au sommaire
Internet : le réseau des réseaux
Si on n'est pas passionné par le sujet, on ne s'attardera pas nécessairement sur l'histoire du calcul scientifique ou la révolution de l'ordinateur quantiqueordinateur quantique, mais on prendra le temps de parcourir le très intéressant papier d'Alexander Szalay et Jim GrayGray sur l'évolution des méthodes scientifiques et du travail des chercheurs dans un monde où le volumevolume des données accumulées par les chercheurs double chaque année. Et de rappeler la nécessité de former tous les futurs scientifiques à la gestion de données, aux concepts informatiques et aux techniques statistiques. Sans compter que "trop d'efforts sont encore consacrés à convertir des données d'un format propriétaire à un autre"
, comme le montre ce bon exemple : "Imaginez une mesure utilisant une machine séquençant l'ADNADN. La production des données est réalisée avec une séquence provenant de la GenBank et les résultats analysés avec le logiciel Matlab. Documenter complètement ces étapes serait difficile, il y a donc peu de chance que quelqu'un puisse reproduire la procédure dans 20 ans. Sans compter que Matlab et GenBank auront énormément changé d'ici là. Les expériences comporteront toujours plus de données, les analyses deviendront toujours plus complexes et les données seront incrémentalement plus difficiles à documenter et à reproduire."
Declan Butler s'intéresse, lui, à l'informatique ambiante : c'est-à-dire comment l'internet des objets va bouleverser la science expérimentale elle-même en permettant de recueillir des données en temps réel à partir d'un très grand nombre de points, ou d'agir sur ces points. Le réseau de 10 capteurscapteurs que les chercheurs du groupe de recherche sur les réseaux extrêmes ont déployé dans une petite forêt aux abords de l'université Johns Hopkins, dans le cadre du projet la vie sous nos pieds, a ainsi collecté 1,6 millions de mesures en 147 jours. Selon Butler, "Des millions ou des milliards de minuscules ordinateurs seront enchâssés dans la structure du monde réel. Ils agiront de concert, partageant les données que chacun d'entre eux amasse, afin de produire des représentations numériques utilisables du monde. Les chercheurs pourront exploiter ce "web de capteurs" en posant leurs questions ou en testant directement leurs hypothèses. Même quand les scientifiques seront occupés à autre chose, ces réseaux de capteurs continueront de manière autonome à produire des mesures et des analyses, en modifiant leur comportemens pour s'adapter à leur expérience changeante du monde."
Une perspective qui pourrait bien venir bouleverser le cycle actuel des expérimentations.
"Comment se préparer à un tel avenir ?", s'interroge Vernor Vinge, professeur émérite en informatique de l'université d'Etat de San Diego et auteur d'un récent roman, Rainbows End consacré à l'internet en 2025.
"Peut-être est-ce le plus important projet de recherche pour notre machine à créativité (Ndlr : c'est ainsi que Vernor Binge caractérise l'internet). Nous avons besoin d'exploiter la couche croissante des capteurs et actionneurs, pour transformer le monde lui-même une base de donnée temps-réel. Dans les couches humaines et sociales de l'internet, nous devons concevoir et expérimenter des architectures de collaboration à grande échelle. Nous avons besoin de linguistes et de chercheurs en intelligence artificielle pour étendre les capacités des moteurs de recherche et des réseaux sociauxréseaux sociaux, et produire des services qui dépasseront les barrières que créent les jargons techniques, relieront les spécialités, rassembleront des groupes dont les problèmes ou les solutions sont complémentaires - y compris lorsque ces groupes ne sont pas a priori conscients de ces complémentarités. Au bout du compte, l'ensemble que constituent les ordinateurs, les réseaux et les gens est plus grand que la somme des parties. Il sera plus grand, à terme, que la créativité humaine. Pour devenir quoi ? Nous ne pouvons le savoir avant d'y parvenir."