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Crédit : COUPP collaboration
L'Histoire fait parfois des retours en arrière surprenants. La technique des chambres à bulles, très répandue en physique des particules au début des années 1950, s'était éclipsée depuis quelques dizaines d'années. Avec l'expérience Coupp, elle fait son come back dans la traque des particules de matière noirematière noire : les Wimps.
Le prix Nobel de Physique 1960, Donald Glaser, a conçu la chambre à bulles à l'âge de 25 ans, en 1952, tandis qu'il était membre du corps professoral de l'Université du Michigan. Selon la légende, l'idée lui est venue en observant une bière froide, avec un cortège de bulles remontant vers la surface. C'est donc ainsi que serait née l'un des principaux outils de la physique des particules du XXième siècle...
Le principe en est simple. Du liquide transparenttransparent est porté presque à ébulition dans un cylindre plongé dans un champ magnétique et doté d'un piston. Celui-ci est brutalement relevé juste avant qu'un faisceau de particules ne pénètre dans le cylindre. Le liquide est alors dans un état dit surchauffé : bien que la température soit un peu au-delà de son point d'ébulition, c'est uniquement sur le passage des particules que des bulles de gaz vont se former et croître rapidement.
A gauche, le diagramme de phase expliquant le principe physique exploité dans une chambre à bulle et à droite des photos de la chambre à bulles de Coupp en fonctionement. Cliquez pour agrandir. Crédit : KAVLI Institute.
On peut alors photographier les trajectoires des particules et remonter, à l'aide des formules bien connues de la relativité restreinterelativité restreinte pour des particules chargées dans un champ magnétique, à certaines des caractéristiques des particules, comme leur charge et leur massemasse. Les fameux courants neutres produits par le boson de la théorie électrofaible, le Zo, furent découverts de cette façon au CernCern au début des années 1970, en étudiant les produits de réactions entre particules.
La technique des chambres à bulles s'est largement effacée devant celle des détecteurs électroniques, comme ceux de la chambre à fils de Georges Charpak, nécessaires pour analyser à l'ordinateurordinateur les millions de particules produites dans les réactions, au fur et à mesure que les énergiesénergies des faisceaux grimpaient et que l'on partait à la recherche de processus rares.
Production de particules dans la première chambre à bulles à hydrogène liquide du Cern. Crédit : Cern
Un piège à Wimps
Aujourd'hui cependant, les physiciensphysiciens travaillant aux États-Unis sur l'expérience Chicagoland Underground Particle Physics (Coupp) ont ressuscité la technique afin de partir à la chasse de certaines particules de matière noire : les Wimps.
L'expérience Coupp est située à environ 100 mètres sous terre dans un tunnel du Fermilab. Un cylindre en verre y est rempli d'un litre environ de CF3I, un liquide habituellement utilisé comme extincteur d'incendie. Si une particule Wimp entrait en collision avec un noyau dans le fluide, le recul du noyau chaufferait le fluide environnant, qui bouillonnerait et formerait une petite bulle. La bulle dans la chambre se développerait jusqu'à atteindre environ un millimètre. Elle pourrait alors être photographiée par des caméras numériquesnumériques.
L'expérience Coupp fonctionne quasiment en continu, et elle peut donc prendre un grand nombre d'images, ce qui permet de disposer d'une statistique suffisante pour départager les événements causés par un bruit de fond de particules normales. En particulier, l'expérience a un avantage sur celles conduites aussi à grandes profondeurs pour tenter de s'affranchir du bruit de fond des rayons cosmiquesrayons cosmiques : elle n'est pas sensible aux muonsmuons, rayons gammarayons gamma et X.
L'apparition de bulles dans la chambre de Coupp sous l'effet de particules de matière normale.
Crédit : Coupp collaboration
Il y a de multiples candidats pouvant tenir le rôle de particule de matière noire. Par définition, une wimp interagit faiblement avec la matière mais on peut montrer qu'il existe différents mécanismes pouvant changer le taux de collision avec les noyaux en fonction du spinspin des particules, et surtout les noyaux eux-mêmes.
Une précédente expérience en Italie, Dama, avait trouvé des candidats possibles de réactions avec des particules de matière noire. Toutefois, les chercheurs de l'expérience Coupp pensent aujourd'hui avoir réfuté les résultats de Dama dans le sens où, si les particules de matière noire produisaient bien des réactions dépendantes du spin des noyaux du liquide de la chambre à bulles, ils les verraient clairement. Ils estiment même que plusieurs centaines de particules de matière noire auraient ainsi été détectées.
Une telle expérience semble donc poser une contrainte supplémentaire sur la nature de la matière noire, en supposant bien sûr qu'elle existe et qu'elle soit bien la cause des observations en rapport avec les galaxiesgalaxies et les collisions entre amas de galaxiesamas de galaxies.
Les chercheurs de l'expérience Dama n'ont pas dit leur dernier mot et la situation pourrait se retourner. Pour eux, les expériences ne sont pas vraiment comparables et, au pire, Coupp n'exclut que certains modèles d'interactions dépendant du spin des noyaux. Affaire à suivre donc, car Coupp va passer de 1 à 30 litres de CF3I.