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La goélette Tara quitte le port d'Ilulissat, dans la baie de Disko, au Groenland, en octobre 2013. L’arrivée de Tara à Lorient est attendue pour la fin de semaine. © F. Aurat, Tara Expéditions
« Je n'avais jamais vu une telle abondance de plancton », se félicite Christian Sardet au retour de la goélette Tara, qui vient de réaliser en six mois un tour complet de l'Arctique. Biologiste marin, directeur de recherche émérite du CNRS à l'observatoire de Villefranche-sur-Mer, près de Nice, et auteur des superbes Chroniques du plancton, il est l'un des cofondateurs de Tara Oceans, l'expédition qui, entre 2009 et 2012, avait étudié le plancton aux quatre coins du monde... sauf en Arctique. D'où l'expédition suivante, Tara Oceans Polar Circle, partie de Lorient 19 mai 2013 et qui va s'y achever samedi 7 décembre.
S'il est bien trop tôt pour un bilan, la personnalité du plancton arctique est déjà apparue : « une biomasse importante, mais une faible biodiversité, résume le biologiste marin. On y observe des bloomsblooms de diatomées et de dinoflagellés [des alguesalgues microscopiques, NDLRNDLR], des chétognathes et angesanges de mer [des petits mollusquesmollusques planctoniques], des copépodes et amphipodes [des crustacéscrustacés] ainsi que des cténophorescténophores [ressemblant aux médusesméduses] ou encore des méduses. »
Des copépodes, petits crustacés planctoniques habituellement très abondants dans toutes les mers du globe, récoltés et photographiés à bord de Tara. Ils étaient particulièrement nombreux dans les prélèvements effectués dans les régions arctiques, où la biodiversité s'est révélée faible. © Christian Sardet, Tara Expéditions
Le tour complet de l'Arctique de Tara
L'objectif est en effet d'analyser finement la composition du plancton, un ensemble de micro-organismesmicro-organismes, de larveslarves et d'animaux qui forme des écosystèmesécosystèmes changeants, mal connus et... fondamentaux pour le reste de la vie sur la planète. « L'originalité du travail à bord de Tara, c'est que nous analysons tout ce qui se trouve dans la colonne d'eau, jusqu'aux bactériesbactéries et aux archéesarchées, avec, en plus, une série de mesures physiquesphysiques caractérisant l'environnement. » Avec les stations longues et nombreuses, pendant lesquelles le navire déploie les instruments de mesures océanographiques et de prélèvements, la goélette Tara peut réaliser un travail différent et complémentaire de celui des grands navires océanographiques.
Après la longue exploration de Tara Oceans (deux ans et demi), le voilier d'aluminiumaluminium vient de parcourir 15.000 km autour de la banquisebanquise arctique, franchissant les deux passages, du Nord-Est (au nord de la Russie) puis du Nord-Ouest (au niveau du Canada). Cette circumnavigation était un défi en soi. Seuls deux autres voiliers l'ont réalisée. En 2002 et 2003, Éric Brossier enchaînait les deux passages sur son Vagabond et en 2010, le Northern Passage franchissait les deux en une saisonsaison. Mais après le retrait des glaces record de 2011, les glaces étaient encore très présentes durant l'été 2013.
Des dinoflagellés, petits organismes unicellulaires souvent qualifiés de microalgues, observés par les biologistes de l'expédition Tara Oceans Polar Circle. Ils étaient abondants dans les régions arctiques que la goélette a traversées. © Christian Sardet, Tara Expéditions
Base de données du plancton mondial
Ces conditions ont-elles affecté le travail des scientifiques ? « Pas du tout, répond Christian SardetChristian Sardet. Nous avions des équipements adaptés, des couvertures chauffantes pour certains instruments par exemple. Nous avons travaillé comme lors de la mission Tara Oceans, avec même, sans doute, une meilleure efficacité, car les équipes sont les mêmes et sont maintenant bien rodées. » Les protocolesprotocoles étant similaires entre les deux expéditions, les résultats de la cinquantaine de stations de Tara Oceans Polar Circle pourront être intégrés à ceux des quelque 150 stations de Tara Oceans.
Que peuvent-ils nous apprendre ? « C'est un travail de fond pour comprendre les écosystèmes marins. Nous sommes en train de bâtir une base de donnéesbase de données pour que les scientifiques puissent trouver, pour chacune des stations, toutes les informations que nous y avons recueillies. Car d'autres chercheurs pourront avoir des idées que nous n'avons pas eues et trouver d'autres choses... » Ce long travail d'analyse commencera une fois débarqués les échantillons, qui sont actuellement à bord de Tara. Démarrera alors le travail discret des scientifiques, loin des médias, pour profiter de ce « trésor », comme nous le disait le biologiste au retour de Tara Oceans.