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Quatre images de cellules tumorales au sein d'un tissu normal. En haut, deux colorants, verts tous les deux, marquent, à gauche, la protéine H1 alpha et, à droite, les cellules tumorales. On remarque que les formes colorées coïncident : la protéine HP1 alpha est présente en plus grande quantité dans les tumeurs. Les deux images du bas visualisent l'expression du gène (ADN) conduisant à la fabrication de la protéine HP1 alpha. Là aussi, on note qu'elle est plus forte dans les cellules tumorales. © Noak/Le Bar/Floréal-Leanne de Koning-C. Charré/Institut Curie
Pourquoi le même genre de tumeur ne provoque-t-il pas les mêmes effets chez tous les patients ? Premières soupçonnées, les variations génétiques d'un individu à l'autre n'expliquent pas tout. D'autres facteurs entrent en jeu, qui viennent modifier l'expression des gènes. Ce sont les facteurs dits épigénétiques, dont l'influence est mal connue. Ils peuvent inhiber complètement un gène ou, au contraire, en favoriser la l'expression, c'est-à-dire la fabrication d'une protéine.
C'est cette voie qu'explore l'équipe de Geneviève Almouzni à l'Institut Curie. Ces biologistes se sont intéressés à une forme dite alpha de la protéine HP1 (Heterochromatin Protein 1). Cette moléculemolécule est connue pour jouer un rôle dans la « compaction » de l'ADN, c'est-à-dire son enroulement autour de grosses protéines, les histoneshistones. Entortillé sur ces molécules, le long brin d'ADN forme une sorte de collier de perles, lequel se replie encore sur lui-même pour devenir une structure en fibres, la chromatinechromatine (ainsi dénommée, il y a bien longtemps, parce qu'elle fixe très bien les colorants utilisés en microscopie optique).
Des gènes coincés sur les histones, camouflés dans cette pelote, ont très peu de chances d'être traduits en ARN messagersARN messagers (c'est-à-dire, dans le jargon biologique, « lus » ou « exprimés »). Des molécules comme HP1, qui agissent sur la compaction, sont donc des facteurs épigénétiques, capables d'orienter différemment le fonctionnement d'une cellule.
Un meilleur pronostic conduit à un traitement mieux adapté
L'équipe de Geneviève Almouzni vient de mettre en évidence trois indices forts qui font de HP1 alpha un indicateur de premier ordre de la probabilité d'apparition de tumeurs et de métastasesmétastases. Tout d'abord, ces biologistes montrent que la quantité de cette protéine est nettement plus grande dans les cellules tumorales que dans les cellules normales. L'équipe indique également que l'absence de HP1 alpha perturbe la division cellulaire.
Enfin, les chercheurs ont étudié des cas cliniques. Cette protéine HP1 alpha a été dosée dans 86 échantillons prélevés en 1995 sur des patientes atteintes d'un cancer du seincancer du sein et dont on connaît le suivi médical au cours des dix années qui ont suivi. Ces tumeurs étaient toutes, initialement, de petites tailles.
Pourtant, un certain nombre de ces femmes ont développé par la suite des métastases. Or, l'étude publiée dans la revue EMBO Molecular Medicine montre qu'il existe une relation statistique forte entre, d'une part, la quantité de HP1 alpha présente dans la tumeur initiale et, d'autre part, la rapiditérapidité et l'ampleur du développement ultérieur de métastases.
Conclusion : la protéine HP1 alpha doit avoir une bonne valeur pronostique. L'équipe a démontré que ce nouveau marqueur est plus fiable que ceux utilisés aujourd'hui (taille de la tumeur, âge de la patiente...). Ce marqueur pourrait permettre très tôt de prédire le risque d'apparition de métastases et donc d'orienter précocement les médecins vers un traitement plus lourd quand il est nécessaire ou plus léger quand le risque est faible. Par exemple, une forte quantité de HP1 alpha pourrait conduire à pratiquer une chimiothérapiechimiothérapie avant l'ablationablation chirurgicale, ce qui se pratique pour réduire le volumevolume de la tumeur.
Les études se poursuivent actuellement pour affiner les résultats, qui pourraient démontrer que cette protéine HP1 alpha constituerait aussi un bon marqueur pour d'autres cancers...