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John Archibald Wheeler. Crédit : NAAPO
John Archibald Wheeler n'avait que 21 ans lorsqu'il décrocha son doctorat en physique à l'Université Johns Hopkins. Il était né le 9 Juillet 1911 à Jacksonville en Floride, et c'est avec l'enthousiasme de la jeunesse qu'il s'embarqua alors vers la Mecque de la physique théorique du début des années 1930, l'Institut Niels BohrNiels Bohr à Copenhague. Devenu l'élève du grand physicienphysicien danois, il sera plus tard, en 1939, le co-auteur avec lui du premier article sur la théorie de la fission nucléaire et, toute sa vie, il restera marqué par la personnalité de ce dernier. Il aura d'ailleurs cette phrase à son sujet : « On peut parler de personnes comme Bouddah, Jésus, Moïse, ConfuciusConfucius... Mais ce qui m'a vraiment convaincu qu'elles avaient existé, ce sont mes conversations avec Bohr ».
De gauche à droite à côté de lui, les bustes d'Einstein et de Bohr, les maîtres à penser de John Wheeler.
Crédit : Texas A&M University
Lui-même sera un enseignant hors pair et le mentor de toute une génération de physiciens. Il fut le directeur de thèse de Feynman, à qui il inspira l'idée de considérer les positrons comme des électrons remontant dans le temps. Il aura aussi comme élève Hugh Everret, le théoricien ayant introduit l'interprétation déterministe de la mécanique quantique que Wheeler baptisera d'un nom qui fera fortune : la théorie des mondes multiples.
On lui devra d'ailleurs d'autres expressions de ce genre qu'il proposera dans ses recherches d'avant-garde sur l'effondrementeffondrement gravitationnel des étoiles, la relativité généralerelativité générale, la cosmologiecosmologie quantique et une théorie unifiée de l'espace-tempsespace-temps et de la matièrematière, la géométrodynamique, inspirée par ses conversations avec EinsteinEinstein dont il était le collègue à Princeton.
Ainsi, les expressions « trou noirtrou noir », « trou de ver » et « structure en écumeécume de l'espace-temps » sont de lui, ainsi que nombre d'idées et de concepts liés à ces phénomènes. Ses papiers de la fin des années 1950 et du début des années 1960 ne sont ni plus ni moins que la feuille de route que suivront des physiciens comme Stephen HawkingStephen Hawking, à tel point que bien des découvertes de ce dernier, que ce soit en cosmologie quantique ou en théorie des trous noirs et des trous de ver, sont déjà clairement esquissées dans les papiers de Wheeler.
Un autre de ses célèbres élèves, l'astrophysicienastrophysicien relativiste Kip Thorne, qui a écrit avec Misner et Wheeler une des bibles de la relativité générale, mentionne même que lui et ses collègues avaient dissuadé Wheeler de développer l'idée que les trous noirs pouvaient s'évaporer, un peu comme un noyau se désintègre par radioactivitéradioactivité... des années avant qu'Hawking ne fasse sa découverte sur le rayonnement des trous noirs !
Crédit : Big Ear Radio Observatory, North American AstroPhysical Observatory (NAAPO),
and Cosmic Quest, Inc.
La place de l'homme dans l'Univers
Wheeler, tout comme Niels Bohr, était préoccupé par des questions philosophiques sur la nature du cosmoscosmos et la place de l'Homme. Il réfléchira profondément sur le rôle de l’observateur en mécanique quantique et même sur l'idée d'une co-création évolutive de l'UniversUnivers et de la conscience au moyen des lois de cette dernière (une idée aujourd'hui encore explorée par des physiciens comme Andrei Linde). On ne sera donc pas étonné de trouver parfois dans ses écrits des références à la philosophie hindoue.
Ces spéculations philosophiques, à cause desquelles certains de ses collègues se demandaient si le Wheeler post années 1970 n'était pas devenu un peu fou, le conduisirent aussi à chercher dans la théorie de l'information la racine des lois de la physique. Là encore, son génie visionnaire était en avance de plusieurs décennies puisqu'il s'agit aujourd'hui d'un champ très actif de recherche, en particulier avec les travaux en information quantique et en théorie des automates cellulairesautomates cellulaires.
Bien que très confiant dans la capacité de l'esprit humain à percer les secrets de l'Univers, il avait clairement conscience que cela pourrait bien rester à tout jamais un idéal inatteignable tant la complexité de l'Univers défie les capacités de notre esprit. La génération actuelle de chercheurs méditera certainement encore avec profit sur ses travaux et la sagesse de quelques-unes de ses déclarations comme les suivantes :
- « Nous vivons encore dans l'enfance de l'espèceespèce humaine, toutes les horizons que sont la biologie moléculairebiologie moléculaire, l'ADNADN, la cosmologie commencent juste à s'ouvrir. Nous sommes justes des enfants à la recherche de réponses et à mesure que s'étend l'île de la connaissance, grandissent aussi les rivages de notre ignorance »,
- « Sûrement un jour, on peut l'espérer, nous saisirons l'idée centrale derrière toute chose. Elle sera si simple, si belle, si convaincante que nous nous dirons alors "Oh, comment cela aurait-il pu être autrement ! Comment avons-nous fait pour rester aveugle aussi longtemps !" »