Du côté du pôle nord de Saturne, la mission Voyager a révélé un mystérieux hexagone. Une tempête d’apparence totalement inédite. Et depuis, les chercheurs tentent de comprendre comment elle a pu se former. De nouveaux travaux semblent enfin apporter une piste.
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Depuis l'Antiquité, SaturneSaturne attire les regards. Pour son système d'anneaux, d'abord (connu depuis la Renaissance). Puis pour son atmosphèreatmosphère tellement différente de celle de notre Terre. Et plus récemment, pour une tempêtetempête des plus insolites. Comme il n'en existe nulle part ailleurs. Une tempête de forme hexagonale découverte dans les années 1980 du côté du pôle nord de la planète géante par la mission Voyager. Une tempête de plus de 32.000 kilomètres de diamètre, bordées par des ventsvents qui soufflent à plus de 480 km/h.
Des années maintenant que les chercheurs butent sur la question du comment un tel vortex a pu voir le jour. Des physiciens de l’université de Harvard (États-Unis) pensent aujourd'hui être en mesure de proposer un début de réponse. Grâce à un modèle de simulation 3D de l'atmosphère de Saturne.
Au point de départpoint de départ : des écoulements atmosphériques profonds qui créent à la fois de grands et de petits tourbillonstourbillons. Des cyclonescyclones. Ceux-ci entourent un courant horizontal plus large qui souffle vers l'est près du pôle nord de Saturne. Un courant qui, lui-même, se compose de plusieurs tempêtes plus modestes. Toutes ces petites tempêtes interagissent avec le système plus vaste, confinent le courant du côté du pôle et déforment les flux en hexagone.
Une modélisation montre comment de petites tempêtes sur Saturne interagissent avec un flux atmosphérique plus large pour former un système de forme polygonale. © Université de Harvard
Une auto-organisation turbulente
« Imaginez un grand élastique et un tas de plus petits élastiques autour de lui. Pressez maintenant le tout depuis l'extérieur. Le grand élastique se comprime et forme un motif à côtés. Tout comme la pression des petites tempêtes de Saturne modèlent le grand courant atmosphérique pour lui donner une forme hexagonale », explique Rakesh Yadav, chercheur, dans un communiqué de l’université de Harvard.
Selon le modèle développé par les chercheurs, la tempête hexagonale de Saturne prend forme à des milliers de kilomètres de profondeur. Leur simulation -- qui s'arrête aux couches externes de l'atmosphère -- montre très bien qu'un phénomène de convection thermique -- du même genre que celui qui donne naissance aux tornadestornades et aux ouragansouragans sur Terre -- profond peut être à l'origine des flux atmosphériques qui vont permettre non seulement à une telle formation d'apparaître, mais aussi de se maintenir depuis près de 40 ans maintenant. « Un exemple frappant d'auto-organisation turbulente », commentent les physiciensphysiciens.
Seul bémol : le modèle des chercheurs de l'université de Harvard produit une tempête sous la forme d'un polygone à neuf côtés... et pas d'un hexagone ! Ainsi, même si la preuve de concept est bien là, peut-être faudra-t-il encore injecter davantage de données et affiner le modèle pour confirmer la théorie d'une formation profonde de cette tempête insolite.
L'étonnant hexagone au pôle nord de Saturne imagé par Cassini
Dans le cadre de sa « mission du solstice », la sonde spatiale Cassini livre quantité de données sur la surprenante structure hexagonale large de 30.000 kilomètres centrée sur le pôle nord de Saturne. Les images en fausse couleur éclairent les chercheurs sur la dynamique et la nature du phénomène, qui ne sont pas sans rappeler le processus qui crée périodiquement le trou dans la couche d'ozonetrou dans la couche d'ozone observé au-dessus du pôle Sud terrestre.
