Dans l'état actuel des connaissances, jamais un Homo sapiens ne pourra faire le tour de la Voie lactée. Mais des chercheurs continuent à vouloir faire mentir cette prédiction en explorant des spéculations sur des trous de ver traversables ouvrant la voie aux voyages interstellaires transluminiques.


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    À la fin des années 1990, la seconde révolution des supercordes à laquelle Brian Greene avait participé laissait penser qu'il était très raisonnable d'espérer voir des effets de gravitation quantiquegravitation quantique aux énergies accessibles au LHC, peu de temps après son entrée dans le régime de croisière des collisions. Les théoriciens s'étaient rendu compte qu'un bon moyen de résoudre certains problèmes du modèle standard en physique des hautes énergies était d'admettre que la masse de PlanckPlanck - le seuil d'énergie au-delà duquel une théorie quantique de la gravitation devenait nécessaire pour décrire la physique - était bien plus basse qu'on ne l'avait imaginé. Surtout, cette possibilité était naturellement impliquée par la théorie des supercordesthéorie des supercordes.

    Pas besoin dés lors de construire un accélérateur de particules de la taille de la Voie lactéeVoie lactée pour créer des minitrous noirs dans des collisions de protonsprotons. Et comme les trous noirstrous noirs sont des cousins des trous de ver, ces fameuses connexions entre deux points de l'espace-tempsespace-temps qui pourraient peut-être permettre de voyager dans le temps ou d'étoileétoile en étoile plus vite que la lumièrelumière, nous étions peut-être sur la piste permettant de les créer aussi à basses énergies et de les maintenir ouverts et ce contrairement aux prédictions des calculs précédents. Ils indiquaient en effet que des quantités littéralement astronomiques d'énergie étaient nécessaires pour cela, clairement là aussi à tout jamais hors de portée de la noosphère.

    Hélas le LHC n’a rien découvert de tel et sa montée en énergie est devenue telle que la région où l'on pouvait, pour autant qu'on le sache, justifier d'espérer que la véritable masse de Planck se trouve, a été explorée. La détermination précise de la masse du Higgs jointe à des considérations tirées de la théorie quantique des champs (groupe de renormalisation, corrections radiatives, etc.) ne fournit aucun argument pour espérer qu’elle est encore à notre portée avec un successeur du LHC.


    Jean-Pierre Luminet nous parle des trous de ver, de leur connexion avec les trous noirs en rotation et du voyage interstellaire. © Jean-Pierre Luminet, YouTube

    Des trous de ver traversables ?

    Reste que le deuil du voyage interstellaire transluminique n'a pas encore été fait et que des théoriciens cherchent encore des moyens de défier EinsteinEinstein et sa théorie de la relativité généralerelativité générale. Il ne suffit pas pour cela de trouver une physique autorisant l'existence de trous de ver à des énergies accessibles, il faut aussi que ces trous de ver soient traversables.

    Les premières solutions des équationséquations d'Einstein n'étaient pas traversables. Quand elles le sont, elles nécessitent une forme d'énergie dite exotiqueexotique. On sait qu'une telle forme existe dans le vide quantique mais les quantités nécessaires pour permettre à un trou de ver d'être traversable sont gigantesques, comme l'a montré notamment le prix Nobel de physique Kip Thorne.

    Une solution du système d'équations d'Einstein-Maxwell-Dirac

    Aujourd'hui, c'est une équipe internationale de physiciensphysiciens qui vient de publier dans Physical Review Letters un article que l'on peut consulter sur arXiv. Il apporte une nouvelle pièce au débat. Il a donc été validé, pour le moment, par un premier filtre de la communauté scientifique. Sans surprise, c'est ce qui vient d'arriver également à un article dont Futura avait déjà parlé et dont l'un des auteurs n'est autre que l'un des plus grands experts de la théorie des supercordes appliquée aux trous noirs, Juan Maldacena.

    L'article de Jose Blázquez-Salcedo, de l'Université Complutense de Madrid, et ses collègues, est intéressant en tout premier lieu parce qu'il ne suppose pas l'utilisation d'énergie exotique pour maintenir un trou de ver traversable, ni aucune nouvelle physique.

    La solution des équations d'Einstein que ces physiciens obtiennent est en fait celle d'un système d'équations composé également des équations de Maxwelléquations de Maxwell pour les champs électromagnétiqueschamps électromagnétiques et les courants de particules chargées. Elles sont décrites par l'équation de Dirac, que l'on peut considérer comme une version relativiste de l'équation de Schrödingeréquation de Schrödinger pour un électronélectron. Mais en fait, dans les calculs des chercheurs, rien n'est quantique.

    En effet, Dirac n'avait pas parfaitement compris son équation, que l'on doit plutôt considérer comme l'équivalent des équations de champs classiques mais appliquées à un champ de spineurs, des sortes de racines carrées relativistes des champs de vecteurs ou de tenseurstenseurs comme ceux du champ électromagnétique. Pour ceux qui en savent plus, on reste en première quantificationquantification pour le champ de Dirac, la seconde quantification avec des opérateurs n'est pas utilisée.

    Au final, les physiciens font un calcul en physique classique avec des particules électriquement chargées ordinaires et ils croisent les doigts en espérant, ce qui est raisonnable, qu'une version quantique ne changera pas fondamentalement les conclusions auxquelles ils sont parvenus. Il apparaît alors que pour une certaine valeur de la charge totale et de masse totale pour les particules associées à l'équation de Dirac (par exemple de simples électrons ou protons), aux équations de Maxwell et le tout dans l'espace-temps courbe décrit par les équations d'Einstein, il existe bel et bien des solutions de trous de ver traversables.

