Mach 1.24 : après la première estimation d’hier soir, la vitesse de chute de Felix Baumgartner lors de son saut en chute libre depuis la stratosphère a été revue à la hausse. Avec plus de 1.300 km/h, le parachutiste autrichien a bel et bien franchi le mur du son.

Ce dimanche 14 octobre 2012, vers 19 h 00 en heure française, les chaînes de télévision se disputaient les parts d'audience avec leurs programmes habituels pendant que YouTube battait son record historique avec 8 millions de spectateurs. C'est ce qu'a affirmé Tim Katz, responsable des partenariats sportifs du site de diffusion de vidéos.

Sur les écrans du Web, Felix Baumgartner, parachutiste autrichien, tenait la planète en haleine. Vers 19 h 00, son ballon d'hélium grimpait à 300 m à la minute dans la stratosphère. À 19 h 32, il dépassait 34.668 m, précédent record d'une ascension en ballon, détenu par Victor Prather et Malcolm Ross depuis 1961.

La pression ambiante devenait inférieure à celle qui règne à la surface de la planète Mars et à 19 h 51, dans une salle de contrôle digne de celle d'une agence spatiale, un homme aux cheveux blancs, égrenant une check-list, parvenait à l'item : « Door start to open » (« La porte commence à s'ouvrir »).


Un résumé vidéo du saut depuis 39.045 m, au Nouveau-Mexique, par le parachutiste autrichien Felix Baumgartner. © Red Bull/YouTube

Felix Baumgartner : 39 km sous les pieds

Dans la capsule, vêtu d'une combinaison semblable à celle d'un astronaute, Felix Baumgartner a poussé son tableau de bord pivotant et ouvert la porte ronde. Devant lui, le ciel était bleu nuit et la Terre semblait vraiment ronde. À l'intérieur, à l'extérieur et au sol, les caméras (35 en tout) immortalisaient l'événement, au service du marketing du sponsor, Red Bull.

Les images étaient hallucinantes, montrant cet homme debout devant un vide de 39 km. « On se sent très petit » dira le parachutiste à son retour sur Terre. Il a sauté et, depuis le sol, un télescope de suivi, du même type que ceux chargés de filmer les fusées après le décollage, a montré cette frêle silhouette blanche happée par la gravitation.

Après 49 secondes de chute, la vitesse estimée passait par un maximum de 1.173 km/h, ce qui est à peu près la vitesse du son à ces altitudes. Alors franchi ou pas, le mur ?

Go. © Red Bull Stratos

Go. © Red Bull Stratos

L'homme supersonique

Franchi ! Après récupération des mesures de l'altimètre, la vitesse de pointe a été revue à la hausse : 1.342,8 km/h ! Par rapport au son, cette valeur correspond à Mach 1.24, soit 1,24 fois la vitesse du son. Baumgartner a donc bien chuté à une vitesse supersonique. C'est une première... ou presque. Car l'homme aux cheveux blancs chargé de lire la check-list s'appelle Joe Kittinger. En 1960, lui aussi a sauté de la stratosphère et a toujours prétendu avoir dépassé la vitesse du son mais aucun instrument n'a pu le prouver.

Avec une pression d'air très faible, la traînée (résistance de l'air) l'est aussi et la chute libre, sous l'effet de la gravitation, peut être accélérée jusqu'à des vitesses élevées. Plus bas, dans l'air plus dense, le corps est freiné progressivement jusqu'à ce que la traînée équilibre le poids. La vitesse se stabilise alors.

Quelques secondes après le saut. « <em>On se sent très petit</em> ». © Red Bull Stratos

Quelques secondes après le saut. « On se sent très petit ». © Red Bull Stratos

Vers 1.500 m, Felix Baumgartner a déployé son parachute après 4 minutes et 16 secondes de chute libre, soit juste un peu moins que le précédent record détenu depuis 1960 par... Joseph Kittinger. Suivi par deux hélicoptères, le parachutiste a tranquillement terminé sa descente au-dessus d'une région désertique et s'est posé en douceur, immédiatement rejoint par des membres de son équipe... dont un caméraman. Pur hasard, ce saut s'est déroulé le jour du 65e anniversaire du premier passage du mur du son, réalisé le 14 octobre 1947 par Chuck Yeager, qui pilotait l'avion-fusée expérimental Bell X1.

L'exploit est-il utile ? Futile ? Chacun pourra avoir son avis. Il faut se rappeler que dans les années 1980, l'Europe, qui se prépare à réaliser une navette spatiale - le projet Hermès - songe aux moyens d'une évacuation de l'équipage à grande vitesse et haute altitude, surtout après l'accident de la navette américaine Challenger.

La mère de Felix Baumgartner vient de voir l'ouverture du parachute. © Red Bull Stratos

La mère de Felix Baumgartner vient de voir l'ouverture du parachute. © Red Bull Stratos

En France, le parachutiste Michel Fournier est sélectionné pour des sauts depuis 38.000 m et, après l'abandon du projet Hermès, poursuivra seul l'expérience et fera plusieurs tentatives jusqu'en 2008. Jean-François Clervoy, astronaute de l'Esa et parrain du projet « Grand saut » de Michel Fournier en soulignait tout l'intérêt, lui qui rêve « de revenir de l'espace à pied ».

Les techniques à mettre en œuvre, depuis la combinaison jusqu'à l'instrumentation en passant par le ballon, la capsule et les procédures, voisines de la préparation d'une sortie extravéhiculaire pour les astronautes, sont complexes. L'exploit est donc loin d'un simple record sportif et, à coup sûr, fera date.