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Chaï est content. Il a une main de super-héros. Il en a lui-même choisi les couleurscouleurs : le noir et le jaune, comme Batman. Chaï est né six ans plus tôt, sans main droite, pour cause « d'agénésie », comme 450 enfants en France, chaque année, chez qui un membre s'est incomplètement développé. Pour eux, les prothèsesprothèses motorisées, sophistiquées, ne sont pas indiquées car elles sont extrêmement coûteuses, alors qu'il faudrait les changer régulièrement au fil de la croissance. Restent les modèles en cire ou en plastiqueplastique, qui ne sont là que pour l'esthétique.
Depuis plusieurs années, l'impression 3D, ou « fabrication additive », a tout changé et il est possible de réaliser des objets de toutes formes assez facilement, sans machine-outil. En cherchant une utilité à l'imprimante qu'il venait d'acheter, en 2014, Thierry Oquidam est tombé sur l'action d'une association américaine, Enabling the future, qui, depuis 2013, propose en open source les plans de prothèses de main très simples, à confectionner soi-même. Avec du plastique, une imprimante 3D et du fil de pêchepêche, il est possible de fabriquer une prothèse mécanique, sans moteur, avec les doigts qui se referment (tous ensemble) quand on plie le bras, le tout pour moins de 50 euros.
Alexis et sa nouvelle main. © E-nable France
E-nable France, une association pour des prothèses gratuites
« L'idée est de mettre en relation les familles et les makers, propriétaires d'imprimantes qui sont prêts à fabriquer bénévolement ces prothèses, nous explique Thierry Oquidam. J'ai créé une association à loi 1901, E-nable France, pour avoir des facilités, gérer plus facilement les dons, par exemple. Cela nous a permis aussi d'obtenir un statut d'association d'intérêt général en 2016, si bien que les dons sont déductibles ». À 98 %, les « clients » sont des enfants, victimes d'une agénésie ou d'un accidentaccident.
“On attire les regards avec une main de super-héros.”
Les adultes se tournent plus facilement vers des prothèses motorisées. Pour des enfants qui grandissent, une mécanique bon marché, qu'on peut réparer quand elle est cassée ou trop petite et qui peut prendre toutes les couleurs a de quoi changer la vie. C'est fonctionnellement une pince, « mais c'est surtout un objet social qui change le regard des autres, par exemple quand on va à l'école pour la première fois et qu'on attire les regards avec une main de super-héros ». Avec une main, on peut serrer celle du copain pour dire bonjour et on peut compter sur ses doigts.
Le phénomène est mondial. « Aujourd'hui, il y a environ 15.000 makers dans le monde », le plus souvent des particuliers et parfois des petites entreprises. Tous travaillent gratuitement et offrent la prothèse, réalisée sur mesure. En France, les dons serviront à acquérir des imprimantes de plus grande taille. « Avec les petits modèles classiques, les plateaux font 20 cm de côté. On peut faire une main mais pas un bras. Il faut 30 cm et ces machines-là sont plus onéreuses et encombrantes. Notre idée est d'offrir en prêt une imprimante avec un grand plateau à un maker dans chaque région. En contrepartie, il s'engagerait à fabriquer des prothèses de bras pour son territoire. »
Ces bras et ces mains de plastique font partie des initiatives inscrites au Handi Tech Trophy 2017, un grand concours de start-up engagées dans la solidarité qui remettra ses récompenses le 13 novembre prochain à Paris, pour la Semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées.