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La cosmologie relativiste a permis de prédire le rayonnement fossile, l'expansion de l'univers observable et la nucléosynthèse des éléments légers. Elle sert aussi à mieux comprendre la naissance des étoiles et des galaxies. Toutefois, les équationséquations de la relativité générale ont essentiellement été exploitées sous deux hypothèses :
- La première est que la matièrematière se déplace à des vitessesvitesses faibles devant celle de la lumièrelumière et, plus généralement, que les sources d'énergieénergie et d'impulsions courbant l'espace-tempsespace-temps n'introduisent pas d'effets relativistes notables.
- On supposait aussi que les perturbations du champ de gravitationgravitation et de la densité de matière étaient suffisamment faibles pour que les équations compliquées de la théorie d'EinsteinEinstein, qui sont non linéaires, se transforment en équations linéaires en première approximation. C'est suffisant pour décrire le début de l'effondrementeffondrement gravitationnel de la matière baryonique et de la matière noirematière noire au tout début de la formation des étoiles, des galaxies et des grandes structures de l'univers observable.
Cependant, il arrive un moment où cette approximation, dite linéaire, ne suffit plus. Une seconde approximation raisonnable est que la matière continue à se déplacer à très faibles vitesses. Ainsi, les équations de la gravitation de NewtonNewton restent utilisables pour décrire le régime non linéaire et à relativement petite échelle de la formation des galaxies mais également des grandes structures. Il faut toutefois avoir recours à des ordinateursordinateurs pour résoudre un problème dit à N corps.
Une simulation essentiellement basée sur la physique newtonienne montrant la formation des grandes structures de l'univers dans le cadre du modèle de matière noire froide. Les galaxies apparaissent les premières et se rassemblent plus tard en superamas formant des filaments. © Johannes Hidding, YouTube
Gevolution, une simulation relativiste avec matière et énergie noires
Les résultats obtenus dans le cadre du modèle cosmologique standardmodèle cosmologique standard avec de la matière noire dite froide (cold dark matter en anglais car les vitesses des particules sont faibles) et avec une constante cosmologiqueconstante cosmologique dont la valeur est fixée par les observations, sont plutôt bons. Il reste cependant des problèmes à l'échelle des galaxies car ce modèle prédit, par exemple, un grand nombre de petites galaxies satellites autour de grandes galaxies comme Andromède ou la Voie lactéeVoie lactée... que l'on n'observe pas. Des solutions radicales ont été proposées, comme par exemple de modifier les lois de Newton à cette échelle. C'est la théorie Mond.
Pour des cosmologistes plus conservateurs, le problème viendrait du fait que l'on ne tient pas correctement compte du comportement fin de la matière baryonique et de la manière dont elle réagit à la présence de la matière noire. Pour d'autres, une petite composante de matière noire chaude, par exemple des neutrinos exotiquesexotiques massifs mais pas trop, suffirait à inhiber la formation des galaxies nainesgalaxies naines. Un mélange de matière froide et de matière chaude conduit donc à un modèle de matière noire tiède (warm dark matter en anglais). Cependant, qui dit matière chaude dit matière pouvant se déplacer à des vitesses relativistes. La découverte de l'énergie noire permet aussi d'envisager des modèles où cette énergie est dynamique. Là aussi, on peut être confronté à la nécessité d'un traitement relativiste complet des distributions d'impulsions et d'énergies arbitraire pour étudier l'histoire des grandes structures formées des galaxies et des amas de galaxiesamas de galaxies.
En cosmologie, la précision des mesures augmente et il y a pléthore de modèles de matière et d'énergie noiresénergie noires à départager en utilisant ces mesures. Clairement, le recours à des modèles de physiquemodèles de physique newtonienne commence à montrer ses limites. On peut également penser que plusieurs aspects mal compris du cosmoscosmos observable dans le cadre du modèle cosmologique standard nécessitent un traitement général complètement relativiste, en régime non linéaire et suffisamment flexible pour incorporer des modèles relativistes de matière et d'énergie noires variés.
Des chercheurs de l'université de Genève (Unige), en Suisse, ont voulu en avoir le cœur net. C'est pourquoi ils ont écrit le code d'une simulation numériquesimulation numérique appelée Gevolution capable de relever les défis de la cosmologie relativiste de précision. Comme elle l'explique dans un article disponible sur arXiv, l'équipe de la célèbre cosmologiste Ruth Durrer, du département de physique théorique de l'Unige, est donc en mesure de tenir compte non seulement de l'influence des ondes gravitationnelles mais aussi du fameux effet Lense-Thirring, encore appelé d'entraînement des référentielsréférentiels, qui décrit en relativité l'effet du champ de gravitation d'une distribution de matière en rotation. Même si ces effets sont faibles à court terme, on ne peut pas exclure qu'en s'accumulant sur le long terme, ils conduisent à réviser certaines idées que l'on se fait sur l'histoire et la structure du cosmos observable.
En nourrissant les nouvelles simulations relativistes comme Gevolution avec les mesures que feront le satellite EuclidEuclid ou, sur Terre, le télescopetélescope LSST, les nouvelles perspectives pourraient être prometteuses. Nous en apprendrons peut-être davantage sur la nature de l'énergie noire, de la matière noire et donc sur le passé et le futur de l'univers.