Découvertes au large de l’Australie, deux nouvelles espèces d’étranges organismes océaniques viennent d’être identifiées et classées dans une nouvelle famille. Avec leur anatomie bien particulière, elles pourraient modifier les premières branches de l’arbre du vivant.

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    Les Dendrogramma ne présentent pas de traces de fixation aux fonds marins mais sont en même temps dépourvus de moyen de propulsion et leur disque paraît inflexible. Leur mode de vie reste donc inconnu des chercheurs. © Just et al., Plos One

    Les Dendrogramma ne présentent pas de traces de fixation aux fonds marins mais sont en même temps dépourvus de moyen de propulsion et leur disque paraît inflexible. Leur mode de vie reste donc inconnu des chercheurs. © Just et al., Plos One

    Des créatures sous-marines étonnent les scientifiques par leur originalité morphologique qui rappelle celle des chanterelles. Les spécimens ont été collectés dans des sédiments à 400 et à 1.000 mètres de profondeur, au large des côtes du sud-est de l'Australie, lors d'une expédition scientifique datant de 1986.

    Selon leur dimension, les individus ont permis de distinguer deux espèces, Dendrogramma enigmatica et Dendrogramma discoides, classées dans le nouveau genre Dendrogramma et la nouvelle famille Dendrogrammatidae, rapporte un article paru dans le journal Plos One.

    Avec une anatomieanatomie en forme de tube et d'une corolle d'un centimètre de diamètre, ces êtres se composent d'une peau extérieure et intérieure séparées par une épaisse couche de matièrematière gélatineuse. Au centre du disque figure un orifice par où transiteraient à la fois les ressources nutritives et les déchets digestifs. Le canal interne au tube fonctionnerait comme un intestin. Un éventail de tubes digestifs secondaires rayonnant vers l'extérieur alimenteraient ces animaux en substances nutritives. 

    Parce qu'ils ne possèdent pas de cellules urticantes, ni de tentacules, ni de cilscils natatoires, ces organismes primitifs en forme de girolle ne peuvent, pour l'heure, être renvoyés à l'un des deux groupes taxonomiques avec lesquels ils présentent quelques ressemblances, les cnidairescnidaires (les méduses et les coraux) et les cténophorescténophores (autre ensemble d'organismes marins transparents). Ces nouveaux venus sont cependant susceptibles de leur être apparentés, estiment les auteurs de l'étude.

    Coupe transversale de <em>Dendrogramma</em>, d’environ 2 centimètres de long, sur la moitié de la tige (niveau indiqué par des flèches sur la Fig. 2A) montrant le canal gastro-vasculaire dans le centre (pharynx) ou encore la « bouche » de l’animal sur un lobe d’épiderme épaissi du disque. © Just <em>et al.</em>, <em>Plos One</em>

    Coupe transversale de Dendrogramma, d’environ 2 centimètres de long, sur la moitié de la tige (niveau indiqué par des flèches sur la Fig. 2A) montrant le canal gastro-vasculaire dans le centre (pharynx) ou encore la « bouche » de l’animal sur un lobe d’épiderme épaissi du disque. © Just et al., Plos One

    Une nouvelle collecte est nécessaire pour des études génétiques

    Les Dendrogramma rappellent aussi des organismes fossilesfossiles de la faune de l’Édiacarien, disparus il y a 600 millions d'années environ. « Ils présentent quelques similitudes vraiment remarquables, mais il n'y a aucun moyen de dire s'ils sont un lien vivant » avec les fossiles ou s'ils en sont des imitations évolutives, explique l'auteur principal de l'étude Jean Juste, taxonomiste au Musée d'histoire naturelle du Danemark.

    Pour Leonid Moroz, neurobiologiste à l'université de Floride, si ces nouvelles espèces se révèlent être des descendants des premiers animaux, la découverte pourrait « remodeler complètement la classification du vivant et même notre compréhension de la façon dont les animaux, les systèmes neuronaux, les différents tissus ont évolué » et ainsi réécrire les manuels de zoologie.

    Les 18 échantillons de l'époque ont été fixés dans du formol neutre et stockés dans 80 % d'éthanol, ce qui les rend inappropriés pour une analyse moléculaire. Leurs modes d'alimentation, de reproduction et de vie, nageurs ou fixés sur les fonds marins, restent une énigme. Tout comme leur orientation dans l'espace : « nous ne savons même pas s'ils sont à l'envers » avoue Jean Juste. Aussi, il recommande avec son équipe l'acquisition de nouveaux échantillons pour des investigations plus approfondies, notamment sur le plan génétiquegénétique.