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Pour sonder l'intérieur du Soleil, les physiciensphysiciens des particules et les astrophysiciensastrophysiciens se sont enterrés dans la mine d'or la plus profonde des Etats-Unis, celle de Homestake dans le Dakota du Sud. Bien à l'abri du bruit de fond des rayons cosmiques tombant sur l'atmosphèreatmosphère de la Terre, des chercheurs, comme le futur prix Nobel de physique 2002, Raymond Davis, pouvaient y partir à la chasse au flux de neutrinosneutrinos provenant du Soleil.
N'interagissant que via les interactions nucléaires faibles, ces particules sont très pénétrantes. Produites au cœur du Soleil par des réactions de fusion thermonucléaire, elles le quittent en quelques secondes alors qu'il faut en moyenne un million d'années pour qu'un photon, produit au même endroit, rejoigne la surface de notre astreastre, après de multiples diffusionsdiffusions sur les particules du plasma solaire.
A la surprise de théoriciens comme John Bahcall, ses calculs, basés sur la théorie des interactions faiblesinteractions faibles et celle de la structure interne du Soleil, s'obstinaient à prédire un flux trois fois plus fort que celui mesuré par Davis. Ce dernier utilisait un détecteur avec un impressionnant réservoir contenant un liquideliquide riche en chlorechlore, adapté à la capture de neutrinos en provenance du Soleil.
Le problème du déficit des neutrinos solaires pointait en direction d'une massemasse non nulle pour ces particules, en relation avec des processus d’oscillations convertissant les trois espècesespèces de neutrinos les unes dans les autres.
L'expérience de Davis ne détectant qu'un seul type de neutrinos, on pouvait réconcilier théories et expériences. En plus d'ouvrir une nouvelle fenêtrefenêtre sur une physique au-delà du modèle standardmodèle standard, on pouvait espérer rendre compte de la matière noirematière noire dans l'UniversUnivers par une mer de neutrinos, plus abondants que les photons du fond diffus cosmologiquefond diffus cosmologique.
En effet, même avec une très faible masse, les neutrinos constituaient de bon candidats pour expliquer les amas de galaxiesamas de galaxies, avec leur surplus de masse non lumineuse. De plus, ils pouvaient aussi fermer l'Univers en lui donnant une densité supérieure à la valeur critique.
1.400 mètres de profondeur pour étudier tranquillement les neutrinos
Les observations du phénomène d'oscillation des neutrinos avec Super-KamiokandeSuper-Kamiokande en 1998 montrèrent que le problème des neutrinos solaires n'en était plus un. Jointes à d'autres expériences ainsi qu'à des observations du rayonnement fossilefossile par des sondes comme WMap, elles montraient aussi que la matière noire ne pouvait être toute entière composée de neutrinos.
Un autre problème se présentait. Si l'on pouvait mesurer des différences de masses entre les neutrinos, il n'était pas possible de déterminer la masse de chacun des neutrinos. Des expériences sont en cours pour y parvenir, comme Katrin, mais elles sont difficiles à réussir.
L'exploitation de l'or a cessé en 2001 et la mine de Homestake a donc été fermée. Mais les chercheurs n'ont pas oublié les qualités exceptionnelles de la caverne de Davis et depuis des années, ils projetaient de l'utiliser dans le cadre d'un programme d'expériences de grandes tailles, enterrées dans les profondeurs de la Terre, et dont la dénomination est Deep Underground Science and Engineering Lab (Dusel). Le gouverneur du Dakota vient d'en inaugurer le chantier.
Schéma 1. La double désintégration bêta est lente mais a déjà été observée. Crédit : National Science Foundation
Situées à plus de 1.400 mètres sous la surface de la Terre, les différentes expériences en physique des particules liées à l'astrophysiqueastrophysique et à la cosmologiecosmologie qui y seront menées seront bien isolées du bruit de fond des rayons cosmiques. La protection offerte par une telle profondeur en roche équivaut en effet à celle donnée par plus de 7.000 mètres d'eau. Les chercheurs pourront y partir à la recherche des particules de matière noire, comme les WimpsWimps, avec un première expérience baptisée Lux, pour Large Underground Xenon detector, mais aussi tenter d'en apprendre plus sur la physique des neutrinos.
Particulièrement intéressante est l'étude de la double désintégration bêtabêta. Au cours de ce phénomène très rare, deux désintégrations bêta moins se produisent simultanément avec la transformation de deux neutronsneutrons (n) en protonsprotons (p) et l'émissionémission de deux électronsélectrons (e-) et deux antineutrinos (voir les schémas 1 et 2).
Schéma 2. La double désintégration bêta sans neutrino est théoriquement possible mais n'a encore jamais été observée. Au fond de l'ancienne mine, le bruit de fond dans le laboratoire Dusel devrait être suffisamment bas pour enfin le permettre, si cette réaction existe bien. Crédit : National Science Foundation
Si les neutrinos sont leur propre antiparticuleantiparticule, un mode de désintégration double bêta sans neutrino est théoriquement possible. En plus de donner une confirmation de la nature de fermionfermion de Majorana des neutrinos, l'observation de ce phénomène peut aider à la détermination de la valeur absolue de la masse des neutrinos.
Bien d’autres domaines scientifiques seront accessibles grâce à Dusel. On pourra par exemple en apprendre plus sur la constitution de la croûte terrestrecroûte terrestre sous l'Amérique du nord et les effets des marées gravitationnelles sur les continents et non pas seulement les océans. Plusieurs documents (en format PDF) sur les recherches scientifiques que rendra possible Dusel sont indiqués en bas de cet article.