Les régions externes où se trouvent les géantes gazeuses sont le domaine de la glace d'eau : en particulier, l'eau y constitue la moitié de la masse de la plupart des satellites. Les rayonnements solaires y sont trop faibles pour la faire passer à l'état liquide ; mais d'autres sources d'énergie ne peuvent-elles pas s'y substituer ?

Europe, satellite de Jupiter. © Nasa, Jet Propulsion Lab-Caltech, Seti Institute, Wikimedia commons, DP
Europe, satellite de Jupiter. © Nasa, Jet Propulsion Lab-Caltech, Seti Institute, Wikimedia commons, DP

Des énergies de substitution : Europe et Io

C'est le cas des satellites Io et Europe de Jupiter : ces deux corps possèdent une énergie interne considérable, due au « malaxage par les forces de marée ». Le principe est le suivant : lorsque vous tournez à gauche en voiture, une force tend à vous déporter vers la droite, il s'agit de la force centrifuge.

Taille comparée des géantes gazeuses du Système solaire. © Nasa
Taille comparée des géantes gazeuses du Système solaire. © Nasa

De même, un satellite en orbite autour d'une géante gazeuse est « en virage permanent », et subit donc une force centrifuge vers l'extérieur du virage. Celle-ci s'oppose à la force gravitationnelle dirigée vers l'intérieur du virage.

Or, le côté du satellite tourné vers la planète subit une force gravitationnelle plus intense que le côté aux antipodes, car il est plus près de la planète. Finalement, si on ajoute la force centrifuge, il apparaît que la force résultante tend à « écarteler » le satellite : celui-ci adopte la forme d'un ballon de rugby.

Un satellite en orbite autour d’une géante gazeuse est « en virage permanent », il subit une force centrifuge qui le fait prendre une forme ovale. © DR
Un satellite en orbite autour d’une géante gazeuse est « en virage permanent », il subit une force centrifuge qui le fait prendre une forme ovale. © DR

C'est notamment ce qui explique les marées sur Terre, dues à la Lune. Mais dans le cas d'Io et d'Europe, il s'y ajoute un deuxième phénomène : leur orbite n'est pas tout à fait circulaire, car les deux satellites s'influencent mutuellement par la gravitation. Au fur et à mesure qu'ils s'approchent et s'éloignent de Jupiter au cours de ces oscillations, le phénomène de marée s'accroît puis diminue : les satellites oscillent en permanence entre un « ballon de football » et un « ballon de rugby ». En d'autres termes, ils sont « malaxés ».

Ce malaxage s'accompagne de frictions à l'intérieur des satellites qui tendent à les chauffer fortement : l'énergie produite est dissipée vers la surface par le biais du volcanisme.

Sur Io, le phénomène a été tellement intense que toute la glace d'eau initiale est passée sous forme de vapeur : du fait des radiations solaires, la vapeur d'eau a été définitivement éjectée du satellite. Il ne subsiste aujourd'hui qu'un corps sans eau constellé de volcans actifs.

Sur Europe, plus éloigné de Jupiter, le phénomène a été moins intense : aux débuts de son Histoire, Europe a « perdu du poids » comme Io, en perdant son eau sous forme de vapeur. Mais la taille du satellite diminuant, cela a diminué le phénomène des marées : l'eau a finalement pu rester sous forme de glace en surface, et a cessé son échappement.

Ainsi, une grande quantité de l'eau initiale s'est échappée d'Europe, mais il en reste néanmoins suffisamment pour que sa surface soit couverte de glace. De plus, le chauffage interne dû au malaxage perdure aujourd'hui : il permet de faire passer l'eau à l'état liquide sous la croûte de glace. Ainsi, Europe abrite probablement un gigantesque océan d'eau liquide caché sous la glace externe.

 <br>Europe, satellite de Jupiter. Un océan d’eau liquide se cache sans doute sous sa croûte de glace. © DR
 
Europe, satellite de Jupiter. Un océan d’eau liquide se cache sans doute sous sa croûte de glace. © DR

Une vie possible sans lumière ?

Sur Terre, des organismes vivants ne dépendant pas de la photosynthèse ont été découverts près des dorsales océaniques : même si la lumière du Soleil n'arrive pas à pénétrer dans l'océan d'Europe, la présence de vie à l'intérieur n'est donc pas totalement à écarter...

Finalement, la présence d'eau liquide est possible même en l'absence de l'énergie d'une étoile, et le Système solaire nous en offre un bel exemple !

Il est même envisageable de trouver de l'eau liquide à la surface de tels corps, et non plus seulement en profondeur. Par exemple, Titan, le gros satellite de Saturne, a conservé une épaisse atmosphère de diazote car les rayonnements solaires ont été trop faibles pour l'arracher. Avec un malaxage par le phénomène de marée, la glace d'eau serait alors passée à l'état liquide en surface, et non plus gazeux : l'eau ne se serait pas échappée comme sur Io, et se serait maintenue sous forme liquide à la surface jusqu'à aujourd'hui ! Pour rencontrer une telle situation, il aurait sans doute suffi d'intervertir Jupiter et Saturne, avec leur cortège de satellites...