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Quelques minutes après le Big BangBig Bang, le deutérium est produit par interaction entre un neutron et un proton. En alimentant une étoile lors de sa naissance, il est définitivement consumé, et détecter celui qui subsiste localement permet de retracer, à travers les âges, la genèse des étoiles et des galaxies. Connaissant la quantité apparue aux premiers instants de notre Univers et celle qui existe encore actuellement, les scientifiques peuvent, en effet, évaluer la fraction de gazgaz impliquée dans la création des étoiles. Mais sa répartition dans notre Voie LactéeVoie Lactée, mesurée grâce à l'empreinte spectrale qu'il laisse dans l'ultravioletultraviolet, a posé problème ces 35 dernières années : alors qu'on s'attendait à trouver une distribution homogène, les niveaux de deutérium détectés varient d'un endroit à l'autre...
C'est le satellite FUSE, destiné à étudier les reliques chimiques de l'Univers primordial, qui a permis de résoudre l'affaire du deutérium manquant.
© NASA
Dans les années soixante dix, c'est le satellite Copernicus, de la NASANASA, qui réalise ces observations inattendues. Leur satellite FUSE (pour Far Ultraviolet Spectroscopic Explorer), lancé en 1999, a confirmé, plus récemment, ce résultat. Alors qu'on pensait jusque là que le deutérium devait être mélangé, à parts égales, aux autres éléments disponibles pour la création de nouvelles étoiles, Bruce Draine, de l'Université de Princeton, propose en 2003 une nouvelle théorie. D'après ses modèles numériquesmodèles numériques, le deutérium, contrairement à l'hydrogènehydrogène, pourrait se lier préférentiellement aux grains de poussière interstellairespoussière interstellaires, passant d'une forme gazeuse, facilement détectable, à une forme solidesolide, invisible aux yeuxyeux artificiels de FUSE.
Le deutérium, un isotope « lourd » de l'hydrogène, est un traceur de l'évolution stellaire et galactique. Observer sa signature spectrale est l'un des objectifs majeurs de la mission FUSE.
© NASA & JHU
Dans des régions qui demeurent « calmes » pour de longues périodes, les atomesatomes de deutérium quittent systématiquement la phase gazeuse et viennent prendre la place des atomes d'hydrogène constitutifs des grains de poussière. Comme FUSE ne peut détecter cette forme non-gazeuse, cela explique les faibles niveaux enregistrés de 15 ppmppm (parties par million) aux abords de notre galaxie, et qui descendent même jusqu'à 5 ppm en certains endroits. Par contre, dans une région perturbée par une supernovasupernova ou des étoiles chaudes, les grains de poussière partent en vapeur et FUSE constate une forte concentration en deutérium.
Vue d'artiste de notre galaxie, la Voie Lactée. Après des centaines d'heures d'observation de dizaines d'étoiles, des chercheurs de la NASA ont découvert du deutérium caché dans des nuages de poussière. En sondant sa concentration locale, ils ont également trouvé qu'elle était bien plus élevée que prévu...
© NASA
Ces nouvelles observations apportent, 35 ans plus tard, une réponse quant à l'emplacement du deutérium « manquant »... mais elles posent aux scientifiques une nouvelle question : pourquoi l'abondance en deutérium mesurée dans notre Voie Lactée est-elle supérieure aux prévisions théoriques ? La formation des étoiles consommant du gaz, au cours du temps, notre univers local, contemporain, doit contenir moins de deutérium que l'univers distant, plus jeune. A partir de concentrations primordiales de l'ordre de 27 ppm, estimées par diverses études, FUSE, en relevant des pics à 23 ppm dans notre galaxie, a trouvé que seulement 15% du deutérium initial a été détruit, alors que les théories prévoient une diminution d'au moins un tiers. Cela implique soit que beaucoup moins de matièrematière a été convertie, au coeur des étoiles, en héliumhélium et en d'autres éléments plus lourds, soit que beaucoup plus de gaz primordial a aspergé notre galaxie tout au long de sa vie.
« Dans les deux cas, nos modèles d'évolution chimique de la Voie Lactée devront être significativement modifiés afin d'expliquer ce nouveau résultat »,conclut le Dr. George Sonneborn, scientifique principal du projet. Ce sont les théories qui doivent correspondre aux observations, et pas l'inverse...