au sommaire
On connaissait les victimes des bombes atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki (à l'image) lancées en août 1945, mais les seuls essais nucléaires français auraient pu causer des cancers. Ils ont pris fin en 1996 et sont désormais remplacés par des simulations ou des expériences à très petite échelle. © US Army, Wikipédia, DP
L'histoire commence en 1960. La France se dote de l'arme nucléaire et teste sa bombe. Les premiers essais ont lieu dans le Sahara algérien, puis sont finalement relocalisés en Polynésie française. Les tests perdurent jusqu'en 1996, date à laquelle le pays a signé le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires.
Durant ce laps de temps, 210 tentatives ont été effectuées, sur terre, sous terre ou dans l'océan. Leur mise en place a nécessité du personnel, et on considère aujourd'hui qu'ils sont environ 150.000, professionnels du nucléaire ou militaires, ayant pu être exposés aux retombées radioactives consécutives aux explosions.
Parmi eux, certains ont déclaré un cancer. L'Association des vétérans des essais nucléaires (Aven) estime que l'exposition aux rayonnements ionisants en est la responsable et porteporte plainte en 2003. La juge d'instruction en charge de l'affaire, Anne-Marie Bellot, demande des expertises pour vérifier les accusations. Les premiers résultats viennent de tomber : l'auteur y évoque un « lien vraisemblable ».
Les essais nucléaires directement incriminés dans des cas de cancer
Florent de Vathaire, directeur du laboratoire d'Épidémiologie des cancers à l'institut de cancérologiecancérologie Gustave Roussy, explique dans les colonnes du Parisien les conclusions auxquelles il est arrivé. Ses recherches montrent que ces essais nucléaires peuvent être la cause de l'apparition de la maladie pour six des quinze patients suivis, qu'ils aient été présents en Algérie ou en Polynésie. Il raconte avoir reconstruit « un faisceau de présomptions qui permet de dire que le lien entre les retombées radioactives et les maladies est vraisemblable pour certains des cas expertisés ».
La radioactivité peut favoriser le développement de plusieurs cancers, dont la leucémie, lorsque les mutations gagnent les cellules à l'origine des composants du sang, comme ces précurseurs de lymphocytes B cancéreux. © VachiDonsk, Wikipédia, cc by sa 3.0
Cependant, il reconnaît qu'il est impossible d'affirmer avec certitude la relation de causalité entre les deux événements. Le cancer est une pathologie complexe, multifactorielle, qui ne dépend pas uniquement des mutations génétiques, auxquelles les rayonnements ionisants contribuent.
La population civile également victime ?
Les travaux menés par Florent de Vathaire restent malgré tout incomplets. Les instruments de contrôle des radiations utilisés lors de ces différents essais nucléaires n'étaient pas parfaitement adaptés pour mesurer précisément toutes les formes d'expositions aux rayonnements, faussant les données.
De plus, certains dossiers relevant toujours du secret-défense, le chercheur n'a pu accéder à tous les documents qu'il souhaitait éplucher, rendant son rapport partiel. Marie-Odile Bertella-Geffroy, la juge d'instruction ayant repris l'affaire, a déjà lancé une commission rogatoire afin de déclassifier ces fichiers.
Les inquiétudes de Florent de Vathaire ne se limitent cependant pas aux professionnels ayant travaillé à proximité des régions exposées. Il compte s'intéresser aux effets sur la population civile avoisinante, plus précisément sur les enfants âgés de moins de 5 ans lors des faits, car il est désormais scientifiquement établi que des faibles doses de radioactivité risquent d'induire des troubles de la thyroïdethyroïde (cancers ou autres pathologies) chez les plus jeunes. L'affaire pourrait donc ne pas s'arrêter là.