Il y a sept ans, l'exoplanète Wasp 12b semblait bourrée de carbone. Malheureusement, il n'en est rien. Mais, paradoxalement, les astrophysiciens affirment aujourd'hui que cette Jupiter chaude est noire comme le charbon, d'après les observations de Hubble.

Il y a une certaine ironie dans la découverte réalisée par l'équipe internationale d'astronomes menée par des membres de l'université McGill et de l'Institut de recherche sur les exoplanètes, au Québec (Canada). Comme les chercheurs l'expliquent dans un article publié dans The Astrophysical Journal Letters, ils ont utilisé Hubble pour étudier d'un peu plus près l'atmosphère d'une géante gazeuse bien connue, une Jupiter chaude du nom de Wasp 12b, découverte en 2008 autour d'une étoile de type solaire située entre 800 et 1.500 années-lumière du Système solaire, dans la constellation du Cocher.

La vie n'est pas possible sur cette planète car celle-ci est en rotation synchrone autour de son étoile hôte, bouclant une orbite d'environ 3 millions de kilomètres de demi-grand axe en un jour environ. Wasp 12b montre toujours la même face à son étoile ; c'est un monde infernal où la température moyenne diurne est de 2.500 °C et celle de la face nocturne de quelque 1.400 °C. Les forces de marée qui ont conduit à cette situation déforment aussi la surface de la géante gazeuse en lui donnant une forme d'ellipsoïde de révolution faisant penser à un œuf.

Une comparaison entre la taille de Jupiter et celle de Wasp 12b. © Aldaron, Wikipédia, CC by-sa 3.0

Une comparaison entre la taille de Jupiter et celle de Wasp 12b. © Aldaron, Wikipédia, CC by-sa 3.0

Une exoplanète qui absorbe 94 % de la lumière dans le visible

De la vapeur d'eau a tout de même été détectée dans l'atmosphère surchauffée de Wasp 12b. Mais, si cette exoplanète avait été rendue célèbre il y a sept ans, c'est parce que son contenu en atomes de carbone était anormalement élevé, par rapport à celui des planètes connues. Enthousiasmés, les astrophysiciens en avaient déduit que cette découverte, obtenue en analysant les observations de Spitzer, donnait un peu plus de poids à certaines spéculations théoriques portant sur l'existence de planètes rocheuses carbonées, comme Futura l'expliquait dans un précédent article (voir ci-dessous).

Hélas, depuis, d'autres observations ont réfuté cette conclusion. Les images insuffisamment résolues de Spitzer n'avaient pas révélé initialement qu'il existait une autre étoile proche de Wasp 12b sur la voûte céleste. Sa présence avait, en quelque sorte, contaminé le rayonnement analysé. Une fois ce biais d'observation éliminé, la Jupiter chaude était rentrée dans le rang, car elle ne contenait finalement qu'une quantité normale d'atomes de carbone.

Reste qu'aujourd'hui, les observations réalisées avec Hubble montrent que Wasp 12b absorbe plus de 94 % de la lumière de son étoile alors qu'en moyenne, des Jupiter chaudes en réfléchissent environ 40 %. Dit autrement, l'exoplanète est aussi noire que de l'asphalte. Pourquoi une telle propriété ? Paradoxalement, à cause des températures de la planète, expliquent les chercheurs.

Elles sont si élevées que l'hydrogène moléculaire qui constitue majoritairement son atmosphère, avec de l'hélium, peut se dissocier en hydrogène atomique. Les couches supérieures de Wasp 12b ressemblent donc plutôt à celles d'une étoile « froide », ce qui la dote d'un taux d'absorption élevé de la lumière visible.


Wasp 12b, la planète pleine de carbone

Article de Laurent Sacco publié le 15/12/2010

Depuis quelques années, les planétologues spéculaient sur l'existence possible de planètes carbonées. Grâce à Spitzer, on sait maintenant que Wasp 12b en est une. Il devrait donc aussi exister de véritables exoterres dont la composition serait dominée non plus par les silicates mais par les carbures.

Wasp 12b est une planète à l'agonie. Elle orbite en seulement un jour ou presque autour de Wasp 12, une étoile de type solaire située à environ 870 années-lumière dans la constellation du Cocher. Cette proximité et l'influence des forces de marée portent son atmosphère à une température de plus de 2.500 kelvins. Cette Jupiter chaude, découverte grâce à SuperWasp (acronyme de Super Wide Angle Search for Planets), perd donc son atmosphère à un rythme impressionnant.

