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Carte de la Lune dressée par Thomas Harriot en 1609, cinq mois avant celle de Galilée. Source : Royal Astronomical Society
Ainsi, l'astronomeastronome et mathématicienmathématicien britannique Thomas Harriot, né à Oxford en 1560, fut l'un de ces précurseurs. Et quel précurseur, puisqu'on lui doit les premiers croquis de la surface de notre satellite naturel effectués d'après une observation à la lunette astronomique !
D'abord géographe, il étudie surtout la trigonométrie sphérique et établit la théorie mathématique de la projection construite par Mercator avant d'étudier l'algèbre au début des années 1590 avec le grand mathématicien et philosophe britannique John Dee, et contribuer au développement de cette discipline par la publication de son ouvrage posthume Artis Analyticæ Praxis (1632).
Mais une de ses plus grandes réalisations passa presque inaperçue. Correspondant régulier de Johannes KeplerJohannes Kepler, mais surtout de GaliléeGalilée, il est informé des travaux de ce dernier sur la lunette d'approche et en construit son propre exemplaire, avec lequel il observe la Lune et, le 26 juillet 1609, en trace les premières ébauches de cratères. Il passe ensuite à JupiterJupiter dont il décrit et dessine le premier le ballet des quatre principaux satellites.
Carte et limbe lunaire, dessinés par Thomas Herriot en 1609, cinq mois avant celle de Galilée. Source : Royal Astronomical Society
Un savant discret
Le champ d'observation particulièrement étroit des premiers instruments de Harriot rend son travail encore plus impressionnant, car il ne pouvait embrasser d'un regard qu'une fraction du disque sélène à la fois et n'avait bien sûr aucun mécanisme de suivi. Il parvient pourtant à situer exactement plusieurs cratères en leurs positions relatives correctes, ainsi que la Mer des Crises, la Mer de la FéconditéFécondité et la Mer de la Tranquillité. En 1613 il avait réussi à dresser deux cartes complètes de la face visible de la Lune, qui ne seront pas surpassées en précision avant plusieurs décennies. Galilée, quant à lui, ne montrera ses premières ébauches qu'en décembre 1609, cinq mois après Harriot.
Pourquoi Harriot n'est-il pas connu ? A la différence de Galilée, le grand savant n'a jamais publié ses observations, peut-être pour ne pas compromettre le généreux donateur, on dirait aujourd'hui le mécène, qui lui attribuait une rente particulièrement confortable dont le montant est évalué à plusieurs fois le salaire d'un recteur d'université. Le procès et les tourments de Galilée n'étaient pas loin...
Le docteur Allan Chapman, historienhistorien de l'université d'Oxford, rend ainsi hommage à cet astronome discret en écrivant dans le journal de la Royal Astronomical Society : « Thomas Harriot est un héros méconnu de la Science. Ses observations marquent les débuts de l'ère de l'Astronomie moderne que nous vivons actuellement, où grand et petits télescopes nous fournissent des informations extraordinaires sur l'Univers où nous habitons ».
Les cartes de la Lune tracées par Thomas Harriot feront l'objet d'une exposition à Chichester cet été, dans le cadre de l'Année mondiale de l'astronomie. D'autres croquis de l'astronome pourront aussi être admirés, comme les dessins de taches solaires ou de la comète de Halleycomète de Halley, observée en 1607.
Voilà donc encore un précurseur à qui on découvre des prédécesseurs... On sait aujourd'hui que Thomas EdisonEdison n'est pas l'auteur du premier enregistrement sonore. On sait qu'Orville WrightWright n'a pas réalisé le premier vol aérien motorisé. On suspecte Nicéphore Niepce de ne pas avoir produit la première photographiephotographie. Mais, à coup sûr, la Lunette de Galilée restera à tout jamais la Lunette de Galilée, même si un modèle beaucoup plus ancien venait un jour à être découvert. Qui se souvient que cette invention avait déjà été décrite par (entre autres) le physicienphysicien et alchimiste italien Giambattista della Porta en... 1589, vingt ans avant les croquis de Thomas Harriot ?