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Cela fait plus d'un siècle que le physicienphysicien autrichien Victor Franz Hess a découvert l'existence des rayons cosmiques à l'aide d'expériences réalisées en ballon. En 1912, il avait constaté que le taux d'ions dans l'atmosphèreatmosphère augmentait avec l'altitude, l'inverse de ce qui était prévu. Jusque-là, en effet, la production de ces ions était attribuée aux éléments radioactifs de la croûte terrestrecroûte terrestre. Conclusion : il existe un rayonnement ionisant en provenance de l'espace et frappant les hautes couches de l'atmosphère.
D'où viennent-ils ? Dès 1949, le grand physicien Enrico FermiEnrico Fermi a proposé des mécanismes d'accélération des particules chargées dans des nuages interstellaires magnétisés. Par la suite, on a généralement admis que les rayons cosmiques, constitués à 90 % de protons (le reste étant des électronsélectrons et des noyaux), proviennent probablement d'explosions de supernovaesupernovae et que les mécanismes de Fermi (rassemblés sous le nom d'accélération de Fermi) devaient être à l'œuvre dans les restes de supernovae.
Le démontrer n'a rien d'évident car, lors de leur long voyage, les particules chargées subissent l'effet des champs magnétiqueschamps magnétiques de la Voie lactéeVoie lactée, parfois turbulents. Au final, leurs trajectoires deviennent très complexes, un peu comme celle d'une particule suivant un mouvementmouvement brownien. La direction d'arrivée observée sur Terre peut donc très bien être radicalement différente de celle de leur origine.
Comment détecter ces flots de particules (essentiellement des protons) qui forment le rayonnement cosmique galactique ? Lorsqu'il sont produits, ou lorsqu'ils sont accélérés, à leur source ou au voisnage, ils génèrent des rayons gamma. Ce sont eux qui heurtent notre atmosphère. Très énergétiques, ils engendrent une gerbe de particules, lesquelles engendrent une « lumière Cherenkov ». C'est elle que détecte le réseau de télescopes Hess. © PHoCEA DSM 2016
Des rayons gamma pour localiser les sources de rayons cosmiques
Toutefois, au fil du temps, l'étude des rayons cosmiques, notamment en fonction de leur énergieénergie, a progressé. On a démontré que certains rayons cosmiques de basses énergies proviennent effectivement des supernovae mais d'autres, de très hautes énergies, sont probablement produits par des noyaux actifs de galaxies (AGNAGN), comme les quasars, c'est-à-dire, en fait, dans l'environnement de trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs.
Une des techniques utilisées pour préciser l'origine des rayons cosmiques, ainsi que les mécanismes d'accélération qui en sont responsables, consiste à étudier le ciel dans le domaine des rayons gammarayons gamma. En effet, les photonsphotons ne sont pas déviés par les champs magnétiques galactiques. Les rayons cosmiques produits, en entrant en collision avec la matièrematière au voisinage de leurs sources, provoquent une émissionémission intense de rayons gamma.
On peut donc détecter indirectement ces sources et remonter au spectrespectre d'énergie de ces particules en étudiant celui des rayons gamma.
Lorsque ces photons gamma atteignent l'atmosphère de la Terre, ils provoquent des gerbes de particules secondaires qui, tout en se propageant vers le sol, génèrent un rayonnement caractéristique, le rayonnement Cherenkov. C'est ce rayonnement que les miroirsmiroirs de certains télescopestélescopes au sol peuvent capter. Il est en effet impossible de créer directement une image avec des photons gamma car il n'existe pas de miroir pour ce type de rayonnement.
Les signatures de rayons cosmiques de faibles énergies, du GeVGeV au TeV, ont ainsi été découvertes en association avec des restes de supernovae. Mais il restait impossible d'expliquer et encore moins de localiser des rayons cosmiques de plus grandes énergies, de l'ordre du PeV, soit des milliers de TeV, des niveaux au moins 100 fois plus élevés que celles atteintes au LHCLHC. La situation vient toutefois de changer, comme l'explique une publication de la collaboration Hess (High Energy Stereoscopic System) dans le journal Nature.
Une source de rayonnement cosmique à des énergies encore jamais observées dans notre Galaxie a pu être identifiée grâce au réseau de télescopes Hess, en Namibie. Il s’agit du trou noir supermassif central. L’énigme centenaire sur l’origine des rayons cosmiques galactiques est enfin presque résolue. Intervenant : Emmanuel Moulin SPP/ Irfu / CEA Réalisation : Alice Mounissamy – communication de l’Irfu / CEA © CEA Sciences, YouTube
Sagittarius A* est-il un Pévatron ?
Rappelons que Hess est un ensemble de cinq télescopes imageurs à effet Cherenkov situés dans l'hémisphère Sudhémisphère Sud, sur les hauts plateaux Khomas en Namibie. De 2004 à 2013, la machine a notamment permis d'accumuler des observations de la région centrale de la Voie lactée, facilement observable dans cette partie du monde. Une puissante source de rayons gamma bien localisée a ainsi été mise en évidence et les énergies des rayons cosmiques à l'origine des photons gamma ont été déterminées. Voilà un accélérateur de particules naturel capable de produire des particules dont les énergies sont au moins de l'ordre du pétaélectronvolt (PeV). C'est la première fois qu'un « Pévatron » a pu être détecté.
Mais quelle source astrophysiqueastrophysique peut expliquer un tel phénomène ? Selon les astrophysiciensastrophysiciens, le candidat le plus probable est le fameux trou noir supermassif Sagittarius A*. Il accélérerait des protons à des énergies voisines du PeV depuis au moins mille ans. Remarquablement, si ce trou noir était plus actif dans le passé, il peut expliquer la totalité des rayons cosmiques d'énergies de l'ordre du PeV. Si les chercheurs ont raison, il y a là une fenêtrefenêtre d'observation supplémentaire pour contraindre les modèles d'accrétionaccrétion de la matière tombant sur les trous noirs géants au cœur des grandes galaxiesgalaxies, et donc les AGN.