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Avec son apparence de petit arbrearbre pétrifié, sa couleur de sang et une réputation de pouvoirs magiques, le corailcorail rouge a été l'objet de mythes quant à sa nature et il est un modèle classique de l'évolution des sciences naturelles au cours des siècles. Alors, est-il minéralminéral, végétal ou animal ?
Pour les Grecs anciens, le corail rouge était un « lithodendron » (arbre de pierre), un végétal qui durcissait au contact de l'air. Ovide relate dans les MétamorphosesMétamorphoses que c'est le contact de la tête de MéduseMéduse, coupée par Persée, qui a donné aux pousses molles de corail la force de durcir à l'air comme pierre.
Le corail rouge, un animal, pas un végétal ni un minéral
Ce mythe d'une pétrificationpétrification aérienne s'est maintenu jusqu'à la fin du XVIe siècle ! Mais le débat à propos de la nature minérale ou végétale du corail s'est poursuivi jusqu'au XVIIIe siècle, les botanistesbotanistes le classant comme « lithophytelithophyte ».
C'est dans ce contexte qu'est survenu ce que l'on peut nommer la « controverse de Marseille », en référence au lieu des observations. En 1706, Luigi Ferdinando Marsigli, militaire italien mais surtout naturaliste, vint à Marseille après un séjour à Montpellier avec un projet peu commun pour l'époque : aller en mer pour en étudier les phénomènes physiques et aussi le corail en accompagnant les pêcheurs. De ces tribulations marines au large de Marseille et de Cassis naîtra le premier ouvrage moderne d'océanographie, L'Histoire physique de la mer, publié à Amsterdam en 1725, surprenant par la justesse des descriptions.
Marsigli est alors persuadé de la nature minérale du corail rouge, qui se formerait comme les stalactitesstalactites des grottes aériennes. Mais, après une pêchepêche hivernale, les rameaux de corail qu'il a mis dans des récipients remplis d'eau de mer présentent des fleurs blanches à huit pétalespétales (fig. 3).
Voilà la preuve que le corail est bien un végétal, une « plante pierreuse », observation entérinée avec enthousiasme par l'abbé Bignon de l'Académie royale des sciences de Paris. Jean-André Peyssonnel, fils d'un fameux médecin marseillais, était aussi avec lui et avait pu voir ces fleurs. Entre 1723 et 1725, devenu lui-même médecin, il renouvelle plusieurs fois les expériences de Marsigli avec des pêcheurs de Marseille et de la Calle, en Algérie.
Il acquiert alors la conviction que les fleurs sont bien animales et font partie intégrante de l'écorce friable du corail. Mais Réaumur mit son veto en 1727 à la diffusion de cette découverte par l'Académie des sciences. Les observations de Peyssonnel furent quand même publiées en Angleterre et leur justesse fut enfin reconnue, d'abord par Bernard de Jussieu en 1742, puis par l'ensemble de la communauté scientifique.
Corallium rubrum, le nom scientifique du corail rouge
Position systématique du corail rouge : Corallium rubrum (Linnaeus, 1758) est un InvertébréInvertébré relativement primitif :
- Phylum (ou embranchementembranchement) : Cnidaria (CnidairesCnidaires, ou Coelentérés) ;
- classe : Anthozoa (Anthozoaires) ; sous-classe : Alcyonaria (Octocoralliaires) ;
- ordre : Gorgonacea (Gorgonaires) ; famille : Coralliidae.
Les cnidaires et le monde marin
Les cnidaires constituent un embranchement majeur du monde marin, extrêmement divers puisqu'il regroupe des organismes ayant des morphologiesmorphologies et des modes de vie aussi différents que les méduses, les anémones de mer, les hydraires, les coraux et les gorgones.
Tous abritent dans leur ectodermeectoderme des cellules spécialisées, les cnidocytes, qui renferment une arme redoutable, le nématocystenématocyste : une vésicule pleine de veninvenin dans laquelle est invaginé un harpon muni d'un filament urticant, qui sera projeté à l'extérieur si une papille sensible, le cnidocil, est touchée.
Le terme « corail » prête souvent à confusion puisque le corail rouge le partage avec les coraux tropicaux constructeurs de récifs (Acropora, Porites, etc.), associés à des alguesalgues microscopiques (zooxanthelleszooxanthelles, fig. 3a), les petits coraux si abondants dans les grottes (fig. 3b), et les coraux profonds (Madrepora, Lophelia, etc.). Ces autres coraux sont des ScléractiniairesScléractiniaires appartenant à la sous-classe des Hexacoralliaires (ou Zoantharia).
Le genre Corallium a été créé par Cuvier en 1797 pour le corail rouge de Méditerranée, auquel Linné avait déjà appliqué sa nomenclature binominale en 1758 en le nommant Madrepora rubra. Ce genre comprend 19 espècesespèces distribuées en Atlantique, en Méditerranée, dans l'océan Indien et le Pacifique, la plupart à grande profondeur (seul C. rubrum est côtier en Méditerranée). Un genre voisin, Paracorallium Bayer & Cairns, 2003, regroupe sept espèces autrefois placées en Corallium. Au moins six de ces espèces sont exploitées pour la bijouterie.
Coraux précieux : le Aka et sa couleur sang de bœuf
L'espèce qui a la plus forte valeur commerciale est le Paracorallium japonicum, l'Aka ou sang de bœuf, qui vit au Japon. Certains de ces coraux précieux, qui vivent à plus de 1.000 mètres de fond dans le Pacifique, peuvent atteindre plus d'un mètre de haut et un poids de plusieurs dizaines de kilogrammeskilogrammes. La couleur de ces Corallium et Paracorallium travaillés en bijouterie va du rouge profond (Aka, P. japonicum), au rose (peau d'angeange, C. secundum) et au blanc (C. konojoi) (fig. 4 et 5).
La dénomination « coraux précieux » englobe aussi des cnidaires qui ne sont pas des Coralliidae. Ce sont essentiellement le corail noir, qui correspond à l'axe noir, corné, de diverses espèces d'Antipathaires (Anthipates spp.), et le corail d'or (gold coral), qui est l'axe d'un Gerardia vivant au large d'Hawaï.