au sommaire
Les dauphins de Guyane peuvent détecter leurs proies grâce à des champs électriques. © Archilider, Wikimedia, CC BY-SA 3.0
Jusqu'à présent, on jalousait les dauphins parce qu'ils avaient un sens en plus par rapport à nous : l'écholocation. Ce système, fondé sur l'envoi d'ondes qui se répercutent sur les obstacles qu'elles rencontrent, permet aux prédateurs de repérer leurs proies.
Dorénavant, on a une nouvelle bonne raison de les envier davantage : un nouveau sens. Des chercheurs allemands et américains, ont en effet découvert que les dauphins de Guyane (Sotalia guianensis) étaient capables de localiser leurs proies grâce à des champs électriqueschamps électriques.
Mécanisme de l'écholocation. Une onde acoustique est envoyée par le prédateur. Tout obstacle renvoie l'onde à l'émetteur qui peut alors localiser les proies. © Malene Thyssen, Wikipédia, CC BY-SA 2.5
L'électroréception, une première chez les cétacés
Bien sûr, ce sens n'est pas nouveau. On le retrouve chez les poissons, chez quelques invertébrés et aussi chez les ornithorynques (des mammifères). Mais tout de même la découverte est de taille, surtout que chez tous ces animaux qui le possèdent, ce mécanisme d'électroréception fonctionne souvent grâce à des structures différentes. C'est une convergence évolutive.
Ce qui a mis la puce à l'oreille des chercheurs, c'est que les dauphins de Guyane vivent dans des eaux peu claires, souvent boueuses, dans les estuaires, parfois même dans les rivières et toujours proche des côtes (voir carte de répartition ci-dessous). Difficile d'utiliser la vision pour chasser dans ces conditions.
Répartition du dauphin de Guyane. Ce mammifère vit près des côtes, dans des eaux peu profondes, à l'estuaire des fleuves et parfois même dans les rivières. © Rasbak, Wikipédia, CC BY-SA 3.0
Les études ont été effectuées sur des individus en captivité et ont été publiées cette semaine dans la revue Proceedings of the Royal Society Biology. Les chercheurs suspectaient que des orifices présents sur le rostrerostre du mammifère soient à l'origine de ce sens . C'est dans ces orifices que s'inséraient les vibrissesvibrisses (poils) qui étaient présents chez les ancêtres du dauphin de Guyane et qu'on retrouve toujours chez les chats et d'autres mammifères.
Orifices vibrissaux sur le rostre du dauphin de Guyane. © Czech-Damal et al., 2011 - Proceedings of the Royal Society B
Avec la disparition de ces vibrisses, les chercheurs ont pensé que les orifices n'avaient plus de fonction particulière. Mais en les analysant, ils se sont rendu compte qu'ils étaient encore actifs. D'ailleurs, quand le rostre est recouvert avec du plastiqueplastique, le dauphin est incapable de ressentir les signaux électriques qu'on lui envoie.
Le dauphin : un prédateur redoutable
En revanche, quand le rostre est découvert, le dauphin réagit aux stimuli électriques déclenchés à proximité de lui (voir graphique ci-dessous). Même de faibles champs électriques peuvent être détectés (à partir de 5 µV/cm).
Pourcentage de réponses du dauphin en fonction de la puissance du stimulus électrique (points noirs). Les points blancs montrent le nombre de réactions du dauphin en l'absence de stimulus. © Czech-Damal et al., 2011 - Proceedings of the Royal Society B
Pour les chercheurs, ce mécanisme d'électroréception permet aux dauphins d'augmenter leur succès de prédation. Il accompagne l'écholocationécholocation lorsque les dauphins chassent dans les eaux boueuses et est une arme redoutable quand ils plongent leur rostre dans le fond marin pour dénicher les poissons qui s'y cachent.
Ces orifices, qui contenaient autrefois les vibrisses, sont également présents chez d'autres cétacés. Les recherches de l'équipe germano-américaine ouvrent ainsi la voie vers tout un spectrespectre de recherches sur ces mammifères.