Un groupe d'astrophysiciens vient de l'observer plus en détails dans l'infrarouge à l'aide du télescope Spitzer. Ils ont d'abord mesuré le spectre et la courbe de luminosité résultant des émissions composées de l'étoile et de la planète, puis le spectre de l'étoile au moment où la planète passait derrière elle. En soustrayant de la première mesure le signal de la seconde, ils ont fait apparaître les signaux dus à l'atmosphère seule de Wasp 12b. On a pu ainsi connaître une partie des secrets de sa composition chimique. Le résultat a été tellement surprenant qu'il a justifié une publication dans la revue Nature.

De façon laconique, c'est la première exoplanète dont le rapport carbone sur oxygène, C/O, est supérieur à 1. Dit de façon plus explicite, on était en présence pour la première fois d'une planète carbonée, du genre de celles théorisées depuis quelques années par des astrophysiciens comme Marc Kuchner.

Le spectre infrarouge de la planète Wasp 12b montre la présence de méthane et de monoxyde de carbone. © Nasa, JPL-Caltech, N. Madhusudhan (<em>Princeton University</em>)

Le spectre infrarouge de la planète Wasp 12b montre la présence de méthane et de monoxyde de carbone. © Nasa, JPL-Caltech, N. Madhusudhan (Princeton University)

Wasp 12b est une géante gazeuse dont la masse est d'environ 1,4 fois celle de Jupiter. Les observations de Spitzer en infrarouge montrent la présence de grandes quantités de monoxyde de carbone (CO) et surtout de méthane (CH4), avec assez peu de vapeur d'eau (H2O).

Des planètes au cœur de diamant !

C'est de la mesure de ces quantités que l'on déduit que le rapport C/O est supérieur à tout ce que l'on connaît dans le Système solaire, bien que celui-ci soit mal connu dans le cas des géantes. En tout état de cause, lorsque ce rapport est supérieur à 1, les modèles planétologiques prédisent une sorte de point de bascule en matière de cosmochimie. Ainsi, le noyau de ces planètes ne devrait pas être constitué de silicates mais de carbures, voire de diamants. En fait, comme popularisé par Arthur Clarke dans ses romans, comme 2061 : Odyssée 3, certains chercheurs pensent depuis un certain temps que les cœurs de Jupiter ou de Neptune pourraient être en diamant.

Les carbures (<em>carbides</em> en anglais) sont des composés chimiques du carbone avec un second élément chimique autre que l’oxygène. De véritables planètes de carbures, encore appelées planète de carbone, devraient exister, en particulier dans les environnements liés aux naines blanches. Sur le schéma ci-dessus, on voit une coupe de l'une de ces planètes. Un noyau en fer (<em>iron</em>) devrait se retrouver entouré d'un manteau de carbures sur lequel flotterait une croûte de diamant enrobée de composés carbonés avec une atmosphère elle aussi riche en carbone. © Marc Kuchner

Les carbures (carbides en anglais) sont des composés chimiques du carbone avec un second élément chimique autre que l’oxygène. De véritables planètes de carbures, encore appelées planète de carbone, devraient exister, en particulier dans les environnements liés aux naines blanches. Sur le schéma ci-dessus, on voit une coupe de l'une de ces planètes. Un noyau en fer (iron) devrait se retrouver entouré d'un manteau de carbures sur lequel flotterait une croûte de diamant enrobée de composés carbonés avec une atmosphère elle aussi riche en carbone. © Marc Kuchner

Débarrassés de certains des préjugés sur la formation des systèmes planétaires par la découverte imprévue des Jupiter chauds, certains planétologues ont exploré l'idée non seulement de géantes gazeuses carbonées mais aussi de véritables planètes rocheuses de carbone, constituées de carbures à la place de silicates. La découverte de Wasp 12b conforte l'idée que de tels astres devraient exister dans l'univers. Les diamants y seraient aussi communs que les quartz et, pour les éventuels habitants de ces corps célestes, il n'y aurait probablement rien de plus chic que d'offrir une bague en verre.

On peut se faire une vague idée de ces planètes en pensant aux chondrites carbonées, les météorites riches en carbone comme celle tombée au lac Tagish.