Depuis l’Antiquité, les Hommes ont cherché à cartographier la Terre, et ce, avec de plus en plus de précision. Puis, des explorateurs d’un genre nouveau se sont lancés à l’assaut de l’Univers. Ils viennent de mettre au jour, dans la banlieue de la Voie lactée, une immense structure filamentaire jusqu’alors inconnue. La plus grande de l’univers local. Daniel Pomarède, astrophysicien au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), nous détaille la découverte.
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Un filament de matière long d'environ 1,4 milliard d'années-lumière. Des centaines de milliers de galaxies prisonnières de la gravité. C'est à se demander comment les astronomesastronomes ont pu, jusqu'ici, passer à côté d'une structure aussi gigantesque. D'autant qu'elle évolue dans la banlieue de la Voie lactée, à seulement 500 millions d'années-lumière de notre Terre.
« C'est une surprise de découvrir un filament si grand et si proche », nous confirme Daniel Pomarède, astrophysicienastrophysicien à l'Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’univers du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (Irfu, CEA - France). « Notre Terre est immergée dans le disque de la Voie lactéeVoie lactée. De fait, ce filament nous est caché par des nuagesnuages moléculaires et de poussières. Notamment par un complexe de nuages dans la constellationconstellation du Caméléon. Mais aussi par les Nuages de Magellan, deux galaxies nainesgalaxies naines, satellites de la nôtre. »
Une vidéo pour découvrir le Mur du Pôle Sud. © Daniel Pomarède, YouTube
Mesurer la vitesse des galaxies
Et c'est finalement une approche indirecte qui a permis aux chercheurs de percer ces nuages pour aller explorer pour la première fois la région du pôle Sud céleste. Ils ont analysé les mouvements de galaxies voisines. Les mouvementsmouvements de quelque 18.000 de ces galaxies qui ont trahi la présence, dans cette région, d'une structure jusqu'alors inconnue. La plus grande de l'universunivers local. Cette structure, ils l'ont baptisée le MurMur du Pôle Sud.
Pour mieux comprendre, remontons aux années 1960 et à la découverte du fond diffus cosmologique. « Les cartes qui révèlent les infimes fluctuations de température -- de l'ordre de 10-5 K -- de ce fond diffusdiffus ont été largement diffusées. Mais, en réalité, la première chose que les chercheurs ont vue, lorsqu'ils ont découvert les images du fond diffus cosmologiquefond diffus cosmologique, c'est une variation plus importante de température, de l'ordre de 10-3 K : une variation dipolaire, nous rappelle l'astrophysicien. Celle-ci a montré que le groupe localgroupe local dans lequel s'inscrit la Voie lactée se déplace dans l'Univers à une vitessevitesse de 630 km/s, soit 2,3 millions de km/h. » Dès lors, les cosmologistes ont cherché à décrypter ce mouvement.
Voyage au cœur de la toile cosmique
« Aujourd'hui, c'est l'objectif de la cosmographie, cette science qui cherche à cartographier l'Univers : comprendre quels sont les éléments de la toile cosmique qui participent à créer ce mouvement. » Car, rappelons que les fluctuations primordiales du champ de température de l'Univers ont mené à la constitution de régions plus ou moins denses que la moyenne.
« La gravitationgravitation a fait couler la matière des régions les moins denses vers les régions les plus denses, précise Daniel Pomarède pour Futura. Il s'est alors formé une structure que les astronomes qualifient de toile cosmique, une structure comportant des filaments de matière noirematière noire et de matière lumineuse qui relie entre elles les régions les plus denses (que les cosmologistes appellent des nœudsnœuds) tout en séparant les régions les moins denses que l'on qualifie de vides. »
Ainsi, parmi les éléments importants de la toile cosmique, il y a celui que les chercheurs appellent le Grand attracteur. Il a été localisé au milieu des années 1980, en analysant les mouvements de 400 galaxies, toutes attirées vers une région qui se situe du côté de l'amas du Centaure.
