Le radiotélescope Lofar a permis pour la première fois de découvrir une exoplanète autour d'une naine rouge en utilisant une nouvelle méthode de détection. Elle est basée sur les analogues des émissions aurorales produites par Io en orbite autour de Jupiter.


au sommaire


    Pour s'aider dans sa quête d'une vie ailleurs dans la Voie lactée afin de mieux comprendre sa place et son destin dans le cosmoscosmos observable, l'Humanité dispose essentiellement de deux méthodes principales pour détecter et étudier des exoplanètes, celle des transits planétairestransits planétaires, qu'utilise par exemple la mission Tess dans l'espace, et celle des vitesses radiales que l'on peut mettre en œuvre avec un spectrographe comme Espresso (Echelle Spectrograph for Rocky Exoplanet- and Stable Spectroscopic Observations, soit en français « Spectrographe échelle pour l'observation de planètes rocheusesplanètes rocheuses et des observations spectroscopiques stables ») qui équipe le VLT.

    Ces deux méthodes ont leurs avantages et leurs limites tout comme celle qui consiste à découvrir et étudier des exoplanètes par imagerie directe, par exemple Bêta Pictoris b dont les mouvements ont même été filmés avec l'instrument Gemini Planet Imager du télescopetélescope Gemini South au Chili, comme nous l'avait expliqué Franck Marchis de l'Institut Seti.

    Une nouvelle méthode prometteuse est en train d'émerger sous nos yeuxyeux comme vient de le prouver une équipe internationale, comprenant un astronomeastronome de l'Observatoire de Paris - PSL, qui vient de publier un article dans Nature Astronomy. Elle y annonce la première détection dans le domaine radio des émissionsémissions aurorales associées à des interactions électromagnétiques entre une exoplanète et son étoileétoile hôte, GJ1151, une naine rouge de type M située à environ 26 années-lumièreannées-lumière du SoleilSoleil dans la constellation de la Grande Ourseconstellation de la Grande Ourse, et ce grâce au radiotélescope Lofar. Ce phénomène qui est l'analogue des émissions aurorales terrestres et des planètes géantes du Système solaire avait été prédit depuis presque trente ans. Futura en avait déjà parlé (voir l'article ci-dessous), expliquant déjà son potentiel pour la détection des exoplanètes.


    Une vidéo expliquant les émissions aurorales associées à une exoplanète en prenant le cas des émissions produites par Io dans la magnétosphère de Jupiter. La découverte a été faite par une équipe menée par des astronomes des Pays-Bas utilisant le radiotélescope Low Frequency Array (Lofar). Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © AstronNL

    Les émissions aurorales de Io et Jupiter prises comme modèle

    La méthode est particulièrement intéressante pour faire progresser l'exobiologieexobiologie autour des naines rougesnaines rouges. Comme l'astrophysicien Franck Selsis, membre du CNRS et du Laboratoire d'astrophysique de Bordeaux (LAB), vient de l’expliquer à Futura, les naines rouges sont les étoiles les plus nombreuses dans la Voie lactée et l'on sait qu'elles possèdent des exoplanètes rocheuses dont la question de l'habitabilité se pose en liaison avec l'activité magnétique des naines rouges.

    Comme ces étoiles sont moins lumineuses que le Soleil, des exoterresexoterres potentielles en sont particulièrement proches et les interactions magnétiques entre ces exoplanètes et leurs étoiles hôtes sont donc plus fortes que celles entre le Soleil et la Terre, ou encore JupiterJupiter et SaturneSaturne.

    Toute la question est de savoir à quel point l'intense activité magnétique des naines rouges peut impacter le développement de la Vie sur les exoplanètes potentiellement habitables, notamment en érodant leurs atmosphèresatmosphères et les réserves en eau.

    Pour tout à la fois détecter des exoplanètes potentiellement habitables autour de naines rouges et étudier leurs interactions magnétiques avec leurs étoiles, il est donc judicieux de mettre à profit l'idée qu'il doit se produire l'équivalent des émissions aurorales dans le domaine radio produites par un cas que l'on connaît assez bien maintenant, celui de IoIo en mouvementmouvement dans la magnétosphèremagnétosphère de Jupiter. C'est bien ce qu'ont fait les astrophysiciensastrophysiciens dans le cas de la naine rouge GJ1151 où ils ont pu montrer que les émissions radio bien spécifiques attendues étaient présentes.

