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Comment des molécules organiques ont-elles pu apparaître sur Terre ? Sont-elles nées dans l'atmosphèreatmosphère terrestre ? au cœur des sources hydrothermales ?
Quelles étaient les sources des molécules organiques ? Ici, geyser en éruption. © Thomas Ormston, CC by-nc 2.0
Formation de formaldéhyde et d'acide cyanhydrique
Les formes de carbone les plus simples capables de produire des molécules organiques sont gazeuses :
- dioxyde de carbonedioxyde de carbone (CO2) et monoxyde de carbonemonoxyde de carbone (CO) pour les formes oxydées ;
- méthane (CH4) pour la forme réduite.
Le travail de reconstitution des molécules prébiotiquesprébiotiques consiste à rechercher des milieux où les dérivés gazeux du carbone comme le monoxyde de carbone (CO), le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4) peuvent réagir avec d'autres molécules simples comme l'hydrogène, l'ammoniac, l'eau pour former :
- le formaldéhyde (le formol) ;
- l'acide cyanhydriqueacide cyanhydrique (un poison violent).
Ces molécules sont en effet susceptibles de conduire à une multitude de molécules organiques prébiotiques comme les acides aminésacides aminés, par exemple.
Les acides aminés ont pu se former par réaction entre des dérivés gazeux du carbone et des molécules simples. © DR
Quand on pense molécules gazeuses, on pense tout naturellement à l'atmosphère terrestre. L'idée de composés chimiques fabriqués dans l'atmosphère terrestre fut d'abord émise par le biochimistebiochimiste russe Alexandre Oparin en 1924, puis par l'Anglais John Haldane, en 1929, indépendamment d'Oparin.
Les molécules organiques sont-elles nées de l'atmosphère terrestre ? © DR
L'expérience de Miller et la synthèse d'acides aminés
Oparin pensait que l'atmosphère primitive était dominée par le méthane (CH4), une forme réduite du carbone, alors que pour Haldane, les molécules organiques se seraient formées à partir de dioxyde de carbone (CO2), une forme oxydée du carbone. L'hypothèse d'Oparin se trouva confortée en 1953 par l'expérience remarquable du chimiste américain Stanley Miller (Miller, 1953), appelée depuis « expérience de Millerexpérience de Miller ».
Stanley Miller a conforté l'hypothèse de composés chimiques formés dans l'atmosphère terrestre dominée par le méthane. © DR
Ce dernier obtint quatre acides aminés (les briques des protéinesprotéines) en soumettant un mélange gazeux de méthane, d'hydrogène, d'ammoniac et d'eau à des décharges électriques. Il identifia également :
- l'acide cyanhydrique ;
- le formaldéhyde.
Ces molécules permettent d'accéder à la plupart des briques du vivant dans des conditions simples. Stanley Miller fut le premier à réaliser la synthèse d'acides aminés à partir d'un mélange de gazgaz et de décharges électriques avec la volonté délibérée de mimer l'origine de la vie.
Walther Löb et la synthèse de la glycine
Il est intéressant de noter que Walther Löb (1872-1916) décrivit dès 1913 la synthèse d'un acide aminé simple, la glycineglycine, en soumettant un mélange de dioxyde de carbone, d'ammoniac et de vapeur d'eau à des décharges électriques dans un article intitulé Über das Verhalten des Formamids unter der Wirkung des stillen Entladung : ein Beitrag zur Frage des Stickstoff-Assimilation publié dans la revue allemande Berichte. Löb ne se préoccupait pas d'origine de la vie mais cherchait à comprendre l'assimilation de l'azoteazote atmosphérique par les plantes. Cet article passa quasiment inaperçu et reste encore largement méconnu aujourd'hui.
Les sources hydrothermales à l'origine de la vie ?
Depuis l'expérience de Miller, 17 des 20 acides aminés utilisés aujourd'hui par les protéines ont été isolés ainsi que certains éléments constitutifs des acides nucléiquesacides nucléiques. Cependant, les géochimistes privilégient aujourd'hui une atmosphère terrestre primitive riche en dioxyde de carbone (CO2), à l'instar de celles de VénusVénus et de Mars. Dans de tels mélanges gazeux, la fabrication des acides aminés est très faible. D'autres filières ont donc dû contribuer à la production de pièces d'automatesautomates chimiques, filières océanique et spatiale (à propos de la filière spatiale, voir page suivante de ce dossier à propos des météoritesmétéorites).
Les sources hydrothermalessources hydrothermales sous-marines présentent un environnement favorable aux synthèses prébiotiques. Lorsque deux plaques tectoniquesplaques tectoniques s'écartent, le magmamagma remonte et se solidifie pour former les dorsales océaniquesdorsales océaniques, véritables chaînes de montagne sous la mer. Au cours de son ascension et de son refroidissement, le magma se contracte et se fissure.
Les plaques tectoniques sont propices à l'apparition de molécules organiques. © DR
L'eau de mer s'infiltre sur plusieurs centaines de mètres de profondeur et se réchauffe au contact du basaltebasalte chaud jusqu'à atteindre des températures de 350 °C. L'eau se charge en gaz, hydrogène, azote, oxyde de carbone, dioxyde de carbone, méthane, anhydrideanhydride sulfureux, hydrogène sulfuréhydrogène sulfuré, puis s'échappe du fond de l'océan sous forme de véritables geysersgeysers.
Les sources hydrothermales sous-marines constituent un milieu exceptionnel qui a peu évolué depuis quatre milliards d'années. Les éléments indispensables à la fabrication des pièces d'automates chimiques y sont présents :
- hydrogène ;
- azote ;
- monoxyde de carbone ;
- dioxyde de carbone ;
- hydrogène sulfuré ;
- méthane ;
- et, bien sûr, eau.
Les sources hydrothermales sont peut-être à l'origine de la vie sur Terre. © DR
Le magma fournit en continu l'énergieénergie nécessaire sous forme de chaleurchaleur. Le milieu est protégé des effets destructeurs des rayons ultravioletsultraviolets par la couche d'eau océanique qui amortit également le bombardement météoritique.
Par exemple, les gaz qui s'échappent du système hydrothermal de Rainbow, sur la dorsale océanique au large des Açores, renferment 45 % d'hydrogène et 43 % de monoxyde de carbone, une situation propice à la formation d'hydrocarbureshydrocarbures par la réaction de Fischer-Tropsch. Effectivement, des hydrocarbures comprenant entre 16 et 29 atomesatomes de carbone ont été détectés dans ces fluides (Holm et Charlou, 2001).