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Les gaz de schiste ont leurs partisans, mais aussi leurs opposants. Il est vrai que leur exploitation apporte des avantages économiques, comme en témoigne la situation actuelle aux États-Unis. Cependant, de nombreuses questions restent en suspens concernant l'impact réel qu'a leur extraction sur l'environnement, notamment car elle nécessite des fracturations hydrauliques. Pour rappel, il s'agit de forer un puits vertical jusqu'à 2.000 à 3.000 m de profondeur, puis de poursuivre le forage horizontalement, avant d'injecter un liquideliquide sous pressionpression pour fissurer la roche. Cette dernière opération libère alors le gazgaz emprisonné dans l'argile.
Aux États-Unis, plusieurs cas de pollution de nappes phréatiques ont été décelés à proximité de certains puits d'extraction, tout comme des problèmes sismiques liés à l'enfouissement des eaux usées. Cependant, peu d'associations certaines ont été établies, ou alors les contaminationscontaminations ont été attribuées à des événements accidentels exceptionnels. Dans ce contexte, une nouvelle étude publiée dans la revue Pnas par Robert Jackson prend toute son importance.
Selon ce professeur de l'université de Duke (États-Unis) et ses collaborateurs, l'exploitation des gaz de schiste cause bien de réels soucis de pollution de l'eau. De fortes concentrations de méthane (CH4), éthane (C2H6) et propanepropane (C3H8) ont été décelées dans des nappes phréatiques, jusqu'à un kilomètre de certains puits exploitant ces hydrocarbures non-conventionnels de la formation de Marcellus (Pennsylvanie).
Selon la signature isotopique : c’est bien du gaz de schiste
Durant l'étude, de l'eau potable a été prélevée dans 141 puits domestiques situés à proximité d'exploitations d'extraction. Près de 115 échantillons contenaient du méthane, dont des analyses isotopiques (δ13C-CH4 et δ2H-CH4) ont précisé la provenance : les réserves gazières profondes. Inutile donc d'imputer cette pollution à la nature du sous-sol, ou à des bactéries méthanogènes. Pour être précis, les prélèvements réalisés à moins d'un kilomètre d'un forage contenaient en moyenne 6 fois plus de méthane et 25 fois plus d'éthane qu'au-delà de cette limite !
Aux États-Unis, près de 20.000 puits d'exploitation de gaz de schiste devraient voir le jour chaque année jusqu'en 2035 (selon un article paru en juillet 2012 dans Environmental Health). Cependant, jusqu'à dix puits pourraient être creusés par plateforme afin de réduire l'impact sur le territoire. © Justin Woolford, Flickr, cc ny nc sa 2.0
Une vingtaine d'échantillons ont affiché une concentration en CH4 avoisinant 10 mg/l, ce qui correspond au seuil de préoccupation des autorités américaines. Dans 12 autres cas, la teneur en méthane dans l'eau a dépassé 28 mg/l (le maximum étant de 70 mg/l), soit le seuil d'action immédiate. Par ailleurs, le propane a été détecté dans dix puits.
La fracturation hydraulique probablement hors de cause
Un point important doit être souligné à ce stade : aucun lien n'a été établi entre la technique de la fracturation hydraulique et les contaminations. En effet, elles peuvent également avoir été occasionnées par de mauvaises pratiques de forage ou des défauts dans les installations d'extraction (manque d'étanchéitéétanchéité d'un puits, etc.). C'est d'ailleurs ce que suggère un autre résultat de l'étude, puisqu'une corrélation unit les niveaux de contamination à l'âge des puits situés à proximité des sites de prélèvement : plus ils sont vieux et plus l'eau est polluée.
Deux raisons peuvent expliquer cette tendance. Premièrement, les puits d’extraction pourraient perdre en étanchéité au cours du temps, ce qui laisse présager de sérieux problèmes pour l'avenir. Deuxièmement, les puits récents pourraient être mieux conçus et plus résistants que les plus anciens. Seules des études complémentaires pourront valider l'une ou l'autre de ces hypothèses.