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Les ondes internes peuvent parfois être vues clairement par imagerie satellite (comme à l'image le détroit de Luçon). C’est possible car les ondes internes créent une alternance de régions rugueuses et lisses du plancher océanique qui s’associent aux crêtes des ondes internes. La lumière du soleil reflète les sections lisses, apparaissant comme des arcs blancs. © Nasa
Elles ne sont pas perceptibles en surface, pourtant les marées internes dans les océans peuvent bouleverser le climat et l'écosystème qu'elles parcourent. Compte tenu de leur invisibilité, l'origine des ondes internes océaniques est encore mystérieuse. Elles peuvent être générées par l'interaction de la marée avec la topographie du plancherplancher océanique, ou bien de façon totalement aléatoire. Le passage d'un bateau par exemple génère ce type d'ondes, omniprésentes dans l'océan. Dans le détroit de Luçon, situé entre les Philippines et Taïwan, sont générées les plus fortes ondes internes identifiées dans le monde. Aujourd'hui, une équipe de recherche a réussi à en préciser l'origine, et discute ses résultats dans la revue Geophysical Research Letters.
Pendant longtemps, ces ondes ont été considérées comme du bruit, venant perturber les mesures océanographiques. Aujourd'hui, il apparaît qu'elles auraient un rôle clé dans la dynamique du climat. Au détroit de Luçon, elles sont grandes, d'une amplitude de près de 200 m et se déplacent de quelques centimètres par seconde. « Elles sont les mastodontes de l'océan, les ondes internes les plus puissantes jamais découvertes », explique Thomas Peacock, impliqué dans l'étude. À l'interface entre les eaux, plus chaudes de surface, et les eaux plus denses et froides, des ondes internes peuvent être générées et mélanger ces deux couches. Dans cette couche limite, les ondes internes peuvent faire plonger les eaux chaudes en profondeur, et enfouir la chaleur de l’atmosphère.
Cette animation montre les couches de densité dans la mer de Chine méridionale, perturbées par le flux de la marée régulier de va-et-vient à travers le détroit de Luçon (Luzon, en anglais). Cela génère de grandes ondes internes (en rouge sous l’eau, et en blanc pour la vue de dessus). © MIT
Nouveaux paramètres océaniques à ajouter dans les modèles climatiques
La simulation des ondes internes est l'une des données manquantes dans la modélisation du climat. Actuellement, les modèles ne les considèrent pas car il n'existe aucune méthode de description générale. Comprendre donc comment elles sont générées et quel est leur impact sur le climat est fondamental. C'est dans ce contexte qu'une équipe internationale, issue d'une collaboration entre l'université de Grenoble et le MIT, a mené une vaste étude sur les ondes du détroit de Luçon. Les chercheurs ont d'abord étudié, à partir des données satellites et de terrain, les ondes internes dans leur milieu naturel.
La topographie du bassin entre Taïwan et les Philippines est complexe, elle génère des ondes solitaires s'étendant sur plusieurs centaines de kilomètres qui se propagent depuis le détroit vers la mer de Chinemer de Chine. En vue d'identifier l'influence des différents facteurs, tels que la stratificationstratification de l'océan, le forçage de la marée et le lien avec la topographie, l'équipe a reproduit la dynamique de ce détroit à grande échelle à la plateforme Coriolis, à Grenoble. C'est une table tournante de 13 m de diamètre, la plus grande au monde. Pour reproduire le forçage de la marée, l'équipe a généré un écoulement oscillant sur une maquette du détroit.
Les expériences ont montré que ces ondes sont générées par le système de crêtes sous-marines de cette zone du fond marin, et non pas un pic de crête en un point donné des lignes de crêtes. La géométrie du détroit génère un certain type de marée, et ce de façon systématique. Ces nouveaux résultats améliorent la compréhension des mécanismes de génération des ondes internes. D'après Thomas Peacock, « ces ondes sont potentiellement le mécanisme clé pour transférer la chaleur de l'océan supérieur dans les profondeurs ». L'équipe se réunira en janvier avec une équipe de modélisateurs pour intégrer ces découvertes dans les modèles climatiquesmodèles climatiques.