Si son orbite est perturbée par ses voisines, une planète peut devenir impropre à la vie durant de longues périodes, surtout si elle se trouve en bordure de la zone d'habitabilité. « L’architecture d’un système planétaire joue un rôle fondamental » nous explique Sean Raymond, planétologue à l'Université de Bordeaux.

A mesure que nos moyens d'observation se perfectionnent et rendent possibles la détection de planètes telluriques similaires à la Terre (exoterres), les astronomes s'interrogent sur la possibilité d'en découvrir susceptibles d'abriter la vie. Pour déterminer l'habitabilité d'une planète, elle ne doit pas seulement évoluer dans la zone d'habitabilité de son étoile qui permet de réunir toutes les conditions favorables à la vie. L'architecture du système planétaire dans lequel elle réside est tout aussi importante, de sorte que la disposition des planètes et leur taille sont deux paramètres indissociables de la question de la vie.

Des chercheurs ont eu l'idée de démontrer dans quelles proportions l'excentricité de l'orbite d'une exoterre pourrait être influencée par un Jupiter chaud. Il s'agit d'un des trois paramètres de Milanković, qui intervient dans les variations climatiques des planètes avec comme principale conséquence des périodes glaciaires et interglaciaires qui ont un impact plus ou moins prononcé sur la vie.

Comme nous l'explique Sean Raymond, chercheur anglophone à l'Observatoire de Bordeaux et spécialiste de la formation planétaire, l'architecture d'un système planétaire « joue un rôle fondamental sur l'habitabilité des planètes qui s'y trouvent ». L'excentricité est un des facteurs les plus importants dans les changements climatiques naturels. Quand l'excentricité de la Terre est à 5% (ce qui n'est pas le cas en ce moment), « la Terre au périhélie peut recevoir de 20 à 30% d'énergie (émise par le Soleil) de plus qu'à l'aphélie ». Le climat se modifie alors fortement au cours d'une année.

Sur les planètes susceptibles d'abriter la vie, « la question de la l'excentricité prend tout son sens ». Sur Terre, l'excentricité varie entre 0 et 6%, un écart très faible qui affecte tout de même la vie terrestre. Elle est à l'origine de périodes glaciaires et interglaciaires qui ont eu un impact sur l'évolution de la vie (le dernier épisode glaciaire s'est étalé de -110.000 ans à -13.000 ans). « L'excentricité et les oscillations de températures induites sont directement liées à l'architecture du Système solaire. »

L’alternance aussi dans les systèmes planétaires

Ce qui est vrai pour le Système solaire l'est également pour l'ensemble des systèmes planétaires. Sean Raymond et ses collègues ont « déterminé que des planètes pourraient subir des changements substantiels dans l'excentricité de leurs orbites avec toutes les conséquences que cela implique sur les changements climatiques et, partant de là, sur l'évolution de l'habitabilité de la planète ». Ils ont aussi déterminé que dans certains systèmes planétaires, cette excentricité pouvait varier de plus de 50%, avec dans ce cas des « conséquences dramatiques pour la vie ».

Aujourd'hui, la plupart des exoplanètes découvertes sont des planètes très massives, typiquement de la masse de Jupiter. Les simulations montrent que dans des systèmes planétaires comportant de tels objets, « il pourrait exister des planètes dont les propriétés géologiques fluctuent sur des périodes qui peuvent varier de moins de mille ans jusqu'à plus d'un million d'années, dépendant de la configuration du système planétaire ».

Dans certains cas, on « voit des amplitudes de 10, 20, voire 30% et plus de 50% de l'excentricité de l'orbite ». En conséquences, deux facteurs importants influent sur le climat. « Le flux entre l'aphélie et le périhélie est modifié et d'autre part le flux total augmente aussi. » Des planètes évoluant sur les bords internes et externes de la zone habitable de leur étoile, comme Vénus et Mars pour le Système solaire, « pourraient alterner les périodes d'habitabilité et d'inhospitalité ».

On comprend que pour les planètes au bord de la zone d'habitable, « les fluctuations d'excentricité peuvent être vraiment importantes pour l'habitabilité puisqu'un changement assez faible de flux peut avoir de grandes conséquences ». Les alternances des conditions d'habitabilité n'auront pas les mêmes effets sur une planète qui se situe vers le bord interne - « elle deviendra très chaude » - que sur une planète qui évolue près des bords externes de cette zone d'habitabilité qui « évoluera vers un monde de glaces ».

L'objectif de ces chercheurs est de démontrer que « l'habitabilité d’une planète sur le long terme dépend fortement de l'architecture du système planétaire dans lequel elle réside ». Comme le rappelle Sean Raymond, « nous voulons mettre au point un modèle » qui peut être utilisé dans le futur pour sonder « les climats possibles d'exoplanètes » et pourrait « permettre de mieux comprendre l'histoire de l'évolution de la Terre, voire de se faire une idée de ce qui pourrait nous attendre durant les prochains millénaires ».