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Le fleuve Mackenzie s'écoule vers la mer de Beaufort dans l'océan Arctique. Avec ses 1.738 km, il représente le plus long fleuve du Canada. © GET/Emilie Beaulieu
Le dioxyde de carbone (CO2) présent dans l'atmosphère se dissout dans l'eau de pluie pour former de l'acide carboniqueacide carbonique qui, une fois en contact avec les roches, les dissout lentement. Ce carbone d'origine atmosphérique est donc capturé puis emmené par les rivières vers l'océan. Il y est piégé pendant plusieurs milliers d'années, avant de retourner vers l'atmosphère ou bien d'être stocké dans les sédiments marins.
Ce processus d'érosion chimique des roches stocke dans les rivières, puis dans les océans, environ 0,3 milliard de tonnes de carbone d'origine atmosphérique chaque année. C'est nettement moins que la production de CO2 liée aux activités humaines (environ 8 milliards de tonnes par an), mais du même ordre de grandeurordre de grandeur que le flux net d'échange entre l'atmosphère et la biosphère continentale (végétation, sol, humus...), dans les conditions préindustrielles (0,4 milliard de tonnes). Toutefois, l'altération chimique des continents n'a jamais été prise en compte jusqu'ici dans les modèles de l'évolution future du climat : ce flux supposé lent était certes reconnu comme l'un des puits majeurs de carbone à l'échelle du million d'années mais considéré comme inerte à l'échelle du siècle. Des mesures faites récemment par des chercheurs américains sur un bassin très peuplé (le Mississippi) suggéraient néanmoins que ce processus devrait jouer un rôle non négligeable même à l'échelle du siècle. Mais ce rôle restait difficile à évaluer, du fait de la forte activité agricole dans ce bassin.
Pour éliminer au maximum les impacts liés aux changements d'utilisation des sols et isoler le rôle du climat sur l'altération chimique des roches, les chercheurs du laboratoire Géosciences environnement Toulouse (GET, CNRS/IRDIRD/université Toulouse III - Paul Sabatier), en collaboration avec le Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (CNRS/CEA/UVSQ) et l'université de Bergen (Norvège), ont choisi d'étudier un des plus importants bassins arctiquesarctiques, celui du fleuve Mackenzie, situé au nord-ouest du Canada. Leurs travaux sont publiés dans la revue Nature Climate Change du mois de mars 2012.
Changement de consommation de CO2 atmosphérique (en mole par m² et par an) par altération chimique au niveau du bassin du fleuve Mackenzie (Canada) quand celui-ci croît de 355 (niveau actuel) à 560 parties par million en volume (niveau devant être atteint en 2100 ; simulation effectuée à l'aide du modèle numérique B-Witch). © Beaulieu et al., 2012
Le CO2 agit de manière directe ou indirecte sur les roches
Ils ont utilisé un premier modèle numériquemodèle numérique pour estimer l'évolution climatique future, en imposant un doublement de la quantité de CO2 dans l'atmosphère (niveau qui devrait être atteint avant 2100) : dans ces conditions, la température augmente de 1,4 à 3 °C et les précipitationsprécipitations de 7 % en moyenne sur le bassin Mackenzie. Ce climat calculé est ensuite injecté dans un second modèle capable de simuler la productivité de la biosphère et l'hydrologie dans les sols, ce qui permet finalement de calculer la dissolution chimique des minérauxminéraux.
Résultat : lorsque la quantité de CO2 atmosphérique passe de 355 parties par million en volumevolume (fin du XXe siècle) à 560 ppmv (avant 2100), le bassin Mackenzie répond en capturant 50 % de CO2 atmosphérique en plus par l'altération chimique. Quarante pour cent de cette augmentation est directement liée au changement climatiquechangement climatique (l'augmentation des températures et des pluies favorisent la dissolution des minéraux) ; les 60 % restants sont attribués au changement d'activité de la végétation. En effet, l'accroissement du CO2 atmosphérique réduit l'évapotranspiration des végétaux, ce qui augmente la circulation de l'eau dans les sols. Cette circulation accrue accélère l'altération chimique des roches.
Le réchauffement climatique s’autorégulerait ?
Les chercheurs mettent donc en évidence une forte réactivité de l'altération chimique des continents face aux changements climatiques d'origine anthropique. La consommation de CO2 atmosphérique par ce processus pourrait augmenter de 50 % avant 2100. Ce flux aurait alors une réactivité aux changements climatiques du même ordre de grandeur que le flux lié à la biosphère continentale. Au niveau du bassin Mackenzie, où les pluies auront tendance à augmenter, les rivières et les fleuves capturent davantage de carbone lorsque le climat se réchauffe et que le CO2 s'accroît dans l'atmosphère.
Cette tendance sera-t-elle identique dans des zones qui deviennent plus arides ? Compte tenu de sa forte réactivité, l'altération chimique des continents permettra-t-elle d'absorber le CO2 en excès et favorisera-t-elle un « retour à l'équilibre » plus rapide que prévu ? De nombreuses questions restent à élucider, notamment la sensibilité de ce processus aux activités humaines (modification de l'utilisation des sols, pollution atmosphérique...). Une certitude : il devient nécessaire de l'intégrer dans toute modélisation de l'évolution future du climat terrestre.