Article de Xavier DemeersmanXavier Demeersman paru le 11/12/2013
Depuis son arrivée dans le petit royaume de Saturne au cours de l'été 2004, la sonde spatiale Cassini fournit aux astronomesastronomes des piles de données sur la planète gazeuseplanète gazeuse, son système de satellites naturels et sa multitude d'anneaux. On ne compte plus les images extraordinaires de ces mondes situés à plus d'un milliard et demi de kilomètres de la Terre, visités pour la première fois par les missions Pioneer 11 (1979) puis Voyager 1Voyager 1 et 2 (1980 et 1981). Dotée des technologies à la pointe au milieu des années 1990, Cassini est l'une des explorations les plus ambitieuses et coûteuses de l'ère spatiale. Elle fut nommée en l'honneur de l'illustre astronome Jean-Dominique CassiniJean-Dominique Cassini (1625-1712), et rappelons qu'elle est également désignée sous le nom de « mission du solstice ».
Avec un axe de rotation incliné à 26,73°, la planète géante aux anneaux connaît un cycle de saisonssaisons de sept à huit ans chacune (la période orbitalepériode orbitale de Saturne est de 29 ans et 165 jours). De fait, le vaisseau Cassini a pu suivre progressivement, courant 2009, le passage à l'équinoxeéquinoxe dans les deux hémisphères. Naturellement, les changements de température et d'éclairage en surface se traduisent par de remarquables bouleversements météorologiques, à l'instar de la grande tempête observée en 2011 ou l'étonnante structure hexagonale qui coiffe le pôle nord jusqu'à 70° de latitudelatitude.
Les chercheurs profitent depuis quelques mois d'un point de vue très favorable pour étudier cet hexagone, découvert lors des survolssurvols des sondes Voyager et régulièrement photographiée par les instruments haute résolutionrésolution de Cassini. En effet, le SoleilSoleil commence à éclairer sa partie centrale. Large d'environ 30.000 km, la structure présente six faces composées de courants-jets avec des vents déferlant à plus de 320 km/h. L'ensemble est gouverné par une puissante tempête en rotation centrée sur le pôle. Contrairement à ce qui se passe sur Terre, où un ouragan peut faire ragerage durant une semaine, sur Saturne, « cela peut durer des décennies -- et qui sait -- peut-être des siècles », raconte Andrew Ingersoll de l'équipe d'imagerie de la sonde spatiale (California Institute of Technology, Caltech). Pour expliquer une telle longévité, les scientifiques estiment que l'absence de reliefs sur cette planète exclusivement gazeuse assure à la structure un développement sans frein.
Hegaxone au pôle nord de Saturne et parallèle avec le trou d’ozone
Les images en fausses couleurs mettent singulièrement en lumièrelumière la densité des particules qui circulent à l'intérieur. Elles révèlent une séparationséparation nette avec les courants extérieurs. Un dispositif qui n'est pas sans rappeler aux chercheurs le trou d’ozone qui se déploie et se rétracte au-dessus de l'AntarctiqueAntarctique au rythme des saisons. Ainsi, quand le froid de l'hiverhiver s'installe, des réactions chimiquesréactions chimiques favorisent la destruction du précieux ozone. Les quantités diminuent alors inexorablement, et il n'est plus possible de réapprovisionner la région, car les moléculesmolécules situées à l'extérieur sont bloquées par les courants-jetscourants-jets.
Il semble que la même combinaison d'événements soit à l'œuvre sur Saturne et barre actuellement la route aux aérosols les plus gros à l'extérieur, lesquels se sont développés avec le réchauffement de la haute atmosphère.
« Maintenant que nous approchons du solstice d'étésolstice d'été de Saturne en 2017, les conditions d'éclairage au-dessus de son pôle nord continuent de s'améliorer », s'enthousiasme Scott Edgington, l'adjoint au projet scientifique de Cassini au Jet Propulsion LaboratoryJet Propulsion Laboratory (JPL). « Nous sommes ravis de suivre les changements qui se produisent à la fois à l'intérieur et à l'extérieur des limites de l'hexagone ». Jusqu'en 2017, souhaitons que la mission Cassini soit en capacité de poursuivre son exploration des mondes de Saturne encore quelques années.