    Pour comprendre de quoi il en retourne, il faut se souvenir que Io est volcanique et éjecte d'importantes quantités de matériaux qui vont se retrouver sous forme d'ionsions de soufresoufre, d'oxygèneoxygène et de sodiumsodium dans sa ionosphèreionosphère avec les électronsélectrons les accompagnant. La théorie de la relativité restreinterelativité restreinte nous apprend que les ions et les électrons dans l'ionosphère de Io vont ressentir des champs électriqueschamps électriques du fait du mouvement de Io dans la magnétosphère de Jupiter. Les électrons vont alors être accélérés et se mettre à effectuer des mouvements en spirale autour des lignes de champs magnétiqueschamps magnétiques menant aux pôles de Jupiter, émettant des ondes radio et y provoquant des aurores polairesaurores polaires comparables à celles que l'on connaît sur Terre.

    Comme on l'a dit, une théorie bien précise des émissions produites existe et peut être transposée au cas des exoplanètes en orbiteorbite autour des naines rouges. Le spectre d'émissionspectre d'émission produit s'accorde très bien aux observations, mais pour consolider l'affirmation qu'il y a bien une exoplanète autour de GJ1151, et pas une autre étoile naineétoile naine, les astronomes ont fait des observations par la méthode des vitesses radialesméthode des vitesses radiales à l'aide de l'instrument HARPS-N (High Accuracy Radial Velocity Planet Searcher) sur le Telescopio Nazionale GalileoGalileo italien à La Palma, en Espagne. Le scénario faisant de GJ1151 une étoile binairebinaire en est sorti très défavorisé, les chercheurs pensent même que l'exoplanète détectée pourrait avoir une taille comparable à celle de la Terre.

    Comme l'explique Harish Vedantham du Netherlands Institute for Radio Astronomy (Astron), l'auteur principal de l'article paru dans Nature Astronomy : « Le but à long terme est de déterminer quel est l'impact de l'activité magnétique d'une l'étoile sur l'habitabilité d'une exoplanète, et les émissions radio sont un gros morceau de ce puzzle. Notre travail a montré que cela est possible avec la nouvelle génération de radiotélescopesradiotélescopes et il nous met sur une voie passionnante ».

    Des aurores polaires avec des ondes radio hectométriques

    Ces images d'aurores sur Jupiter (vues en ultraviolet), superposées à une photo en lumière visible de l'ensemble de la planète, ont été prises par Hubble. Ces aurores sont liées aux interactions entre Jupiter et le vent solaire, mais aussi à l'interaction de son champ magnétique avec sa lune Io, entourée d'une ionosphère conductrice d'électricité. © Nasa
    Ces images d'aurores sur Jupiter (vues en ultraviolet), superposées à une photo en lumière visible de l'ensemble de la planète, ont été prises par Hubble. Ces aurores sont liées aux interactions entre Jupiter et le vent solaire, mais aussi à l'interaction de son champ magnétique avec sa lune Io, entourée d'une ionosphère conductrice d'électricité. © Nasa

    Pour la petite histoire, c'est en 1955 que Bernard Burke et Kenneth Franklin, membres du fameux Carnegie Institute à Washington, ont découvert que Jupiter était une source puissante d'ondes radio dans le domaine décamétrique. Une découverte rapidement interprétée comme une preuve de l'existence d'une magnétosphère autour de Jupiter, où circulent des électrons. Cette hypothèse est ensuite confirmée dans les années 1970, avec les mesures in situ des sondes Pioneer 10 et 11, et bien sûr par Voyager 1 et Voyager 2Voyager 2. Il faudra attendre 1979 pour que Linda Morabito découvre des preuves de l'existence d'un volcanismevolcanisme sur Io, l'une des luneslunes de Jupiter, grâce aux observations de Voyager 1. Ce volcanisme, découlant d'effets de maréemarée, avait été prédit théoriquement.

    L'atmosphère et l'ionosphère de Io la volcanique

    Les missions Pioneer et Voyager ont non seulement permis d'étudier la magnétosphère de Jupiter mais aussi l'atmosphère et l'ionosphère de Io montrant que l'atmosphère de Io est composée à 90 % de dioxyde de soufre, produit essentiellement par des éruptions volcaniqueséruptions volcaniques.

