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Ce dispositif a été immergé par près de 11.000 m de fond pour étudier la consommation d'oxygène au sein des sédiments de Challenger Deep. La sonde se situe au milieu de la cage. Des mesures ont ensuite été faites en dehors de la fosse des Mariannes, par 6.000 m de fond. © Anni Glud
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La vie dans les profondeurs océaniques dépend bien souvent de l'arrivée de nourriture en provenance de la surface, là où la présence de lumièrelumière permet aux organismes photosynthétiques de prospérer. Or, c'est justement leur digestiondigestion par des hétérotropheshétérotrophes qui produit la matièrematière organique qui va précipiter, puis alimenter les micro-organismes qui vivent dans les premiers centimètres de sédiments. Un problème majeur se pose cependant : les déchets sont consommés en cours de route. Pour preuve, seuls 1 % d'entre eux atteignent les fonds marins situés 3.000 à 6.000 m sous la surface. Que dire alors de la situation rencontrée à 10.994 m de profondeur ?
Cette valeur précise n'a pas été choisie au hasard, puisqu'elle caractérise la profondeur de ChallengerChallenger Deep, le point le plus profond de la planète. Ce lieu symbolique a fait parler de lui voilà tout juste un an, lorsqu'il a été visité par James Cameron et son sous-marin Deepsea Challenger. S'il avait possédé un microscopemicroscope plutôt que des caméras 3D, le réalisateur des films à succès Titanic et AvatarAvatar se serait vite rendu compte qu'il n'était pas seul en ce lieu noir et froid (2,5 °C) où règne une énorme pressionpression (1.100 barbar). La vie y foisonne au sein des sédiments, bien plus qu'à 6.000 m de profondeur.
Position précise du point le plus profond de la Planète (10.994 ± 40 m) dans la fosse des Mariannes (étoile jaune). La flèche indique une zone délimitée par un trait blanc où la profondeur est supérieure à 10.000 m. La fosse des Mariannes mesure au total plus de 2.500 km de long. Elle indique une zone de subduction entre deux plaques tectoniques. © University of New Hampshire Center for Coastal and Ocean Mapping, Joint Hydrographic Center
Dix fois plus de bactéries par 11.000 m de fond
Pour parvenir à cette conclusion, l'équipe de Ronnie Glud (université du Danemark du Sud) a immergé un système de microprofilage autonome qui permet d'étudier la consommation d’oxygène dans les 20 premiers centimètres de sédiments. Au total, 6 à 30 microprofils d'une résolutionrésolution de 0,5 à 1 mm ont été réalisés durant chacune des quatre plongées menées soit à Challenger Deep, soit sur un site témoin situé au sud de la fosse, par 6.000 m de fond. Plusieurs carottages de sédiments ont également été réalisés.
L'analyse des données est sans appel. Les bactéries sont dix fois plus abondantes et deux fois plus actives au fond de la fosse des Mariannes qu'au site témoin. Elles ont donc de la nourriture en suffisance, mais comment l'expliquer ? Des éléments de réponse ont été fournis par les chercheurs dans une étude parue dans Nature Geoscience.
Des avalanches de boue sous-marines
La fosse des Mariannes est large et profonde, tout en étant bordée par des pentes abruptes. Cette configuration en ferait un piège à sédiments efficace. Ces derniers s'accumulent avec le temps sur les parois du site, mais leur situation est instable. Des écoulements, voire des avalanches de boue, peuvent aisément se déclencher, et par la même occasion entraîner vers le fond le pour cent de matière organique arrivé de la surface. Ainsi, la forme de la fosse permettrait de concentrer les nutrimentsnutriments, pour le plus grand plaisir de ses petits habitants.
Une fois de plus, les bactériesbactéries nous démontrent à quel point elles peuvent aisément s'adapter aux conditions de vie extrêmes.