Un traitement des acouphènes devrait être prochainement testé chez l’Homme, après des résultats plus que satisfaisants chez le rat. L’origine même des acouphènes pourrait être éliminée, grâce à la réorganisation ciblée des neurones impliqués dans l’audition.
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Les acouphènes sont un problème qui touche environ 10 % de la population, mais qui pourrait enfin être efficacement traité. © DR
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Aujourd'hui, les acouphènes perturbent la vie de 10 % des adultes en France, et sont une réelle source de souffrance pour trois cent mille d'entre eux. Si les acouphènes touchent majoritairement les personnes âgées, les jeunes sont aussi de plus en plus concernés par ces symptômes, probablement en réponse à l'augmentation de l'exposition à des sons intenses.
Les acouphènes sont une sensation auditive perçue en absence de toute source sonore extérieure à l'organisme, c'est-à-dire que seul le patient perçoit un son. Il peut s'agir d'un bourdonnement, d'un sifflement, d'un tintement, qui sont, pour la plupart des cas, associés à une perte plus ou moins importante d'audition suite à un traumatisme.
Trop de neurones dédiés à la même fréquence sonore
Par un mécanisme qui n'est pas établi, le système auditif de l'oreille essaierait de compenser la perte auditive en modifiant les signaux envoyés au cortex auditif, centre cérébral du traitement des sons, et créerait ainsi dans certains cas des acouphènes. Trop de neurones seraient dédiés à la même fréquence sonore, les rendant probablement particulièrement sensibles. Cette réorganisation du cortex auditif serait donc à l'origine des acouphènes, et des articles scientifiques récents ont même montré que le degré de cette réorganisation était corrélé à l'intensité des acouphènes.
Alors que les acouphènes sont aujourd'hui très difficiles à traiter, un moyen de les éliminer définitivement serait de renverser ces modifications cérébrales. Des stimulations électriques ou magnétiques du cerveau avaient d'ailleurs montré leur efficacité dans la diminution provisoire de ces sensations fantômes. Des scientifiques de l'Université du Texas à Dallas et de MicroTransponder Inc. ont alors voulu tenter de réorganiser le cerveau de façon définitive, afin de lui réapprendre à fonctionner normalement, expérience qu'ils ont tentée sur un animal modèle : le rat.
Utiliser la plasticité du cerveau
Les chercheurs ont tout d'abord tenté de modifier l'organisation de leur cortex auditif par le biais d'une stratégie inventive : leur faire écouter des sons à une tonalité bien définie (fréquence contrôlée), tout en stimulant le nerf vaguenerf vague. Celui-ci relie la tête à l'abdomenabdomen et sa stimulation entraîne la libération de neurotransmetteursneurotransmetteurs (acétylcholineacétylcholine, norépinephrine) qui favorisent la plasticitéplasticité des neurones. En bref, leur objectif était d'augmenter le nombre de neurones répondant à une même fréquence, dans le but de diminuer, par simple compensation, le nombre de ceux impliqués dans la réponse à la fréquence des acouphènes.
Et ça fonctionne ! Après vingt jours d'un traitement intensif (trois cent stimulations journalières du nerf vague et émissionémission simultanée d'un son à 19 kilohertz), les rats testés obtiennent en moyenne une augmentation de 70 % du nombre de neurones répondant à un son de 19 kilohertz, alors que les neurones dédiés à la fréquence de 4 kilohertz sont moins nombreux qu'avant le traitement.
Du rat à l’Homme
Les chercheurs ont effectué la même expérience chez des rats atteints d'acouphènes, qui ont la particularité d'être incapables de détecter un arrêt de son à une fréquence proche de celle de leurs acouphènes, mais de détecter ces pauses dans des fréquences supérieures et inférieures. En stimulant le nerf vague simultanément avec l'émission de sons à différentes fréquences, excepté celle des acouphènes, là encore, c'est un succès. Après seulement dix jours de thérapiethérapie, l'effet est déjà visible (les rats détectent la pause de son), et est toujours perçu plus de trois mois après la fin de la thérapie. Et pour cause, le nombre de neurones affectés à la fréquence des acouphènes est redevenu normal.
Selon Michael Kilgard, l'un des auteurs de l'article paru dans Nature, « la clé est qu'à l'inverse de précédents traitements, nous ne masquons pas les acouphènes, nous ne les cachons pas. Nous éliminons la source des acouphènes. » Des techniques faisant intervenir des stimulations du nerf vague sont aussi utilisées pour le traitement de la dépression et de l'épilepsie. En ce qui concerne les acouphènes, une première étude pilote sur l'Homme devrait commencer d'ici peu.