    Io, la Lune de Jupiter, a été observée de près une première fois par une sonde Voyager. Ici, c'est une image prise par Galileo. © Nasa
    Io, la Lune de Jupiter, a été observée de près une première fois par une sonde Voyager. Ici, c'est une image prise par Galileo. © Nasa

    L'ionosphère de Io est constituée d'ions de soufre, d'oxygène et de sodium. Elle est située à 700 kilomètres de hauteur et est constamment renouvelée par l'activité volcanique, ce qui maintient son existence. En effet, Io fonçant à travers la magnétosphère de Jupiter, les lois de l'électromagnétismeélectromagnétisme imposent que cela génère des courants électriquescourants électriques, qui entraînent au loin ces ions provenant de Io, à un taux d'une tonne par seconde. Un tore de plasma, détecté vers le milieu des années 1970, se forme ainsi autour de Jupiter. Sans des éruptions fréquentes sur Io, ce tore disparaîtrait.

    Une image rapprochée de Io prise par la sonde Galileo en 2000. Elle montre une éruption à Tvashtar Catena, une chaîne de cuvettes volcaniques. © Nasa
    Une image rapprochée de Io prise par la sonde Galileo en 2000. Elle montre une éruption à Tvashtar Catena, une chaîne de cuvettes volcaniques. © Nasa

    On sait donc depuis un certain temps qu'une partie des ions arrachés à Io se retrouve aux pôles de Jupiter et que des interactions électrodynamiques complexes entre Io, le tore de plasma et Jupiter y créent des aurores polaires.


    Une présentation de Lofar. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © AstronNL

    Pour trouver des exoplanètes, cherchons les aurores polaires !

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 21/06/2011

    Des géantes gazeusesgéantes gazeuses sur des orbites comparables à celles de Jupiter et Saturne trahiraient leur présence à l'occasion des aurores polaires émettrices d'ondes radio. En bonus, ce serait le moyen de découvrir des systèmes planétaires ressemblant au nôtre.

    On peut raisonnablement penser que l'un des moyens les plus rapides pour découvrir une exoterre abritant de la vie serait de détecter d'abord des systèmes planétaires très semblables au Système solaireSystème solaire. Mais les perturbations d'exoplanètes ressemblant beaucoup à la Terre ne seraient guère importantes. Il serait donc difficile de la détecter par la méthode des vitesses radiales. La méthode du transit offre une meilleure perspective, mais il faut pouvoir surprendre un transit dont la périodicité est d'une année environ et ce au moins trois fois de suite pour pouvoir affirmer avoir fait une découverte.

    Si l'on veut s'assurer que le système d'exoplanètes présumé ressemble bien au nôtre, avec des géantes gazeuses de massesmasses et de distances à leur étoile hôte comparables à celles de Jupiter et Saturne, les problèmes précédents deviennent encore plus complexes. Rappelons que Jupiter et Saturne bouclent leurs orbites en douze et trente ans respectivement. Bien sûr, si un tel système était vraiment proche du Soleil, on pourrait faire sa détection directement par la méthode de l'imagerie lorsque l'on disposerait d'outils suffisamment puissants.

    Cette image de Jupiter en ultraviolet a été prise avec le télescope spatial Hubble et son spectrographe imageur (Stis) le 26 novembre 1998. Elle montre une aurore polaire. © Nasa
    Cette image de Jupiter en ultraviolet a été prise avec le télescope spatial Hubble et son spectrographe imageur (Stis) le 26 novembre 1998. Elle montre une aurore polaire. © Nasa

    Jonathan Nichols, de l'Université de Leicester, a publié il y a quelque temps sur Arxiv (un lien est donné en bas de cet article) un article examinant de plus près une proposition faite par d'autres astronomes depuis une dizaine d'années. On pourrait détecter des systèmes planétaires proches ressemblant au nôtre en utilisant des radiotélescopes.

    Une chasse aux aurores polaires

    L'idée est ingénieuse. Elle exploite le fait que lorsque des gazgaz ionisés s'échappant d'une lune, comme Io et Encelade dans notre Système solaire, sont injectés dans la magnétosphère et l'ionosphère d'une géante autour de laquelle elle orbite, il se produit des émissions radio à l'occasion des aurores polaires.

    Nichols a étudié plus précisément ces émissions avec des géantes gazeuses orbitant entre 1 et 50 unités astronomiquesunités astronomiques autour d'étoiles brillantes dans le domaine des ultravioletsultraviolets. Il a considéré différents régimes de rotation de la lune autour de la géante, de transfert de plasma entre les deux astresastres et enfin de brillance des étoiles. Sa conclusion est que les émissions radio des aurores devraient être détectables sur Terre avec un radiotélescope comme Lofar et ce pour des étoiles se situant à moins de 150 années-lumière de la Terre. S'il a raison, il s'agit donc d'un nouvel outil pour détecter des exoplanètes et surtout, ce qui est plus important pour l'exobiologie, pour détecter un système planétaire susceptible d'abriter une exoterre.