Le satellite Kepler est très probablement à l’agonie, mais une nouvelle méthode de détection d’exoplanètes, autre que par transit, a permis de découvrir une Jupiter chaude dans les données qu’il a collectées. Cette méthode repose en partie sur un effet prédit par la théorie de la relativité restreinte.

Le télescope Kepler semble à l'article de la mort. Mais comme pour démontrer que l'on n'a pas fini d'entendre parler de lui, une équipe d'astrophysiciens américains et israéliens vient de publier sur arxiv un remarquable article. Les chercheurs révèlent qu'il est bel et bien possible de détecter par photométrie des géantes gazeuses proches de leur étoile hôte, même lorsqu'elles n'effectuent pas de transits.

La méthode qu'ils ont utilisée pour analyser les courbes de lumières fournies par Kepler, mais aussi par Corot, repose sur un algorithme nommé Beer (BEaming, Ellipsoidal and Reflection/emission modulations). On a déjà découvert des astres ou des indications de la présence de planète avec cette algorithme. Or, c'est la première fois que l'on a pu confirmer, par la méthode des vitesses radiales au sol, l'existence d'une exoplanète initialement repérée en utilisant Beer.

Vue d'artiste de Kepler-76b, une géante gazeuse en orbite autour d'une étoile à 2.000 années-lumière du Soleil. Sa présence modifie de façon caractéristique la luminosité de son étoile même lorsqu'elle ne l'éclipse pas, ce qui permet sa détection par photométrie. © David Aguilar

Vue d'artiste de Kepler-76b, une géante gazeuse en orbite autour d'une étoile à 2.000 années-lumière du Soleil. Sa présence modifie de façon caractéristique la luminosité de son étoile même lorsqu'elle ne l'éclipse pas, ce qui permet sa détection par photométrie. © David Aguilar

Une nouvelle méthode de chasse aux exoplanètes

Baptisée Kepler-76b, cette exoplanète est une Jupiter chaude orbitant autour d'une étoile de type F, à 2.000 années-lumière du Soleil, dans la constellation du Cygne. Deux fois plus massive que Jupiter et d'un diamètre plus grand de 25 %, elle boucle son orbite en seulement un jour et demi. Sa température de surface atteint presque 2.000 °C. Elle est en rotation synchrone, ce qui veut dire qu'elle présente toujours la même face à son étoile, comme la Lune par rapport à la Terre.

La découverte de Kepler-76b est remarquable à plusieurs titres. Non seulement elle a été faite sans passer par la méthode du transit planétaire, alors même que la détection d'exoplanètes par photométrie reposait jusqu'ici sur un tel transit, mais elle a aussi été possible en partie grâce à la théorie de la relativité. On avait déjà proposé d'utiliser la relativité générale pour détecter des minis trous noirs avec Kepler, grâce à l'effet de lentille gravitationnelle. Mais dans le cas présent, il s'agit aussi d'un effet d'amplification de la luminosité d'une étoile, causé par une exoplanète en orbite autour d'elle, prédit par la théorie de la relativité restreinte.

Relativité restreinte et marées, les clés de l'algorithme Beer

Lorsqu'une planète est proche de son étoile, et massive, elle provoque un mouvement d'oscillation de celle-ci suffisamment important pour que des mesures fines de son spectre trahissent sa présence par effet Doppler. C'est le principe de la détection des exoplanètes par la méthode des vitesses radiales. Mais via les équations de la relativité restreinte avec l'effet Doppler relativiste, on remarque que cela produit aussi une augmentation périodique de l'énergie des photons émis par l'étoile en direction de notre Système solaire, ainsi que de l'intensité de la lumière de cette étoile. On peut donc, en principe, détecter par photométrie la présence d'une exoplanète.

Malheureusement, des pulsations périodiques liées à la physique propre d'une étoile peuvent également produire ce genre de phénomène. Pour faire la distinction, l'algorithme de recherche de la méthode Beer fait intervenir deux effets supplémentaires caractéristiques. Lorsque l'exoplanète est massive et proche de son étoile, elle provoque, par effet de marée, une déformation de la surface de l'étoile, comme la Lune sur la surface des océans de la Terre. Cette déformation suivant le mouvement de l'exoplanète, il y a aussi une modulation périodique supplémentaire de la luminosité de l'étoile qui en résulte. S'ajoute à cela le fait que l'exoplanète réfléchit aussi la lumière de son étoile.

Ces trois effets (Doppler relativiste, de marée et réflexion de la lumière) sont faibles, de sorte que l'on ne peut vraiment s'en servir que pour détecter des géantes gazeuses, et pas des superterres. Mais comme ils ne nécessitent pas de transits, qui sont rares, on dispose à présent d'un outil de plus pour chasser des exoplanètes par photométrie.