En explorant les archives naturelles de la Terre dans les glaces du Groenland, des chercheurs ont découvert les traces d’une puissante tempête solaire qui s’est abattue sur notre Planète il y a un peu plus de 26 siècles. Si cet évènement se produisait à notre époque, les dommages seraient terribles pour nos sociétés hyperconnectées.


au sommaire


    C'est le troisième cas de supertempête solaire survenue en 2.600 ans. Et les données recueillies sur cet évènement qui s'est produit en 660 avant notre ère n'ont pas de quoi nous rassurer. Notre étoile s'avère en effet capable de violents déchaînements de particules solaires plus souvent que ce que l'on imaginait jusqu'à maintenant. « Nos recherches suggèrent que les risques sont actuellement sous-estimés. Nous devons être mieux préparés », a lancé Raimund Muscheler, coauteur d'une étude sur cette découverte qui vient de paraître dans Pnas (Proceedings of the National Academy of Sciences).

    Les tsunamistsunamis de protons expulsés du Soleil qui s'abattirent sur notre planète ce jour-là furent jusqu'à 20 fois plus énergétiques que ceux de la tempêtetempête solaire de 1956, l'une des plus fortes observées directement dans l'histoire récente. Cela fait à peine 70 ans que l'humanité surveille le Soleil et ses poussées d'activité, et au cours de cette période, quelques-unes se sont avérées menaçantes pour nos sociétés devenues très dépendantes de l'électricité. La plus mémorable fut celle de 1989, il y a 30 ans : une violente tempête solaire qui mit K.-O. le réseau électriqueréseau électrique du Québec jusqu'à la côte est des États-Unis durant des heures. Un évènement qui fit prendre conscience de l'importance de prévenir les prochains. Car, que resterait-il sinon de notre monde contemporain ultraconnecté et branché si un évènement solaire aussi puissant devait se produire ? En 660 avant J.-C. en tout cas, les civilisations égyptiennes ou mésopotamiennes n'avaient pas grand-chose à craindre. Le ciel s'était probablement embrasé, leur offrant un spectacle exceptionnel et inoubliable d'aurores - qu'est-ce que cela devait être aux moyennes et hautes latitudeslatitudes !

    Aurore australe en Nouvelle-Zélande. © Mano Kesavan 
    Aurore australe en Nouvelle-Zélande. © Mano Kesavan 

    « Si cette tempête solaire avait eu lieu aujourd'hui, elle aurait pu avoir de graves conséquences sur notre société high-tech, signale le professeur de géologiegéologie. C'est pourquoi nous devons renforcer la protection de la société contre les tempêtes solaires. »

    Les empreintes laissées par la supertempête solaire

    Raimund Muscheler et son équipe ont suivi la trace du Carbone-14 (14C) relevée dans les carottes de glacecarottes de glace au Groenland. Gageant qu'une puissante tempête solaire en était responsable, la découverte de pics de béryllium-10 (10Be) et de chlorechlore-36 (36Cl) dans les mêmes couches de glace achevait de les convaincre. Ces deux nucléides cosmogéniques ne pouvant qu'être le produit de protons de haute énergieénergie du Soleil qui se sont bousculés dans l'atmosphèreatmosphère à cette époque. Leur présence décelée dans les cernes des arbresarbres ou dans la glace pointe donc un évènement d'une rare violence. Deux autres ont déjà été identifiés dans les archives naturelles de la Terre (le chercheur de l'université de Lund y a participé) : un en 775 après J.-C. et un autre en 994. C'est celui de 775 qui demeure à ce jour le plus puissant connu (voir article plus bas). On ne voudrait pas que cela arrive aujourd'hui !


    Une tempête de protons aurait menacé la Terre au huitième siècle

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 2 mai 2013

    Une augmentation de la quantité de carbone 14 dans l'atmosphère de la Terre, de l'an 774 à 775, a été interprétée comme la trace laissée par un sursautsursaut gamma ayant épargné notre biosphèrebiosphère. Un groupe de physiciensphysiciens a réintroduit dans le débat une autre hypothèse qui avait été écartée : une forte éruption solaireéruption solaire provoquant sur notre planète une tempête de protons.

