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Le concept de planète carbonée a été proposé en 2005 par Marc J. Kuchner (Princeton) et Sara Seager (Carnegie/DTM). Il leur a en fait été suggéré par les travaux de la cosmochimiste Katharina Lodders. En 2004, suite aux mesures des abondances de méthane (CH4) et d'eau dans l'atmosphèreatmosphère de JupiterJupiter réalisées par GalileoGalileo, Katharina Lodders avait déduit que cette planète du Système solaire était appauvrie en oxygène mais enrichie en carbone.
Selon la chercheuse, cela suggérait que l'embryonembryon planétaire à l'origine de la géante - qui s'était développé dans le disque protoplanétaire - devait s'être formé dans une zone particulièrement riche en carbone. En cas de migration planétaire, l'enveloppe gazeuse d'un tel embryon aurait pu être soufflée en s'approchant du Soleil, laissant une superterre particulièrement riche en carbone.
On pouvait développer l'hypothèse un cran plus loin. De telles exoplanètesexoplanètes carbonées existaient peut-être dans l'universunivers. Cela apparaissait d'autant plus plausible que l'on sait, d'après l'étude des nuagesnuages moléculaires (ces lieux de naissance de pouponnières d'étoilesétoiles), que les poussières qu'ils contiennent sont plus ou moins riches en silicatessilicates et composés carbonés. On pouvait donc imaginer des disques protoplanétaires plus riches en carbone que celui ayant donné naissance au Système solaire et à ses planètes rocheusesplanètes rocheuses composées d'un manteaumanteau silicaté enrobant un noyau de ferfer et de nickelnickel.
L'astrophysicien et cosmologiste Jean-Pierre Luminet nous parle des exoplanètes. © Futura-Sciences
Des océans avec une atmosphère de monoxyde de carbone
Il s'y formerait donc des exoplanètes possédant, tout comme les planètes rocheuses du Système solaire, un noyau métallique mais dont l'enveloppe solidesolide contiendrait beaucoup de carbone sous la forme de carburescarbures métalliques (de siliciumsilicium et de titanetitane notamment), de carbonates et peut-être même de diamant. Les enveloppes fluides de ces planètes carbonées pourraient ressembler en partie à la surface de Titan, c'est-à-dire avec de l'eau liquide, des hydrocarbureshydrocarbures et une atmosphère contenant beaucoup de monoxyde de carbonemonoxyde de carbone. Si l'exoplanète se trouve dans la zone d'habitabilitézone d'habitabilité autour de son étoile hôte, de la vie comparable à celle que l'on connaît sur Terre pourrait y apparaître.
En fait, comme l'explique Natalie Mashian (en thèse à Harvard avec le célèbre Avi Loeb) dans un article déposé sur arXiv, ces exoplanètes carbonées seraient sans doute les exoplanètes qui se sont formées le plus tôt dans l'histoire du cosmoscosmos. La vie aurait donc très bien pu débuter d'abord sur des planètes carbonées.
En effet, des noyaux plus lourds que l'hydrogènehydrogène, l'héliumhélium et le lithiumlithium se forment dans les étoiles. Ces dernières explosent alors en supernovaesupernovae pour injecter dans le milieu interstellaire les nouveaux noyaux qui enrichissent ce milieu en éléments lourds avant d'intégrer de nouvelles étoiles, et le cycle recommence. Il y a donc une évolution chimique des galaxiesgalaxies. Ainsi, les premiers disques protoplanétaires devaient être moins riches en carbone et silicium qu'aujourd'hui, mais comme la proportion relative de carbone était plus importante, la naissance des exoplanètes carbonées aurait un temps été autorisée, ou pour le moins favorisée.
Selon Natalie Mashian et Avi Loeb, ces plus anciennes exoplanètes pourraient se trouver autour de vieilles étoiles pauvres en éléments métalliques (contenant notamment 100.000 fois moins de fer que notre Soleil) mais relativement riches en carbone - des Carbon-Enhanced Metal-Poor (CEMP) stars, littéralement en anglais. Il serait possible de les détecter par la méthode des transits planétaires mais il resterait à analyser leur atmosphère pour pouvoir, peut-être, démontrer qu'il s'agit effectivement de planètes carbonées. Elles pourraient, tout comme les amas globulaires, avoir été le lieu de naissance des civilisations intelligentes les plus anciennes de l'univers observable.