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L'alcoolisme tue en moyenne 49.000 personnes en France chaque année. À quand un traitement efficace contre la dépendance ? © LightsMakerStudio, Flickr, cc by nd 2.0
L'alcool n'est pas un produit ordinaire. Synonyme de convivialité et ingrédient incontournable d'un repas entre amis, il peut devenir une véritable bête noire chez les personnes qui boivent à l'excès. Selon l'Institut national de préventionprévention et d'éducation pour la santé (INPES), cinq millions de personnes auraient des difficultés médicales, psychologiques et sociales à cause de l'alcoolalcool, et environ 49.000 personnes meurent à cause de l’alcool chaque année en France.
Contre la dépendance à l’alcool, il n'existe malheureusement pas de remède miracle. En général, le traitement consiste en un sevrage progressif qui peut être accompagné d'une aide médicamenteuse. Les autorités françaises pourraient bientôt autoriser la mise sur le marché du baclofène, un contractant musculaire connu depuis les années 1970 qui rendrait les patients dépendants indifférents à l'alcool. Cependant, les mécanismes d'action de ce produit sont encore mystérieux.
Dans une étude, les chercheurs ont trouvé le circuit neuronal impliqué dans la dépendance à l'alcool. En illuminant le cerveau de rats pour inhiber ce circuit, ils ont pu diminuer la consommation impulsive d'alcool chez ces rongeurs. © John Rogers, université de l'Illinois à Urbana-Champaign, Beckman Institute
Des chercheurs de l'université de Californie à San Francisco viennent de mettre en évidence un circuit cérébral qui contrôle l'envie de boire chez le rat. Cette étude, publiée dans la revue Nature Neuroscience, apporte une lueur d'espoir et vient ouvrir des pistes intéressantes pour le développement de traitements contre l'alcoolisme.
Bloquer les récepteurs pour limiter la dépendance
Afin d'étudier la dépendance à l'alcool, les scientifiques ont utilisé des rats. Dans leur modèle, les rongeursrongeurs peuvent s'ils le désirent boire de l’alcool pur ou une solution d'alcool contenant de la quinine, un composé aromatiquecomposé aromatique qui confère un goût amer. Selon les auteurs, cette recette peut s'apparenter à « une vodka tonic sans sucre », et est souvent utilisée pour étudier la dépendance à l'alcool chez les animaux.
En étudiant le cerveau de rats alcooliques, les chercheurs ont observé une augmentation de la quantité de récepteurs NMDA, des récepteurs synaptiques essentiels à la mémoire. Ils ont alors injecté une moléculemolécule capable de bloquer l'activation de ces récepteurs, et ont montré que la consommation du mélange d'alcool et de quinine diminuait considérablement. En revanche, l'usage régulier et raisonnable d'alcool ne s'est pas trouvé changé. « En d'autres termes, seule la consommation compulsive d’alcool est affectée », explique Taban Seif, directeur de cette étude.
Des rats illuminés qui ne boivent plus de manière compulsive
Les chercheurs se sont ensuite penchés sur deux régions particulières du cerveau des rats : le cortex préfrontal, qui est le siège de différentes fonctions cognitives comme le langage et le raisonnement, et l'insulainsula, une région cérébrale impliquée dans la formation des sentiments. Ces deux zones présentent des récepteurs NMDA particuliers, et pourraient jouer un rôle important dans le phénomène de dépendance à l’alcool.
Les scientifiques ont inséré dans ces deux régions cérébrales une protéineprotéine appelée halorhodopsine, qui induit le passage rapide d'ionsions lorsqu'elle est éclairée. En envoyant des impulsions lumineuses dans le cerveau des rats grâce à des fibres optiquesfibres optiques préalablement implantées, ils ont pu activer cette protéine et inhiber les connections entre les deux zones du cerveau et le noyau accumbensnoyau accumbens, un ensemble de neuronesneurones jouant un rôle important dans différentes fonctions cérébrales comme l'addiction, la peur et l'effet placéboplacébo. À nouveau, les chercheurs ont réussi à diminuer la consommation de la mixture alcool-quinine chez le rat. Par contre, les rongeurs ont continué de boire l'alcool pur sans excès.
Dans cette étude, les chercheurs ont pu limiter la dépendance à l’alcool chez le rat en utilisant deux techniques différentes. Les régions ciblées semblent donc jouer un rôle primordial dans ce phénomène. « Ces régions du cerveau permettent de prendre conscience du danger et d'y faire face, explique Taban Seif. Mais chez les alcooliques, il semble que c'est l'effet inverse qui se produit, et que ces régions leur disent qu'il n'y a rien de mal à se resservir un verre. » L'équipe voudrait maintenant développer des médicaments pour bloquer les récepteurs NMDA chez les alcooliques. De nombreuses études sont cependant nécessaires pour parvenir à un traitement contre cette maladie.