au sommaire
Europe, un satellite de Jupiter, a cela de fascinant qu'il pourrait rassembler les conditions nécessaires à la vie. Aussi surprenant que cela paraisse (il se situe tout de même à plus de 780 millions de kilomètres du Soleil), de nombreux spécialistes en sont convaincus, et certains n'excluent pas que l'on trouve dans ses profondeurs des systèmes comparables à celui des sources hydrothermalessources hydrothermales terrestres. Partant de là, tous les scénarios sont possibles.
La surface d'Europe est recouverte d'une épaisse couche de glace qui n'est pas figée. Depuis les survolssurvols rapprochés de la sonde jovienne Galileo, on sait que cette glace est en mouvement. Et, à l'instar de ce qui se passe sur Terre, des éléments des profondeurs d'Europe sont susceptibles d'être transportés jusqu'à la surface. Mieux encore, cette sonde de la Nasa (1989-2003) a montré que les glaces de surface sont mélangées avec de la matière organique remontée du noyau rocheux vers la surface par le mouvement des glaces.
Détails de surface d'Europe, acquis lors de survols de la sonde Galileo de la Nasa. La nature des structures de surface fait encore débat. © Nasa, JPL, université de l'Arizona
Pour savoir s'il existe une chimie prébiotiqueprébiotique, peut-être très avancée, les grandes agences spatiales planifient des missions à destination d'Europe. Si la sonde Junosonde Juno de la Nasa est en route pour étudier JupiterJupiter, l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne a donné son feufeu vert à la constructionconstruction de la sonde Juice. Cette mission à plusieurs destinations (Jupiter, CallistoCallisto, GanymèdeGanymède) effectuera deux survols d'Europe, dont elle mesurera pour la première fois l'épaisseur de la croûtecroûte glacée, et où elle recensera des sites adaptés à une future exploration in situ.
Enjeux technologiques de l’étude d’Europe
Cette prochaine étape est d'ores et déjà à l'étude. Astrium travaille au développement de pénétrateurs qui iraient étudier le sous-sol de cette lunelune, jusqu'à une profondeur de trois mètres. Mieux qu'une mission de surface à la duréedurée de vie forcément limitée, compte tenu de la proximité avec Jupiter et son fort champ magnétique, le retour scientifique devrait être très significatif.
Cela dit, des difficultés technologiques existent. Au nombre de trois, « elles concernent la mécanique, la thermique et l'aspect opérationnel », nous explique Élie Allouis, ingénieur système en mission et robotiquerobotique chez Astrium. Le pénétrateur lui-même pèse 20 kgkg, et peut mesurer de 50 à 60 cm de long.
La mécanique pose problème parce que le pénétrateur, qui percutera la surface, doit résister à « un choc énorme et subir un impact d'à peu près 24.000 g », à comparer aux 12 à 14 g que doit subir un pilote de chasse lorsqu'il s'éjecte, et il faut que les instruments à l'intérieur survivent à la collision. « On souhaite pénétrer le plus verticalement possible », ce qui nécessite de déterminer précisément l'angle d'attaque.
Les vraies couleurs d'Europe. Concernant les points d’entrée dans la surface des futurs pénétrateurs, Astrium les souhaite aux pôles, parce que ces régions ont des surfaces relativement lisses. Des accidents de relief, en effet, risqueraient de modifier l’angle d’impact. En outre, ce choix facilitera les communications. © Nasa, JPL
Creuser dans de la glace ou du régolithe
La thermique est aussi passée au crible, parce qu'une fois enfoncée dans la glace d'Europe, la sonde doit survivre plusieurs semaines à quelque 70 K, soit -200 °C. Si les contraintes de conception sont fortes, les points durs se situent surtout « au niveau des batteries et du système de communication ».
Enfin, l'aspect opérationnel est « également très "challenging" ». « On veut pouvoir atteindre une profondeur de trois mètres, que ce soit dans de la glace ou du régolitherégolithe. » L'idée est de « ne pas aller le plus profond possible », au risque de ne plus pouvoir communiquer, et de tenir compte des « capacités mécaniques de la sonde ».
Tel qu'il est conçu, « le pénétrateur embarque trois instruments ». Il s'agit d'un spectromètrespectromètre, d'une suite d'outils pour mesurer différents paramètres comme le pH ou la conductivitéconductivité du sol, ainsi qu'un microscopemicroscope. Il emporte également une foreuse capable de récupérer des échantillons afin de les transmettre aux trois instruments pour analyse.
Après Europe, la Lune et Mars ?
À ce jour, il n'y a pas de mission programmée. Avant d'envisager qu'une mission puisse l'utiliser, Astrium a pour but de « démontrer qu'un concept de cette nature peut fonctionner » et de fournir à l'Esa un instrument avec « des conditions d'utilisation très prévisibles ».
L'été dernier, des essais réalisés à grande échelle ont « validé le concept mécanique » et permis de mieux « cerner les contraintes pour la survie des instruments » à l'impact et à la pénétration. Enfin, ce concept de pénétrateur est « très flexible ». Bien qu'il soit conçu pour une mission sur Europe, il est « facilement adaptable à d'autres cibles » et peut même être utilisé en petite constellationconstellation pour « déployer des sismomètres par exemple ». Il peut donc être utilisé pour pénétrer dans du régolithe et viser la planète Mars ou la Lune, par exemple.