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À ce jour, près de 1.800 exoplanètes ont été découvertes. Bien sûr, détecter leur présence dans le girongiron d'étoiles qui ressemblent plus ou moins à notre Soleil ne suffit pas. Pour espérer déterminer l'habitabilité de ces mondes distants de plusieurs dizaines ou centaines d'années-lumière, les astronomesastronomes s'évertuent à étudier leur atmosphèreatmosphère. En effet, celle-ci est susceptible de refléter les conditions qui règnent à la surface du monde qu'elle recouvre et, par conséquent, de trahir la présence d'une possible activité biologique, véritable quête du Graal. Bien qu'encore balbutiante, cette branche de la discipline ne cesse d'attirer divers chercheurs, comme le jeune Tyler Robinson (chercheur postdoctoral au centre de recherche Ames de la Nasa) et toute son équipe, lesquels proposent dans leur travail publié dans les Pnas de reconsidérer notre compréhension de l'atmosphère d'exoplanètes à l'aune de celle de TitanTitan.
Ces dernières années, les études à distance d'atmosphères de nouveaux mondes ont été, dans chaque cas, réalisées lors des transits devant leur étoile hôte. Jusqu'à présent, les planètes géantesplanètes géantes sont les cibles privilégiées. Au moyen, notamment, des télescopestélescopes spatiaux HubbleHubble et SpitzerSpitzer ou du géant KeckKeck, les astronomes ont étudié la lumière de l'étoile au prisme des couches supérieures de l'atmosphère des exoplanètes. Une approche spectrale délicate et prometteuse, à l'image de ce qui fut réalisé en 2012 lors du passage exceptionnel de VénusVénus devant le Soleil. Les données ainsi collectées sont régulièrement confrontées avec les modèles développés par les astronomes. Cependant, prévient Tyler Robinson, ces premiers aperçus d'atmosphères peuvent être biaisés, ainsi que son équipe et lui le démontrent à travers leurs recherches sur l'épaisse enveloppe de gazgaz de Titan, plus grand satellite naturel de SaturneSaturne, et celles d'autres corps du Système solaireSystème solaire.
Portrait de Titan — deuxième plus grande lune du Système solaire — par Cassini, qui l’a survolé 102 fois en dix ans. Épaisse d’environ 600 km, son atmosphère se compose de 95 % de diazote et 5 % de méthane. Son interaction avec le rayonnement solaire et le champ magnétique de Saturne favorise la formation de molécules organiques. Titan évoque aux chercheurs les conditions qui pouvaient régner sur la Terre primitive. © Nasa, JPL-Caltech, Space Science Institute
Masque de brume autour de Titan
Pour ce faire, l'équipe a eu l'idée de tirer parti des données recueillies lors de quatre observations de couchers de soleil sur Titan -- occultationoccultation solaire -- par la sonde spatiale Cassini, échelonnées entre 2006 et 2011. « Il s'avère qu'il y a beaucoup de choses à apprendre en regardant un coucher de soleil », rappelle l'instigateur de ces recherches. Relativement proche de nous et pour le moins à notre portée, cette lunelune de 5.150 km de diamètre est enrobée d'une brumebrume épaisse. Son atmosphère, qui s'étage sur plusieurs centaines de kilomètres, abrite un monde tapissé de glace et de lacs de méthane. En janvier 2005, le module Huygens (largué par Cassini) a eu tout loisir de collecter des données sur l'atmosphère au cours de sa descente.
L'étude spectrale a démontré que la caractérisation des atmosphères est loin d'être simple. La brume épaisse qui enveloppe Titan entre 150 et 300 kilomètres d'altitude obstrue en grande partie les éléments divers qui composent la basse atmosphère. Par conséquent, la partie la plus dense et complexe échappe à l'observation. Les couches supérieures peuvent ainsi être une couverture efficace pour nous détourner de la véritable identité d'une atmosphère. Mark Marley, qui a participé aux recherches, souligne que si Titan « ne ressemble en rien aux précédentes suggestions, c'est surtout à cause de la brume ». Émettant davantage dans les courtes longueurs d'ondelongueurs d'onde, cette donnée n'a pas vraiment été prise en compte jusqu'à présent dans les modèles, qui avaient tendance à simplifier faute de puissance de calcul suffisante.
Lors de sa conception au début des années 1990, rien ne prédisposait la mission Cassini -- codéveloppée par l'Esa et la Nasa -- à ouvrir de nouvelles perspectives dans l'étude des exoplanètes, en particulier de leur atmosphère. À son lancement vers Saturne, en 1997, la chasse aux autres mondes ne faisait que commencer... Comme l'a exprimé Curt Niebur, chercheur au bureau de la Nasa à Washington, « il est gratifiant de voir que l'étude du Système solaire fournie par Cassini nous aide à comprendre davantage les autres systèmes planétaires ».