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Le bassin amazonien a subi plusieurs sécheresses qualifiées de sévères en quelques années, notamment en 2005 et 2010. Ce deuxième épisode a été particulièrement bien étudié par Gregory Asner de la Carnegie Institution for Science (États-Unis). Selon lui, environ 3 millions de km2 de forêt auraient manqué d'eau cette année-là, ce qui causa la mort de nombreux arbres. Bien que ce chiffre soit impressionnant, c'est une autre information dévoilée par ce chercheur qui nous intéresse aujourd'hui : avant même la sécheresse de 2010, la forêt amazonienne comptait déjà 4 % d'arbres morts, soit bien plus que la norme pour ce milieu (1 %). Comment l'expliquer ?
La réponse vient peut-être d'être fournie dans la revue Pnas par Sassan Saatchi du California Institute of Technology. Son équipe pourrait par la même occasion mettre fin à un long débat sur les dégâts provoqués par l'épisode sec de 2005. Les discussions auraient démarré en 2007, quand des chercheurs ont affirmé que le manque d'eau avait provoqué un verdissement du bassin amazonien à la suite d'une augmentation de l'activité photosynthétique des arbres. Problème : d'autres scientifiques utilisant les mêmes données ne sont pas parvenus à la même conclusion en 2009.
Ces équipes ont analysé la lumièrelumière solaire réfléchie par la canopée, et mesurée par satellite, pour tirer leurs conclusions. Or, les signaux enregistrés depuis l'espace ont pu être altérés par les nuages et les aérosols en suspension dans l'atmosphèreatmosphère. Pour s'affranchir de ce problème, Sassan Saatchi a lui aussi choisi de travailler sur des données satellitaires, mais en exploitant des micro-ondes dont la propagation n'est pas affectée par la présence des nuages. Dorénavant, il n'y a plus aucun doute : la forêt amazonienne a fortement souffert en 2005. Elle ne s'en était d'ailleurs pas encore remise en 2010 quand la nouvelle sécheresse, plus grave encore que la précédente, est survenue.
Le satellite QuickScat a été lancé le 19 juin 1999. Il fonctionna plus de 10 ans, au lieu des deux à trois années prévues, avant de devenir inopérant le 23 novembre 2009. Ses sondes devaient avant tout permettre d'étudier les vents à la surface de la Terre. © Nasa, JPL
Une zone touchée grande comme 1,27 fois la France
Les micro-ondes émises par le SoleilSoleil (réfléchies par la forêt) ont été détectées par des instruments du satellite QuickScat. Deux facteurs ont été étudiés précisément grâce à leur exploitation : la quantité des précipitations et la structure de la canopée. Lorsqu'elle est homogène, cette dernière réfléchit un signal « lisse ». En revanche, la présence de boisbois morts, le dessèchement de la végétation et la disparition d’arbres renvoient plutôt des signaux « rugueux ».
Les données temporelles exploitées ont été récoltées avant et après l'épisode de sécheresse de 2005. Environ 70 millions d'hectares de forêt situés dans l'ouest du bassin amazonien auraient souffert d'un sévère manque d'eau cette année-là, ce qui a causé la mort de nombreux arbres. Les niveaux d'humidité sont revenus à la normale dès 2006. Cependant, la biomassebiomasse de la zone touchée n'avait toujours pas retrouvé son niveau de 2004 en 2009... lorsque les outils de mesure du satellite ont cessé de fonctionner. Les résultats de Gregory Asner ont depuis montré que la situation n'était pas revenue à la normale avant 2010 et la nouvelle pénurie d'eau.
Le devenir de l’Amazonie pose d'ores et déjà question. Selon l'avis de nombreux spécialistes, les épisodes de sécheresse risquent de survenir plus fréquemment à l'avenir, notamment à la suite du réchauffement climatiqueréchauffement climatique observé. Or, la forêt pourrait ne pas avoir le temps de récupérer à chaque fois, surtout si ces événements ont lieu tous les cinq à dix ans. Ses bords se transformeront alors progressivement en milieux plus secs, probablement au détriment de la vie qu'ils abritent pour le moment. Cet écosystème pourrait donc être en danger. Pour approfondir la question, Sassan Saatchi espère avoir bientôt accès aux données récoltées depuis 2010 par le satellite indien Oceansat-2.