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Aujourd'hui, les antibiotiques sont les seuls traitements qui combattent les infections bactériennes. Mais de plus en plus de bactéries résistent à ces traitements, certaines étant même « multirésistantes », c'est-à-dire insensibles à tous les antibiotiques envisageables. L'accroissement des résistancesrésistances rend plus difficile la lutte contre les infections bactériennes, alors que peu de nouveaux antibiotiques arrivent sur le marché.
C'est pourquoi de nombreuses équipes se sont mises en quête d'alternatives aux antibiotiques. Ainsi, une recherche parue dans Nature Microbiology suggère d'utiliser de minuscules polymèrespolymères en forme d'étoilesétoiles pour tuer des bactéries résistantes aux antibiotiques. Ces structures, qui contiennent de courtes chaînes protéiques, ont été mises au point à la Melbourne School of Engineering. D'après les expériences réalisées dans des modèles animaux, le polymère serait particulièrement efficace pour détruire des bactéries à Gram négatif, sans nocivité pour l'organisme. Le polymère tuait les bactéries de différentes façons (contrairement à un antibiotique qui a un mode d'action unique), ce qui expliquerait qu'il n'induise pas de résistance.
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Article initial paru le 14/04/2015
Des chercheurs de l'Inserm ont traité une pneumonie bactérienne grave de la souris grâce à des bactériophages, les virusvirus qui s'attaquent aux bactéries. Une nouvelle piste de recherche pour lutter contre des infections résistantes aux antibiotiques grâce à la phagothérapiephagothérapie.
Des virus viendront-ils bientôt au secours des patients atteints de pneumonie ? C'est bien possible à en croire les résultats de travaux précliniques menés par une équipe Inserm (unité 1137 Inserm/ université Paris-Diderot, Sorbonne Paris Cité). Les chercheurs ont en effet testé cette approche avec succès, chez des souris souffrant d'une infection pulmonaire grave causée par la bactérie E. coliE. coli. Les animaux ont été traités avec des bactériophages (des virus qui infectent des bactéries, s'y reproduisent et entraînent leur destruction), spécifiques de la souche bactérienne à l'origine de leur infection pulmonaire.
Cette approche est appelée phagothérapie. Elle est très ancienne, mais elle a été abandonnée dans les années 1940, suite à l'arrivée des antibiotiques. Seuls des pays de l'ex Union soviétique l'utilisent encore. Toutefois, dans ces pays, la phagothérapie est pratiquée de façon empirique, sans que les résultats de travaux rigoureux n'aient été publiés. Un travail de validation de la méthode reste donc à faire pour que la phagothérapie puisse être envisagée comme une alternative sérieuse à l'antibiothérapie, notamment en Europe et aux États-Unis.
À l'hôpital Louis Mourier de Colombes, dans les Hauts-de-Seine, Jean-Damien Ricard est parfois confronté à des infections nosocomialesinfections nosocomiales impliquant la bactérie E. coli, qui entraînent des pneumonies sévères chez des patients sous assistance respiratoire avec sonde d'intubation. Dans ces situations, certains antibiotiques sont efficaces... sous réserve que la bactérie y soit sensible. Or, avec le problème croissant de l'antibiorésistance, ce n'est plus toujours le cas. C'est pourquoi Jean-Damien Ricard et son équipe ont souhaité tester la phagothérapie dans cette indication précise, afin de trouver une alternative en cas d'échec thérapeutique. Leurs travaux paraissent dans la revue Critical Care Medicine.
La bactérie Escherichia coli est parfois impliquée dans des infections nosocomiales graves. © NIAID, Flickr, CC by 2.0
Les phages, aussi efficaces que les antibiotiques
Pour cela, les scientifiques ont recherché des phages spécifiques de la souche bactérienne en question dans des eaux de station d'épuration. « Il existe des dizaines de milliers de phages différents dans l'environnement », rappelle Jean-Damien Ricard. Parmi tous ceux isolés, deux ont été testés dont un faiblement spécifique au départ mais devenu plus agressif vis-à-vis de la bactérie E. coli suite à une succession de co-cultures. Les chercheurs ont ensuite délibérément infecté des souris par la souche E. coli responsable de pneumonie et les ont divisées en trois groupes : certaines n'ont pas été traitées, servant de témoin, d'autres ont inhalé une dose unique d'un des deux phages et les dernières ont reçu un antibiotique de référence à forte dose.
Alors que toutes les souris non-traitées sont décédées des suites de l'infection, la survie a été de 100 % dans les groupes ayant reçu l'antibiotique ou les phages, sans effets indésirables notables dans ce dernier cas. En outre, la vitessevitesse de guérisonguérison a été équivalente avec les deux approches thérapeutiques. « Ce bon résultat atteste de l'efficacité des phages à détruire la bactérie in vivoin vivo et incite à poursuivre ces travaux », se réjouit Jean-Damien Ricard.
Une diversité naturelle de bactériophages
Le chercheur vient d'ailleurs de déposer une demande de programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) afin de lancer une étude de phase I-II chez l'Homme, vérifier l'innocuité de cette approche et évaluer son potentiel thérapeutique. Il utilisera probablement un cocktail de phages inspiré de celui mis au point par une autre équipe qui teste la phagothérapie dans les infections à E. coli et P. aeruginosa chez les grands brûlés (dans le cadre du projet Phagoburn, financé par la commission européenne). Ce choix devrait permettre de cibler un plus large spectrespectre de souches pathogènespathogènes.
« La phagothérapie est une approche très intéressante car la diversité naturelle des bactériophages est extraordinaire et permet de cibler de très nombreuses bactéries. Il y a en plus la possibilité d'éduquer un phage peu spécifique, comme nous l'avons fait dans cette étude, pour le rendre plus efficace. Il est donc utile d'investir dans cette direction, et pas uniquement dans la découverte de nouveaux antibiotiques voués tôt ou tard à l'apparition de résistances », conclut Jean-Damien Ricard.