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Les castors sont connus pour leur ingéniosité, puisqu'ils aménagent leurs lieux de vie. Ces mammifères semi-aquatiques construisent notamment des barrages en bois et en boue, qui peuvent atteindre 1 m de haut pour 75 m de long. De quoi modifier profondément un écosystème. En effet, des zones humides se forment en amont des retenues d'eau, tandis que les régions en aval sont moins sujettes aux inondations. Ainsi, les castors diversifient les habitats disponibles dans les milieux qu'ils occupent, et favorisent donc l'arrivée de nouveaux organismes. Cela, tous les spécialistes le savent déjà.
En revanche, qui connaît l'impact de ces rongeurs sur le climat mondial ? Car ils en ont un, et il n'a pas toujours été négligeable. L'information vient de nous être livrée dans les Geophysical Research Letters (GRL) par Ellen Wohl, de l'université d'État du Colorado, à Fort Collins (États-Unis).
Pour faire simple, les barrages construits par les castors retiennent de l'eau, mais aussi des sédimentssédiments et de la matière organique. Elle se dégrade d'ailleurs lentement (il faut parfois jusqu'à 600 ans pour des morceaux de bois), car l'eau réduit la quantité d'oxygène qui parvient aux organismes décomposeursdécomposeurs. Ainsi, ces retenues séquestrent du carbone, évitant que du CO2, ce gaz à effet de serregaz à effet de serre, soit émis dans l'atmosphèreatmosphère. Mais l'arme est à double tranchant, car les barrages non entretenus (par exemple à cause de la disparition des mammifères ou de l'abandon du site) libèrent du carbonecarbone. Le phénomène vient d'être chiffré.
Le plus grand barrage de castors a été découvert en 2010 grâce à Google Earth (58°16'14.29"N 112°15'08.73"W). Il se trouve dans le Parc national Wood Buffalo, dans l’Alberta, au Canada, et fait 850 m de long. © BlueRidgeKitties, Flickr, cc by nc sa 2.0
Des millions de tonnes de carbone stockées grâce aux castors
Pour mener son étude à bien, Ellen Wohl s'est rendue dans le parc national des montagnes Rocheuses (Rocky Mountain National Park), où 27 cours d'eau forment un bassin versant de 700 km2. Elle a alors réalisé 29 carottagescarottages pour récolter des sédiments le long de deux des plus grosses rivières locales, dans des zones qui ont été affectées par des constructionsconstructions de rongeurs maintenant abandonnées. La première rivière possédait 148 barrages non entretenus, contre 100 pour la deuxième. La teneur en carbone des échantillons a ensuite été analysée, puis comparée avec des données récoltées précédemment sur des sites occupés.
Les sédiments bloqués en amont de barrages entretenus contiennent du carbone en moyenne à hauteur de 12 % en massemasse, principalement dans du bois, soit bien plus que les 3,3 % mesurés sur les sites abandonnés. Prenons des chiffres plus parlants. Les anciennes zones humideszones humides renfermeraient 736.000 t de carbone, soit 8 % de ce qui est contenu dans les sols du bassin versantbassin versant. Si tous les barrages étaient entretenus, elles emprisonneraient près de 2,7 millions de tonnes de carbone, soit 23 % de la quantité contenue dans les sols du bassin versant.
Certes, nous sommes loin des 36 milliards de tonnes de CO2 émises par l'Homme en 2012, mais une petite remise en contexte permet de se rendre compte de l'influence qu'ont eu les castors sur le climat par le passé. Nous connaissons les chiffres obtenus pour une surface de 700 km2. Mais avant l'arrivée des premiers Européens en Amérique du Nord, près de 400 millions de castors vivaient sur un territoire de 15 millions de km2 (ce qui représente environ 60 % du continent) ! Le rapport entre les deux surfaces considérées dépassant 20.000, il est fort probable que l'influence des castors sur le climat mondial durant l'ère préindustrielle ait été loin d'être négligeable. Précisons cependant que l'étude n'a pas tenu compte du méthane libéré par ses mammifèresmammifères.