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Certaines découvertes dans le domaine de la biotechnologiebiotechnologie pourraient bien changer la façon dont sont conçus les produits de beauté. Synthétiser de la peau avec une imprimante 3D, réaliser des changements dans les tests cosmétiques pour en finir avec les tests sur les animaux sont quelques-unes des pistes envisagées dans le secteur des cosmétiques.
Marc-Antoine Jamet est président du pôle de compétitivité Cosmetic Valley et vice-président de la Fédération des industries de la parfumerie (FEBEA). Il est également secrétaire général du groupe LVMH et administrateur de Parfums Christian Dior.
Quelle place occupe la cosmétique au sein des biotechnologies ?
La cosmétique est l'une des filières privilégiées pour le déploiement des biotechnologies. Celles-ci sont, en effet, présentes dans la majorité des produits de beauté. Elles sont des alliées qui permettent d'associer le meilleur des technologies déjà développées en dermatologie et les approches issues de la nature.
Cependant, il faut le rappeler, nous n'en sommes qu'au commencement. Trois facteurs clés sont essentiels pour surmonter les derniers freins à leur développement dans notre filière :
- la démocratisation de ces technologies, que nous constatons jour après jour ;
- l'expérience acquise par les professionnels, de plus en plus approfondie ;
- et, surtout, des coûts qui deviennent toujours plus compétitifs.
Les biotechnologies sont utilisées dans le domaine des cosmétiques. Elles s'inspirent notamment du végétal. © JPC-PROD, Shutterstock
À quoi ressemblent le secteur et le marché de la cosmétique ?
Le secteur de la cosmétique est un des segments les plus dynamiques de l'économie mondiale. Le marché international des cosmétiques est estimé à 425 milliards d'euros, prix de vente distributeur. Ses premiers consommateurs sont européens : l'Europe est le premier marché mondial, devant les Américains et les Japonais.
Toutefois, ces marchés étant arrivés à maturité, nos efforts s'orientent également vers les pays émergentsémergents que sont le Brésil, la Russie, l'Inde, le Mexique et bien sûr la Chine. Ces pays enregistrent, en parfumerie-cosmétique, des taux de croissance de 5 à 9 %. L'industrie européenne demeure donc bel et bien un pilier solide et puissant, en un mot, leader. LVMH, L'Oréal et Chanel en France, Unilever au Royaume-Uni, Beiersdorf en Allemagne sont parmi les principaux groupes qui construisent ce leadership. Le tissu économique autour de cette filière est dense : 3.000 PME fabriquent des cosmétiques et emploient, directement et indirectement, 350.000 salariés européens.
La France se distingue par un positionnement haut de gamme, stratégie évidemment gagnante, ainsi que par son avance technologique et et son savoir-faire marketing. Ces atouts font de notre pays le leader mondial de la parfumerie-cosmétique, avec à lui seul 25 % des parts de marché mondial sur ce segment. On ne le rappelle pas assez, mais la cosmétique, avec un chiffre d'affaires d'environ 25 milliards d'euros par an, est le deuxième secteur industriel contributeur à la balance commerciale française, derrière l'aéronautique. Elle est créatrice de PME, d'usines, de laboratoires, d'emplois, d'activité.
Chaque produit de beauté est le résultat d'une collaboration entre des fournisseurs de matières premières, d'emballages, de machines-outils, avec pour cœur de métier la fabrication et la formulation. Il s'agit là d'un fleuron de notre compétitivité. Porteur de croissance, il est également un des premiers secteurs en termes de création d'emplois : 1.500 entreprises et 150.000 salariés développent, fabriquent, contrôlent sur le territoire français des produits qu'ils distribuent chaque jour dans le monde entier. Parfums, crèmes de soins, maquillages, produits capillaires et bien d'autres produits innovants s'exportent et créent de la croissance.
Comment se caractérise la filière de la cosmétique en France ?
