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Depuis plusieurs années, des études sont menées un peu partout dans le monde pour concrétiser cette idée : faire disparaître profondément dans le sol une partie significative de nos émissions de carbone. La faisabilité a été démontrée depuis la mise en route, en 1996, du champ de forage de pétrolepétrole de Sleipner en mer du Nord, dans les eaux territoriales norvégiennes, exploité par Statoil. Le gazgaz extrait est exceptionnellement riche en gaz carboniquegaz carbonique. Celui-ci est séparé et injecté à un peu moins de 1.000 mètres sous le fond de la mer.
Des expériences ont eu lieu ailleurs, aux Etats-Unis et en Allemagne notamment. La récupération à la source du gaz carbonique est envisageable pour des installations industrielles, comme les cimenteries par exemple, qui sont de gros émetteurs. Sur le site de Sleipner, le système de séparationséparation du gaz carbonique occupe une tour de 20 mètres de hauteur et pèse 8.000 tonnes.
Le choix d'un bon site n'est pas facile car il doit garantir une séquestration suffisamment longue tout en étant facilement accessible. La profondeur minimale semble être de 800 mètres. On envisage les anciennes mines de charbon ou encore les gisements de pétrole inexploités, voire encore en exploitation. Cette solution a les faveurs des producteurs de pétrole car l'injection de gaz carbonique pourrait faciliter la poursuite de l'extraction de l'huile... Les couches aquifères salines (comme celle de Sleipner) constituent d'excellents sites. Ces roches perméables profondes dans lesquelles circule de l'eau salée, donc impropre à la consommation, retiendront le gaz injecté pendant des milliers d'années. La plupart des sites étudiés se trouvent sur des continents. Mais pourquoi pas sous la mer ?
Aux Etats-Unis, où la solution de l'enfouissement est encouragée (elle l'est aussi par le Giec), les recherches vont bon train et c'est dans ce cadre que David Goldberg, Taro Takahashi et Angela L. Slagle, du Lamont-Doherty Earth Observatory (université de ColumbiaColumbia, New York), sont allés tester le fond de la mer, au large de l'Oregon, dans l'océan Pacifique. Leurs résultats viennent d'être publiés dans les comptes rendus de l'Académie des sciences (Pnas, Proceedings of the National Academy of Sciences).
Blocs de basalte reposant sur le fond de l'océan. Cette roche vitrifiée provient de la solidifiation de magma. L'image a été prise à 2.200 mètres de profondeur, le 2 septembre 2004, par le sous-Marin Alvin (mission AT 11-16). © The Alvin Frame-Grabber System
L'équipe a étudié des carottescarottes de forages réalisés jusqu'à plusieurs centaines de mètres sous le fond de l'océan, à 2.700 mètres sous la surface. La zone choisie est la petite plaque Juan de Fuca, de 70.000 kilomètres carrés, qui, comme ses voisines, s'enfonce doucement par subductionsubduction sous le continent américain. Le socle rocheux, recouvert d'une couche de sédimentssédiments de 200 mètres seulement, est constitué de basalte. Cette roche se forme quand le magmamagma liquideliquide sort des profondeurs et se solidifie au contact de l'eau froide.
Injecté sous pressionpression, sous forme liquide, le gaz carbonique se répandrait dans les multiples pores et fissures que les géologuesgéologues ont mis en évidence. Par contact avec les matériaux incorporés dans le basaltebasalte, il se transformerait en carbonate de calciumcarbonate de calcium (la craiecraie), de magnésiummagnésium et de ferfer. Au total, affirment les chercheurs, cette plaque pourrait accueillir 250 milliards de tonnes de CO2, soit 120 ans d'émissionsémissions pour les Etats-Unis. La séquestration devrait se mesurer en siècles. Dans 500 ans, la zone étudiée s'enfoncera sous la plaque continentale.
Le stockage est donc possible mais il reste la question du coût. Le gaz carbonique doit d'abord être prélevé à la source, puis transporté sur de longues distances puis enfouis dans des installations qui ressembleront aux sites de forage actuels.
David Goldberg balaie l'argument. « Les Etats-Unis dépensent 40 millions de dollars par an pour étudier l'enfouissement de gaz carbonique. C'est à peu près ce qu'a rapporté la première journée du film Le monde de Nemo. Nous devons désormais changer de stratégie et pousser l'exploration au-delà des côtes... »