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Les scientifiques doivent-ils faire des efforts pour sauver le panda d'une éventuelle extinction ? © peroMHC, Flickr, cc by nc sa 2.0
Faut-il tenter de sauver toutes les espèces en danger d’extinction ? Et si oui, dans quelle mesure ? C'est peu ou prou la teneur du sondage réalisé par Murray Rudd, auprès d'environ 600 chercheurs ayant récemment publié des travaux en rapport avec la biologie de la conservation.
Alors que la toute dernière version de la liste rouge de l’UICN, qui recense le statut de nombreux être vivants, vient d'être publiée, l'étude de Murray Rudd s'interroge sur la pertinence des méthodes de conservation de la biodiversité.
Pour cela, il a effectué une liste de 1.826 biologistes qui ont publié des travaux en relation avec la biologie de la conservation. Parmi ceux-ci, 583 ont répondu entièrement au sondage et c'est sur ces réponses que l'analyse de Murray Rudd repose. Les résultats sont parus dans Conservation Biology.
L'ours polaire est une espèce menacée (dans la catégorie « vulnérable » de la liste rouge de l'UICN). Les efforts de conservations le concernant doivent-ils être revus ? © Alan Wilson, Wikipédia, cc by sa 3.0
L'activité humaine réduit la diversité génétique
Aux chercheurs, il adressait en substance les questions suivantes : jusqu'à quel point la communauté scientifique doit-elle tenter de sauver les espèces en danger d’une extinction ? Faut-il faire une sélection parmi les espèces que l'on choisit de protéger ou, en d'autres termes, certaines ont-elles plus de valeur que d'autres ? Comment doit-on s'organiser afin de préserver la biodiversité ?
Autour de ces thèmes, les sondés devaient indiquer s'ils étaient d'accord ou pas avec des suggestions qui leur étaient faites. Et le moins que l'on puisse dire est que les réponses sont assez hétérogènes, reflet d'une claire dissonance au sein de la communauté scientifique.
Si la quasi-totalité des sondés s'accorde à dire que la biodiversité en général a tendance à se dégrader, et ce pour des raisons anthropiques principalement, ils ont en revanche des avis différents quant aux moyens à mettre en place et aux espèces à privilégier.
Les scientifiques interrogés considèrent que l'activité humaine est responsable du déclin de la diversité génétique. © Futura-Sciences, d'après Murray Rudd, 2011, Conservation Biology
Concentrer les efforts sur certaines espèces
Sélectionner certaines espèces à protéger plutôt que d'autres, en se fondant sur des critères économiques (services), écologiques ou plus subjectifs encore, est appelé le triage. Et concernant la pertinence d'un éventuel triage, les scientifiques ne sont pas unanimes.
Par exemple, environ 60 % d'entre eux considèrent qu'il faut mettre l'accent sur quelques espèces, quitte à en laisser d'autres disparaître et un peu plus de 40 % des scientifiques interrogés estiment que les espèces doivent être sélectionnées en fonction de l'argentargent qu'elles pourraient apporter et qui servirait à financer d'autres programmes de protection. Ces heureuses élues sont qualifiées d'espèces icônesicônes.
Sur la question du triage, près de 60 % des chercheurs sont d'accord (ou profondément d'accord) qu'il faut mettre en place des critères. © Futura-Sciences, données Murray Rudd, 2011, Conservation Biology
Cependant, près de la moitié des chercheurs sondés pense qu'on ne peut pas se permettre de se focaliser sur certaines espèces tant que le rôle exact des espèces au sein des écosystèmesécosystèmes n'est pas clairement connu.
Or, c'est un peu la stratégie actuelle. Certains animaux comme le panda ou le tigre, qui ont un fort impact émotionnel sur le grand public, font partie des espèces qui permettent de récolter beaucoup de financements (du public justement) pour les campagnes de protection. Mais si ces critères finissaient par sauter ou bien s'ils étaient modifiés (pour des espèces dont la conservation a davantage de chance d'aboutir), les efforts de conservation les concernant pourraient s'amoindrir, menant à leur inéluctable disparition.
Le débat reste donc ouvert...