des réactions négatives dans certaines circonstances", déclare Tom Johnstone. "Mais le processus qui conduit à un état dépressif grave n'est pas simplement enclenché par une réaction négative à une situation négative, mais par l'incapacité de certains individus à s'extraire de cette situation émotive où ils s'enlisent. Ces personnes semblent souffrir d'un déficit dans leur capacité à contrôler leurs émotions", poursuit-il.
Afin de déterminer si une région précise du cerveau pouvait être à l'origine de l'état dépressif, et tenter d'en élucider le processus, les chercheurs ont examiné les cerveaux des deux groupes de patients par IRMf (RésonanceRésonance Magnétique Fonctionnelle), une technique qui permet d'en visualiser l'activité en trois dimensions. Ils leur ont ensuite présenté plusieurs séries de photos susceptibles d'enclencher de fortes réactions émotives, comme des représentations d'accidents ou d'animaux agressifs, et ont déterminé les zones d'activité cérébrales.
Ensuite, les participants ont été invités à travailler sur leur mental afin de réduire le niveau de leurs émotions, par exemple en imaginant des conséquences moins dramatiques aux situations présentées, ou en se convainquant que les scènes étaient en réalité interprétées par des acteurs.
"Nous leur demandions de rectifier mentalement la signification de ce qu'ils voyaient, plutôt que de combattre l'émotion engendrée en utilisant une quelconque distraction", déclare Johnstone, "afin de stimuler les zones cognitives du cerveau en réinterprétant le contenu émotif d'un stimulus".
Les volontaires des deux groupes ont présenté une forte augmentation de l'activité dans les zones corticales préfrontales de leur cerveau, connues pour abriter le centre de l'émotion, comme cela était d'ailleurs prévu. Mais une très nette différence a été observée à l'intérieur des centres émotifs eux-mêmes, et plus particulièrement au niveau d'une petite structure située profondément dans le cerveau, nommée l'amygdale, un groupe de neuronesneurones impliqué en particulier dans la peur et l'agression.
Une observation surprenante
Chez les personnes normales, on observait une forte corrélation entre la forte activité des centres de la réflexion engendrée par les pensées positives et une réduction significative de l'activité des centres émotifs. Autrement dit, elles arrivaient à contrôler leurs réactions émotives. Par contre, la forte activité des centres émotifs ainsi qu'au niveau de l'amygdale persistaient chez les personnes souffrant de dépression, en dépit de l'activité intense de ces mêmes centres de réflexion.
Ce résultat suggère que, si les personnes en bonne santé arrivent à réguler pertinemment leurs émotions par un effort conscient, les dépressifs souffrent d'un dysfonctionnement des circuits neuronaux nécessaires à ce processus.
Bien que les chercheurs n'aient encore pu localiser le siège exact de l'anomalieanomalie, l'hypothèse d'une rupture de la communication qui empêcherait au signal d'amortissement de parvenir au centre émotif semble la plus plausible. Selon Johnstone, le processus engagé pourrait conduire à un effet inverse de celui recherché, l'effort produit pour imaginer des images positives pouvant se heurter à une barrière mentale, et revenir amplifier les émotions négatives d'origine. On observerait alors un enfoncement progressif du patient dans sa propre maladie, toute tentative consciente ou suggérée pour l'en sortir étant susceptible d'encore aggraver son cas.
Des résultats prometteurs
"Ces résultats démontrent qu'il existe un groupe de patients dépressifs pour qui la thérapiethérapie cognitive traditionnelle peut être contre-indiquée", déclare Richard Davidson, membre de l'équipe.
Les résultats de cette étude, publiée dans Journal of Neuroscience du 15 août 2007, pourront aboutir à développer de nouvelles stratégies de traitement de la dépression et d'autres troubles d'ordre psychiatrique.
"La médecine dispose aujourd'hui de thérapies pouvant viser très précisément de nombreux circuits du cerveau. Dès que nous comprendrons quels centres sont précisément impliqués dans l'état de dépression clinique, nous pourrons agir avec efficacité", annonce en substance Tom Johnstone.
Source principale : Journal of Neuroscience (15 août 2007).