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Il n'y a rien d'artificiel dans cette image. Il ne s'agit point d'une composition artistique ni de l'affiche d'un film fantastique... même s'il est vrai qu'on imaginerait volontiers un artefact de type « anneau de feu » ou une photo floue d'une éclipse annulaire du Soleil. Il s'agit en réalité d'un phénomène naturel situé très loin de notre planète, aux confins de l'univers, à des milliards d'années-lumière de notre Galaxie, la Voie lactée.
Cette image composite acquise en octobre 2014 dans le cadre de la long baseline campaign d'Alma (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array), met en scène deux objets distincts, en l'occurrence deux galaxies de caractéristiques physiquesphysiques et d'âges très différents, qui ont la particularité d'être presque parfaitement alignés avec nous, observateur. Certes, on a de la peine à les reconnaître sur ces « radiographiesradiographies », notamment parce que la structure d'origine de l'une d'elles est complètement déformée.
En effet, comme l'avait prédit Albert EinsteinEinstein dans sa théorie de la relativité générale : plus un corps est massif plus il courbe l'espace-tempsespace-temps. Par conséquent, la lumière émise par un objet situé à l'arrière-plan du premier -- dans le cas présent une galaxie spiralegalaxie spirale massive distante de 4 milliards d'années-lumière -- sera alors déviée et créera un effet de grossissement plus spécifiquement nommé lentille gravitationnelle. Un remarquable outil naturel « utilisé en astronomie pour étudier l'univers lointain et jeune, car il donne un élanélan impressionnant de pouvoir de résolutionrésolution à nos meilleurs télescopestélescopes » rappelle Catherine Vlahakis, membre de ce programme d'Alma.
Sur cette animation, on peut voir que selon la position relative de la galaxie située à l’arrière-plan, l’effet de lentille gravitationnel produira un résultat différent du point de vue terrestre. © NRAO, AUI, NSF, Alma, Dana Berry, SkyWorks
Les lueurs d’une jeune galaxie active
« Avec l'incroyable niveau de détails de ces nouvelles images d'Alma, les astronomesastronomes seront en mesure maintenant de rassembler les informations contenues dans cette image déformée que nous voyons comme un anneau et de produire une reconstruction du véritable aspect de la lointaine galaxie. » On peut être impressionné, car les opérateurs et scientifiques de ce vaste réseau de 66 antennes (qui observent dans le millimétrique et le submillimétrique), déployé sur le plateau Chajnantor, à plus de 5.000 m d'altitude, dans les Andes chiliennes ont poussé sa résolution au maximum afin d'atteindre 23 millisecondes d'arc. Cela revient à voir « le bord d'un panier de basket placé au sommet de la tour Eiffel depuis l'Empire State Building » à New York, note le communiqué de presse de l'observatoire.
Les précédentes études de l'objet désigné SDP.81, réalisées dans le domaine radio avec le réseau submillimétrique et l'interféromètreinterféromètre du plateau de Bure et le visible avec le télescope spatial Hubbletélescope spatial Hubble sont surpassées. « La combinaison de la haute résolution d'Alma avec sa haute sensibilité est nécessaire pour déverrouiller ces détails habituellement cachés de l'Univers jeune, déclare son directeur Pierre Cox. Ces résultats ouvrent une nouvelle frontière en astronomie et prouvent qu'Alma peut tenir ses promesses de science transformationnelle. »
Nous découvrons donc ici, encerclant le centre et avec un niveau de détails inégalés, la lueur émise par les poussières que contient la galaxie SDP.81, située à quelque 12 milliards d'années-lumière de la nôtre. L'univers n'avait alors que 15 % de son âge actuel (estimé à 13,77 milliards d'années). D'autres images acquises avec une résolution légèrement inférieure dans des longueurs d'ondelongueurs d'onde millimétriques nous dévoilent la signature du monoxyde de carbonemonoxyde de carbone. Découverte il y a quelques années par le télescope spatial Herschel (Esa), SDP.81 apparaît comme une galaxie très active, qui connaît un taux de formation (et de natalité) d'étoilesétoiles très important.
« L'exquise quantité d'information que contiennent les images d'Alma est extrêmement importante pour notre compréhension des galaxies dans l'Univers primordial » commente Jacqueline Hodge, chercheur au NRAO (National Radio Astronomy Observatory) à Charlottesville, Virginie. « Les astronomes utilisent des programmes informatiques sophistiqués pour reconstruire la véritable apparence des galaxies déformées par ces lentilleslentilles. Ce détricotage de la lumière infléchie [...] va nous permettre d'étudier la forme réelle et le mouvementmouvement interne de cette galaxie lointaine avec beaucoup plus de clarté que cela n'a été possible jusqu'à présent. » Une lueur d'espoir pour entrevoir les conditions qui régnaient au sein de premières galaxies. Les lentilles gravitationnelles sont comme des trous de serrure par lesquels on peut regarder les confins de l'univers... L'article scientifique a été publié sur Arxiv.