À la fin des années 2000, les astronomes Hélène Courtois et Brent Tully lancent le programme Cosmicflows avec tout d'abord un catalogue des vitesses de 1.700 galaxies : Cosmicflows-1. Et quelques années plus tard, Cosmicflows-2 s'étend à plus de 8.000 galaxies. « Il nous a permis de découvrir LaniakeaLaniakea, notre superamassuperamas de galaxies. Comme un bassin d'attraction à l'intérieur duquel les courants cosmiques convergent vers le Grand attracteur. Nous avons vu apparaître une sorte de "sphère d'influence" en 3D nous permettant de définir le superamas de galaxie. Notre groupe local se trouve dans la lointaine périphérie. »
Des procédures, développées par Romain Graziani et Yehuda Hoffman, physiciens des universités de Clermont-Auvergne (France) et de Jérusalem (Israël), appliquent aux vitesses des galaxies des méthodes d'analyse bayésienne qui produisent le modèle le plus probable des champs de densité et de vitesses. Des données d'entrées pour les logiciels de cartographie et de visualisation 3D de l’univers local et du Mur du Pôle Sud. © Daniel Pomarède, Irfu
Une méthode puissante
Cette découverte réalisée en 2014 est d'importance. Pourtant, Cosmicflows-2 souffrait d'un déficit de données du côté de l'hémisphère sudhémisphère sud. Et c'est finalement la version 3 de Cosmicflows qui a permis aux chercheurs de mettre au jour le Mur du Pôle Sud. Elle intègre 18.000 mesures de vitesses de galaxies. Mais déjà, les astrophysiciens préparent un Cosmicflows-4 constitué d'environ 30.000 galaxies. Avec l'espoir d'en apprendre toujours plus sur la structure de la toile cosmique.
Le saviez-vous ?
Il existe six méthodes principales qui permettent de mesurer les mouvements des galaxies.
La plus utilisée s’appuie sur la loi empirique de Tully-Fisher qui relie la luminosité intrinsèque d’une galaxie spirale à sa vitesse de rotation. D’autres reposent sur les chandelles standards que sont les supernovae de type 1A ou les Céphéides ou encore sur les propriétés des étoiles géantes rouges.
Le catalogue Cosmicflows-3 a été construit notamment grâce à la méthode dite du plan fondamental. Elle s’appuie sur trois variables observationnelles fournies par le 6df Galaxy Survey.
Le défi des chercheurs : calibrer ces méthodes pour obtenir des catalogues homogènes.
Peut-être de quoi préciser la taille réelle du fameux superamas de Vela, un superamas gigantesque découvert en 2016 et lui aussi presque totalement dissimulé derrière la Voie lactée. « La méthode est extrêmement puissante, mais elle nécessite un travail au long courslong cours de collecte et d'analyse de données », conclut l'astrophysicien du CEA.
Un travail qui en vaut la peine. Parce qu'au-delà de la simple curiosité cartographique, la découverte de ce type de structures gigantesques représente aussi une opportunité pour les cosmologistes de mettre à l'épreuve leur modèle standard. Et de tester l'adéquation entre théories et observations.
Découverte de la plus grande structure de l'univers
Il s'agit de la plus grande structure jamais observée dans l'univers. Cette forêt de galaxies et de nuages de gazgaz, observée par les télescopestélescopes KeckKeck et Subaru, étend ses branches sur 200 millions d'années lumière. Née deux milliards d'années après le Big BangBig Bang, elle serait une ancêtre des grands ensembles d'amas galactiquesamas galactiques qui peuplent aujourd'hui l'univers.
Article de Christophe OlryChristophe Olry paru le 31/07/2006
S'étendant sur plus de 200 millions d'années lumière, elle est la plus grande jamais découverte dans l'univers
(Crédits : National Astronomical Observatory of Japan)
A l'aide du télescope de 8,2 mètres de diamètre Subaru, une équipe d'astronome a dirigé son regard vers une région de l'espace connue pour abriter une grande concentration de galaxies, située à douze milliards d'années lumière de la Terre. Pour l'occasion, la caméra à grand champ Suprime Cam du télescope basé à Hawaii avait été équipée de filtres lui permettant d'être sensible au rayonnement des galaxies lointaines. Ces observations ont montré que les zones denses en étoilesétoiles faisaient en réalité partie d'une structure 3D en filaments nettement plus grande, s'étendant sur plus de 200 millions d'années lumière.
Au sein de cette structure, le nombre de galaxies est 4 fois supérieur à la moyenne de l'univers. Deux concentrations de gaz ont été repérées par les astronomes, dont l'une mesure 400.000 années lumière, soit plus de 4 fois la taille de la Voie Lactée. Forts de cette découverte, les astronomes ont mesuré à l'aide du spectrographespectrographe DEIMOSDEIMOS du télescope Keck la vitesse des gaz au cœur de ces nuages, et celle-ci atteint les 500 kilomètres par seconde.
Selon les chercheurs, qui ont publié leurs résultats dans une série d'articles parus dans l'Astronomical Journal et l'Astrophysical Journal, les structures massives semblables à celle qu'ils viennent de découvrir ont probablement joué un rôle dans la naissance des plus grandes galaxies qui flottent actuellement dans l'univers.