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Les conséquences des retombées de l'accident de Tchernobyl en France
En France, malgré la volonté gouvernementale de rassurer la population, des doutes ont rapidement été émis quant aux possibles retombées sur le sol français de matières radioactives. Des études ont tenté d'évaluer leurs effets.
Carte de la concentration de césium 137 dans l'air au-dessus du sol (exprimée en Bq/m3) le 1er mai 1986. © IRSN
La caractérisation radioécologique des retombées de l'accident
La contaminationcontamination de la chaîne alimentairechaîne alimentaire due aux retombées de l'accidentaccident de Tchernobyl et son évolution ont été étudiées par l'IPSN du mois de mai 1986 jusqu'à ce qu'une stabilisation de la contamination soit observée en 1989. Les études radioécologiques ont été effectuées dans des régions où les pluies ont été les plus importantes pendant la période des dépôts : le bassin du Haut-Var, le bassin de la Moselle, la Corse. D'autres études ont été menées, à la même époque, concernant la contamination atmosphérique et la contamination du milieu marin.
Le SCPRI a effectué aux mois de mai et juin 1986 plusieurs milliers de mesures sur des produits alimentaires. Ces mesures se sont ajoutées aux mesures mensuelles habituellement faites sur le territoire national et aux alentours des sites nucléaires. Elles ont porté sur la contamination de l'air (21 stations à l'écart des installations nucléaires et 23 stations proches des sites nucléaires), sur la contamination de l'eau de pluie (12 stations à l'écart des sites nucléaires et 23 stations proches des sites nucléaires), sur la contamination des eaux de surface et souterraines, sur les eaux potables, sur les eaux de mer, sur le lait (2 à 7 mesures par département, 5 à 8 mesures en 8 lieux particuliers et sur les laits produits à proximité de 18 sites nucléaires) ainsi que sur les repas de cantines scolaires.
Par la suite, plusieurs campagnes de mesure spécifiques dans le milieu côtier méditerranéen et dans les Vosges ont été réalisées et sont venues compléter les observations de routine faites par l'IPSN dans le cadre de la surveillance des sites nucléaires, du suivi de la contamination atmosphérique et de la contamination du milieu marin.
À partir de 1997, l'IPSN a rassemblé les résultats de mesure disponibles pour établir un inventaire de la contamination des sols et de la chaîne alimentaire.
En 1999, l'IPSN a entrepris une campagne de caractérisation des dépôts de la région Bas-Rhône, où les sols présentent une bonne rétention du césium et où les pluies ont été importantes pendant le passage des masses d'airmasses d'air contaminées du 1er au 5 mai 1986. À la suite de cette étude, une corrélation a été établie, pour cette zone, entre les dépôts de césium 137 et les pluies mesurées au cours de cette période considérée. Cette corrélation a ainsi permis de reconstituer une carte de la contamination de l'Est de la France à partir des hauteurs de pluie mesurées entre le 1er et le 5 mai 1986. Cette carte a été validée à partir des mesures de dépôts disponibles.
Les études à caractère local effectuées entre 1998 et 2002
- En 1998-2000, la contamination de la région du Mercantour a été caractérisée, en particulier dans les zones où le césium 137 s'est accumulé à cause de l'hétérogénéité des dépôts neigeux et des processus de fonte des neiges.
- En 2001, une campagne de mesures a été effectuée à Sisteron dans les Alpes de Haute Provence.
- En 2001 et 2002, l'essentiel de l'effort de connaissance de la contamination a porté sur la Corse. L'évolution de la contamination en iode 131 et en césium 137 des produits agricoles y a été évaluée à partir des mesures effectuées dans les produits agricoles locaux dans les trois mois qui ont suivi les dépôts. C'est dans la plaine orientale de l'île que les précipitationsprécipitations, entre le 1er et le 5 mai 1986, ont été les plus fortes, plus de 100 mm, et que les dépôts de césium 137 ont pu dépasser 20 000 Bq.m-2 dans la région de Solenzara et 50.000 Bq.m-2 dans certaines zones d'altitude. Sur ces mêmes zones, les dépôts d'iode 131 ont pu dépasser 200.000 Bq.m-2.
- En 2002 une étude sur les vins des côtes du Rhône effectuée par l'IRSN à la demande des viticulteurs a montré que la production de vin de 1986 a été très faiblement marquée et que les activités de 137Cs sont restées inférieures à 1 Bq.l-1, les vignes n'ayant pas encore développé leur feuillage fin avril 1986. De nos jours, l'activité du vin est revenue à son niveau d'avant l'accident.