     

    En 2012, un groupe de chercheurs japonais avait annoncé, dans une publication du journal Nature, la découverte dans les cernes de croissance de cèdres du Japon d'une augmentation spectaculaire du taux de carbone 14 de 774 à 775 après J.-C. Cet isotopeisotope du carbone provenant du bombardement des rayons cosmiquesrayons cosmiques sur les noyaux atomiques à la frontière de l'atmosphère, diverses explications astrophysiquesastrophysiques avaient été avancées.

    La première faisait logiquement intervenir une éruption solaire de forte intensité. Mais les estimations de l'énergie nécessaire pour produire un tel effet impliquaient une colère du Soleil si exceptionnelle que son occurrence semblait peu crédible.

    La seconde faisait intervenir une supernovasupernova proche. Mais il restait alors à expliquer pourquoi aucune trace de cette explosion stellaire n'avait été observée sur la voûte céleste par les astronomesastronomes chinois et japonais, alors qu'ils avaient scrupuleusement noté dans leurs archives celle de 1054 à l'origine du pulsarpulsar du Crabe.

    Des photons gamma ou des protons ?

    Début 2013, deux chercheurs de l'Institut d'astrophysique de l'université allemande d'Iéna ont proposé un scénario séduisant, mais qui, rétrospectivement, fait froid dans le dosdos. Les rayons cosmiques qui ont frappé la Terre au VIIIe siècle auraient été des photonsphotons émis par un sursaut gamma court survenu au sein de la Voie lactéeVoie lactée. En effet, ce phénomène ne dure que quelques secondes et n'est pas associé à une explosion d'étoile : il est donc invisible sur la voûte céleste.

    L'activité solaire se traduit par une diversité de phénomènes énergétiques variant de façon cyclique, en fréquence et en intensité, comme le montre cette spectaculaire éruption solaire survenue en mars 2012. L'ampleur de ces phénomènes rend nécessaire la mise au point de systèmes de prédiction en raison du risque qu'ils font peser sur bon nombre d'activités spatiales ou terrestres. © SDO Science Team, Nasa
    L'activité solaire se traduit par une diversité de phénomènes énergétiques variant de façon cyclique, en fréquence et en intensité, comme le montre cette spectaculaire éruption solaire survenue en mars 2012. L'ampleur de ces phénomènes rend nécessaire la mise au point de systèmes de prédiction en raison du risque qu'ils font peser sur bon nombre d'activités spatiales ou terrestres. © SDO Science Team, Nasa

    Un groupe d'astrophysiciensastrophysiciens américains n'a pas tardé à publier un article sur arxiv, dans lequel il s'oppose à cette hypothèse du sursaut gamma. Le premier argument étant qu'un tel événement ne devrait se produire que tous les 10 millions d'années dans notre galaxiegalaxie. Surtout, les chercheurs ont refait les calculs concernant l'impact d'une éruption solaire de très forte intensité avec une tempête de protons (Solar Proton Events ou SPE en anglais).

    Un événement Charlemagne tous les 1.000 ans ?

    Ces scientifiques se sont basés sur d'autres modèles d'analyse et, selon eux, pour expliquer une telle augmentation du carbone 14, il n'est pas nécessaire de recourir à un spectrespectre d'énergie des protons d'un SPE qui impliquerait une colère du Soleil des milliers de fois plus forte que toutes celles que l'on connaît. En fait, une éruption solaire sept fois plus forte que celle, record, survenue en octobre 1989, ferait l'affaire. De plus, elle n'entamerait pas le bouclier d’ozone protecteur de la Terre de façon critique, ce qui expliquerait l'absence de traces d'extinctionsextinctions d'espècesespèces vivantes.

    En revanche, si une telle éruption devait se produire de nos jours, elle ne conduirait certes pas à un niveau dommageable de rayons ultravioletsultraviolets, mais elle affecterait certainement de façon grave notre civilisation technologique, via les satellites par exemple. Selon les chercheurs, il y aurait tout de même un risque que l'on se trouve bientôt confrontés à un nouvel accidentaccident de ce genre. Appelé par certains « événement Charlemagne », ce phénomène surviendrait en effet tous les mille ans environ.