Le secteur cosmétique français est une filière verticale, très étendue. Il va du sourcing des matières premières, de la formulation, des tests et analyses, au conditionnement, à la logistique et enfin à la distribution. À chaque maillon de cette chaîne, des entreprises, qui sont pour la plupart des PME, perpétuent un savoir-faire hexagonal reconnu à travers le monde. Cependant, la filière est confrontée à un enjeu majeur : son unification. En 2014, le pôle de compétitivité Cosmetic Valley a été chargé par l'État, et ce souhait est inscrit dans le contrat de performance du pôle, de coordonner la filière et de l'unifier pour développer de nouveaux projets de recherche et être plus visible à l'international.
C'est un travail mené sans relâche. La Cosmetic Valley fédère à ce jour 800 entreprises dont 78 % de PME, mais aussi une quinzaine de grands groupes, représentant plus de 18 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 70.000 emplois. Parmi ses membres, 8 universités françaises, 200 laboratoires publics et des laboratoires privés, rassemblant 8.600 chercheurs. Cet écosystèmeécosystème porteporte dans son ADNADN le principe même de la coopération. C'est un véritable tissu industriel « à l'allemande », qui fédère grands groupes et PME, donneurs d'ordres et fournisseurs, acteurs de la recherche publique et privée. Ils collaborent tous à des objectifs communs. La parfaite illustration de l'utilité de cette collaboration réside dans les 150 projets de recherche labellisés, que nos adhérents construisent ensemble sans crainte de mettre à mal leur concurrence, et dans les 270 millions d'euros mobilisés.
L'innovation se diffuse ainsi dans l'ensemble de la filière. Ce travail de coordination est également géographique. Pour être forte et rester leader, la filière française doit travailler de façon organisée et collective sur tout son territoire. Toutes les régions cosmétiques en France ne peuvent pas exceller dans tous les métiers. Toutefois, toutes les régions ensemble, chacune apportant au made in France sa spécificité - scientifique, industrielle, logistique ou commerciale -, le peuvent. La Cosmetic Valley, dont le périmètre s'étend sur les régions Centre-Val de Loire, Île-de-France et Haute-Normandie, constitue et anime à cette fin des « Domaines d'excellence stratégique territoriale », afin que chaque territoire brille dans sa spécialité, conserve son identité, développe sa singularité. Cela fonctionne au-delà des frontières du pôle. Un partenariat en ce sens a été signé avec l'Aisne, qui est le deuxième territoire de production de parfumerie-cosmétique en France, avec l'Aquitaine spécialiste de la lipochimie (chimie des corps gras) et le Limousin autour de l'éco-extraction circulaire (extraction écologique d'actifs cosmétiques pour le développement de l'économie circulaireéconomie circulaire).
Enfin, nous travaillons actuellement, dans l'intérêt de la marque France, au rapprochement vers la Cosmetic Valley du pôle PASS situé à Grasse, dont le savoir-faire autour des ingrédients est emblématique. De la Picardie à la Provence, c'est ainsi que le plus bel appareil scientifique, industriel et commercial de la filière française se constitue.
Quels sont les grands domaines de la cosmétique ?
La cosmétique couvre les produits d'embellissement, mais aussi d'hygiène et de soin. Les domaines sont alors plus nombreux que le grand public ne l'imagine :
- les produits d'hygiène, comme le dentifrice, le déodorant, le savon ou le shampoing ;
- les produits de soin corps et visage, tels que les crèmes hydratantes, toniques, sérumssérums, les produits de maquillage ;
- les parfums ;
- les produits solaires : crèmes, huiles ou lotions après-soleil et solaires.
La liste est importante.
Le marché de la cosmétique est-il avant tout féminin ?
En réalité, tout le monde, femmes et hommes, petits et grands, utilisent au quotidien des produits cosmétiques, ne serait-ce que le dentifrice ou le shampoing. Si, pendant longtemps, nos premiers consommateurs de produits de soin et de beauté étaient des consommatrices, la situation se rééquilibre aujourd'hui.
La tendance actuelle est de développer la gamme des produits pour les hommes, pour répondre davantage à leurs besoins. C'est une tendance forte du marché. Reste qu'il existe, comme en témoignait une étude publiée par la Fédération des entreprises de beauté (FEBEA) et Ipsos au début de l'année 2015, un décrochagedécrochage, rarement atteint dans d'autres secteurs, sur le regard porté sur cette filière et ses produits selon le sexe des personnes interrogées. Les choses changent mais le travail est important.