- Début 2003, une carte des dépôts de césium 137 au mois de mai 1986 dus à l'accident de Tchernobyl a été établie pour l'ensemble du territoire métropolitain français. Cette carte a été réalisée à partir des mesures de la contamination de l'air par le césium 137, des mesures des hauteurs de pluie effectuées entre le 1er et le 5 mai 1986 ainsi que de la relation établie entre dépôt au sol et hauteur des pluies. Cette carte a été validée avec les résultats de mesure de contamination des sols.
Reconstitution par modélisation des dépôts de césium 137 de mai 1986 en France dus à l'accident de Tchernobyl. © DR
On observe une diminution d'est en ouest des activités de césium 137 déposées, allant respectivement de moins de 1.000 Bq.m-2 à plus de 20.000 Bq.m-2. Dans l'Est, les dépôts supérieurs à 10.000 Bq.m-2 correspondent à des hauteurs de pluies cumulées supérieures à 20 mm entre le 1er et le 5 mai 1986. Vers l'ouest, les contrefortscontreforts du Massif Central, qui ont reçu des précipitations supérieures à 10 mm durant la première semaine de mai 1986, se distinguent avec des dépôts de 4.000 à 10.000 Bq.m-2. Encore plus à l'ouest, bien que des hauteurs de pluies supérieures à 20 mm aient été enregistrées, les dépôts n'ont pas dépassé 2.000 Bq.m-2 à cause de l'appauvrissement en césium 137 des masses d'air. Les principales incertitudes attachées à cette carte sont associées aux incertitudes résultant de la cartographie des précipitations car il est possible qu'entre deux stations de relevés pluviométriques, les hauteurs de pluies réelles aient été plus ou moins importantes que celles interpolées. Aussi, une pluie ou un autre phénomène d'accumulation des dépôts, ayant pu conduire localement à des dépôts supérieurs ou inférieurs à ceux estimés dans cette cartographie, peut ne pas avoir été représenté.
Afin d'apprécier la cohérence entre les niveaux de contamination du territoire français et ceux des pays voisins apparaissant dans l'Atlas européen (Atlas of caesium deposition on Europe after the Tchernobyl Accident -European Commission - 1998) de la contamination par le césium, la carte décrite plus haut a été juxtaposée à celles de ces pays.
Incrustation dans la carte de l'Atlas européen du césium, de la carte des dépôts de césium 137 en France dus à l'accident de Tchernobyl (mai 1986). © DR
Sur la carte ci-dessus, on notera dans l'est du pays des dépôts équivalents à ceux apparaissant dans certaines zones du nord de l'Italie, de Suisse et du sud de l'Allemagne où les niveaux des précipitations ont été proches de ceux enregistrés sur les zones les plus touchées de France. La carte montre également qu'à l'ouest et au nord du pays, il y a continuité de la contamination avec l'est de la Grande-Bretagne et la Belgique.
Comparaison avec les concentrations de césium 137 des essais nucléaires
Une autre carte a été établie à partir des dépôts cumulés de césium 137 provenant des essais nucléaires atmosphériques. Elle représente le cumul des dépôts de 1945 à 1980 corrigés de la décroissance radioactive jusqu'en 2003, mais non corrigés des autres processus qui ont contribué à l'élimination du césium des sols, migration horizontale vers les rivières et migration verticale en profondeur. Ces processus peuvent conduire, selon les caractéristiques du sol, à une situation allant d'une élimination importante du césium dans les sols jusqu'à la conservation quasi-complète du dépôt.
Carte des dépôts de césium 137 en France dus aux retombées des essais nucléaires atmosphériques corrigés de la décroissance radioactive jusqu'en 2003. © DR
Il est très important de noter que les cartes qui précèdent ne permettent pas d'établir par similitude les cartes des doses délivrées aux populations. Les connaissances en radioécologie montrent en effet que l'augmentation de la contamination de la chaîne alimentaire n'est pas proportionnelle à l'augmentation des dépôts radioactifs. Une herbe qui reçoit un dépôt pluvieux 10 fois supérieur à un dépôt sec ne présente une activité que de 2 à 3 fois plus élevée.
Plus d'informations sur le site de l'IRSN.