La mine d’or de Homestake, sous les fameuses Black Hills, est célèbre dans le monde de l’astrophysique et de la physique des particules. Fermée en 2001, elle va être reconvertie en un laboratoire de recherche pour la géophysique et la physique fondamentale pour devenir le laboratoire Dusel, le plus profond laboratoire du monde.

Pour sonder l'intérieur du Soleil, les physiciens des particules et les astrophysiciens se sont enterrés dans la mine d'or la plus profonde des Etats-Unis, celle de Homestake dans le Dakota du Sud. Bien à l'abri du bruit de fond des rayons cosmiques tombant sur l'atmosphère de la Terre, des chercheurs, comme le futur prix Nobel de physique 2002, Raymond Davis, pouvaient y partir à la chasse au flux de neutrinos provenant du Soleil.

N'interagissant que via les interactions nucléaires faibles, ces particules sont très pénétrantes. Produites au cœur du Soleil par des réactions de fusion thermonucléaire, elles le quittent en quelques secondes alors qu'il faut en moyenne un million d'années pour qu'un photon, produit au même endroit, rejoigne la surface de notre astre, après de multiples diffusions sur les particules du plasma solaire.

A la surprise de théoriciens comme John Bahcall, ses calculs, basés sur la théorie des interactions faibles et celle de la structure interne du Soleil, s'obstinaient à prédire un flux trois fois plus fort que celui mesuré par Davis. Ce dernier utilisait un détecteur avec un impressionnant réservoir contenant un liquide riche en chlore, adapté à la capture de neutrinos en provenance du Soleil.

Le problème du déficit des neutrinos solaires pointait en direction d'une masse non nulle pour ces particules, en relation avec des processus d’oscillations convertissant les trois espèces de neutrinos les unes dans les autres.

En 1968, Raymond Davis a été le premier à détecter des neutrinos provenant du Soleil. Il a utilisé ce réservoir de 6 mètres de diamètre et 15 mètres de longueur situé dans la mine de Homestake, dans le Dakota du sud. Le réservoir contenait 400.000 litres de liquide pour le nettoyage à sec (perchloroéthylène). Crédit : <em>Brookhaven National Laboratory</em>
En 1968, Raymond Davis a été le premier à détecter des neutrinos provenant du Soleil. Il a utilisé ce réservoir de 6 mètres de diamètre et 15 mètres de longueur situé dans la mine de Homestake, dans le Dakota du sud. Le réservoir contenait 400.000 litres de liquide pour le nettoyage à sec (perchloroéthylène). Crédit : Brookhaven National Laboratory

L'expérience de Davis ne détectant qu'un seul type de neutrinos, on pouvait réconcilier théories et expériences. En plus d'ouvrir une nouvelle fenêtre sur une physique au-delà du modèle standard, on pouvait espérer rendre compte de la matière noire dans l'Univers par une mer de neutrinos, plus abondants que les photons du fond diffus cosmologique.

En effet, même avec une très faible masse, les neutrinos constituaient de bon candidats pour expliquer les amas de galaxies, avec leur surplus de masse non lumineuse. De plus, ils pouvaient aussi fermer l'Univers en lui donnant une densité supérieure à la valeur critique.

1.400 mètres de profondeur pour étudier tranquillement les neutrinos

Les observations du phénomène d'oscillation des neutrinos avec Super-Kamiokande en 1998 montrèrent que le problème des neutrinos solaires n'en était plus un. Jointes à d'autres expériences ainsi qu'à des observations du rayonnement fossile par des sondes comme WMap, elles montraient aussi que la matière noire ne pouvait être toute entière composée de neutrinos.

Un autre problème se présentait. Si l'on pouvait mesurer des différences de masses entre les neutrinos, il n'était pas possible de déterminer la masse de chacun des neutrinos. Des expériences sont en cours pour y parvenir, comme Katrin, mais elles sont difficiles à réussir.

L'exploitation de l'or a cessé en 2001 et la mine de Homestake a donc été fermée. Mais les chercheurs n'ont pas oublié les qualités exceptionnelles de la caverne de Davis et depuis des années, ils projetaient de l'utiliser dans le cadre d'un programme d'expériences de grandes tailles, enterrées dans les profondeurs de la Terre, et dont la dénomination est Deep Underground Science and Engineering Lab (Dusel). Le gouverneur du Dakota vient d'en inaugurer le chantier.

Schéma 1. La double désintégration bêta est lente mais a déjà été observée. Crédit : <em>National Science Foundation</em>

Schéma 1. La double désintégration bêta est lente mais a déjà été observée. Crédit : National Science Foundation

Situées à plus de 1.400 mètres sous la surface de la Terre, les différentes expériences en physique des particules liées à l'astrophysique et à la cosmologie qui y seront menées seront bien isolées du bruit de fond des rayons cosmiques. La protection offerte par une telle profondeur en roche équivaut en effet à celle donnée par plus de 7.000 mètres d'eau. Les chercheurs pourront y partir à la recherche des particules de matière noire, comme les Wimps, avec un première expérience baptisée Lux, pour Large Underground Xenon detector, mais aussi tenter d'en apprendre plus sur la physique des neutrinos.

Particulièrement intéressante est l'étude de la double désintégration bêta. Au cours de ce phénomène très rare, deux désintégrations bêta moins se produisent simultanément avec la transformation de deux neutrons (n) en protons (p) et l'émission de deux électrons (e-) et deux antineutrinos (voir les schémas 1 et 2).

Schéma 2. La double désintégration bêta sans neutrino est théoriquement possible mais n'a encore jamais été observée. Au fond de l'ancienne mine, le bruit de fond dans le laboratoire Dusel devrait être suffisamment bas pour enfin le permettre, si cette réaction existe bien. Crédit : <em>National Science Foundation</em>

Schéma 2. La double désintégration bêta sans neutrino est théoriquement possible mais n'a encore jamais été observée. Au fond de l'ancienne mine, le bruit de fond dans le laboratoire Dusel devrait être suffisamment bas pour enfin le permettre, si cette réaction existe bien. Crédit : National Science Foundation

Si les neutrinos sont leur propre antiparticule, un mode de désintégration double bêta sans neutrino est théoriquement possible. En plus de donner une confirmation de la nature de fermion de Majorana des neutrinos, l'observation de ce phénomène peut aider à la détermination de la valeur absolue de la masse des neutrinos.

Bien d’autres domaines scientifiques seront accessibles grâce à Dusel. On pourra par exemple en apprendre plus sur la constitution de la croûte terrestre sous l'Amérique du nord et les effets des marées gravitationnelles sur les continents et non pas seulement les océans. Plusieurs documents (en format PDF) sur les recherches scientifiques que rendra possible Dusel sont indiqués en bas de cet article.