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Une vision des antennes du radiotélescope de l'Iram sur le plateau de Bure. Crédit : Iram
D'objets théoriques bizarres dans les années 1930, ayant probablement le même statut que les licornes, les trous noirs sont aujourd'hui incontournables pour la compréhension des étoiles, des galaxies et très probablement des particules élémentaires.
On sait désormais que toutes les galaxies, ou presque, possèdent un trou noir massif en leur centre, dont les masses vont de quelques millions à plusieurs milliards de masses solaires. Les astrophysiciensastrophysiciens n'ont pas tardé à remarquer que quels que soient l'âge des galaxies et leurs tailles, sur une large période de l'histoire passé de l'Univers et jusqu'à aujourd'hui, la masse d'un trou noir galactique correspond en général à environ un millième de la masse de la matièrematière présente dans le bulbe central.
Les galaxies sont adeptes de la croissance continue et bien des collisions et des fusionsfusions entre elles se sont produites depuis plus de 10 milliards d'années. Ces collisions étaient plus fréquentes dans le passé du cosmoscosmos et c'est pour cela que le nombre de quasarsquasars y était alors plus élevé. En effet, ceux-ci étant des trous noirs de Kerrtrous noirs de Kerr géants en rotation dont le prodigieux rayonnement est alimenté par la chute de nuagesnuages de gazgaz, ou même d'étoiles, on comprend aisément que c'est à l'occasion d'un apport frais et massif en matière, c'est-à-dire lors d'une collision galactique, que les quasars étaient actifs.
En retour, le flux de rayonnement issu des quasars doit agir sur le flot de gaz et les nuages environnants, entraînant une rétroactionrétroaction sur sa propre alimentation et influençant la formation de nouvelles étoiles dans le bulbe. Le lien découvert par les astrophysiciens ne semble donc guère étonnant.
L'époque où une étoile naissait toutes les cinq heures...
Cependant, même si des simulations numériques soutiennent ce scénario et reproduisent même le rapport entre la masse du bulbe et celle du trou noir central, la seule chose qui semble sûre est un lien entre l'évolution du bulbe galactique et celle de son trou noir central. Mais les mécanismes à l'œuvre semblent incertains.
En particulier, on ne sait pas si l'apparition du bulbe précède celle d'un trou noir central qui se serait formé ensuite, d'après certaines théories, par l'effondrementeffondrement gravitationnel d'un amas d'étoiles denses, un phénomène relativiste. On peut aussi, à l'inverse, imaginer des trous noirs primordiaux laissés par l'évolution de l'Univers et qui auraient servi de germesgermes de nucléationnucléation efficaces pour l'apparition de jeunes galaxies.
Cliquer pour agrandir. A gauche la galaxie abritant un quasar, J1148+5251, et à droite son image radio dans le domaine millimétrique obtenue avec le VLA.Crédit : NRAO/AUI/NSF, SDSS
L'astrophysicien Chris Carilli et ses collègues viennent d'utiliser les radiotélescopesradiotélescopes du Very Large Array (VLA) et de l'interféromètreinterféromètre du plateau de Bure de l'Iram pour étudier la taille des galaxies et de leurs trous noirs géants pendant le premier milliard d'années de l'histoire de Univers. Ils ont découvert que les trous noirs étaient à cette époque bien plus massifs par rapport aux bulbes galactiques. Leur conclusion est donc que les trous noirs se sont formés avant les bulbes et présentent une croissance plus rapide.
Les chercheurs ont par exemple étudié l'un des quasars les plus éloignés connus à ce jour. Découvert à l'occasion du grand relevé optique, le Sloan DigitalDigital Sky Survey par Xiaohui Fan de l'Université d'Arizona et ses collaborateurs, il est au cœur d'une galaxie jeune, J1148+5251, contenant un trou noir super massif de plusieurs milliards de fois la masse du SoleilSoleil. Dans la région centrale de cette galaxie et dans les régions les plus actives qui entourent le trou noir central, l'équipe a observé le rayonnement du gaz moléculaire.
Celui-ci révèle qu'à cette époque reculée de l'histoire du cosmos, il se formait à l'intérieur du bulbe de J1148+5251 une nouvelle étoile toutes les cinq heures ! C'est un taux de formation colossal, plusieurs milliers de fois plus important que celui existant de nos jours dans l'Univers local.
Dans un avenir proche, la nouvelle génération de radiotélescope dans le domaine millimétrique comme EVLA et surtout l'Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (ALMA) devrait permettre de préciser les liens entre la croissance des trous noirs galactiques et celle des bulbes.