    Le problème est qu'elles sont microscopiques, même un humain ne pourrait pas les traverser contrairement à la solution découverte par Maldacena. Il n'y a que dans le monde de Avengers : Engame que cela deviendrait possible.

    Dans les deux cas, en pratique et en supposant que la Nature est « au courant » des spéculations des chercheurs et qu'elle a elle aussi « choisi » d'utiliser ces possibilités, l'Humanité ne peut pas en profiter. Mais on peut toujours espérer que des surprises sont à portée de main. Qui vivra verra comme on dit...

     


    Les trous de ver, de nouveau un espoir pour des voyages interstellaires ?

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 26/05/2014

    Selon le physicien Luke Butcher de l'université de Cambridge (Royaume-Uni), si l'on parvenait à créer un trou de ver macroscopique, il générerait de lui-même un effet Casimireffet Casimir capable de le maintenir ouvert pendant une longue période avant de se refermer. Ce n'est probablement pas le dernier rebondissement d'un débat qui dure depuis la fin des années 1980 sur la possibilité du voyage interstellaire à l'aide d'un trou de ver.

    La théorie des trous de ver, sortes de ponts entre deux régions différentes de l'espace-temps au sein d'un même universunivers ou entre deux univers, a focalisé l'attention de nombreux physiciens de premier plan à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Stephen HawkingStephen Hawking et ses collègues avaient alors obtenu des résultats remarquables sur la physique quantiquephysique quantique des trous noirs en développant la gravitation quantique euclidienne. Il s'agissait d'une tentative pour combiner les lois de la relativité générale avec celles de la théorie quantique, un travail fortement inspiré et motivé par les succès remportés par la théorie quantique des champs de Yang-Millschamps de Yang-Mills, l'épine dorsale du modèle standard en physique des particules.

    En 1987, fort de ces résultats et inspiré par la possibilité de résoudre avec la théorie de trou de ver de John Wheeler le paradoxe de l'information qu'il avait découvert avec les trous noirs, Stephen Hawking s'est mis à étudier l'impact de ces trous de ver en régime quantique sur le reste de la physique. Il en déduisit que le boson de Higgs devait soit être inobservable soit composite.


    Interstellar est un film de science-fiction écrit, produit et réalisé par Christopher Nolan, dont la sortie est prévue fin 2014. Le grand spécialiste de l'astrophysique relativiste, Kip Thorne, s'est impliqué dans ce film qui devrait donc être particulièrement réaliste. © Warner Bros. France

    Trou ver et énergie du vide quantique

    Sydney Colman et Leonard Susskind lui ont emboîté le pas en étudiant avec les trous de ver le problème de la valeur de l'énergie du vide quantique, c'est-à-dire celui de la valeur de la constante cosmologiqueconstante cosmologique. Il s'agissait toujours de comprendre pourquoi les calculs issus de la théorie quantique des champs étaient si fantastiquement en désaccord avec la valeur observée que l'on considérait comme probablement nulle à l'époque. Nous savons aujourd'hui qu'elle ne l'est pas, grâce à la découverte de l'énergie noire, mais le problème subsiste presque en l'état.

    L'événement qui a le plus contribué à placer sur le devant de la scène la théorie des trous de ver est la publication d'un article par Kip Thorne et ses collègues en 1988. Les chercheurs y montraient que les équations de la théorie de la relativité générale contenait une solution décrivant un trou de ver macroscopique traversable maintenu ouvert par la présence d'un état du vide quantique analogue à celui que l'on peut induire par l'effet Casimir. Les solutions que l'on connaissaient auparavant, comme le trou de ver d'Einstein-Rosen, une sorte de goulot connectant deux feuillets d'espace-temps, contenaient en leur centre une singularité détruisant les voyageurs qui auraient eu l'imprudence d'y pénétrer. En clair, les lois de la physique semblaient autoriser les voyages dans le temps et dans l'espace de la science-fiction, comme dans 2001, l'Odyssée de l'espace d'Arthur Clarke ou Contact de Carl Sagan.

    Les champs scalaires, l'effet Casimir et les trous de ver

    Depuis lors, l'effervescence autour des trous de ver a largement cessé et les articles se répondent d'année en année pour expliquer pourquoi les trous de ver censément traversables ne le sont pas vraiment... avant que cette conclusion ne soit à nouveau contredite par une nouvelle contribution d'un physicien. À cet égard, l'article récemment mis en ligne sur arxiv par Luke Butcher en poste à l'université de Cambridge, là ou Michael Green a succédé à Stephen Hawking, ne fait pas exception. Mais comme le dit l'un des spécialistes les plus réputés de la théorie des trous de ver, Matt Visser, ce travail pourrait redonner un second souffle à cette théorie fascinante.

    Butcher est parti de l'existence dans l'univers d'un champ scalaire macroscopique. On sait qu'il en existe au moins un, celui du bosonboson de Brout-Englert-Higgs. Mais il pourrait en exister bien d'autres comme celui de l'inflatoninflaton si les résultats de Bicep2 devaient être confirmés par Planck ou une autre expérience. On peut aussi penser à celui des particules caméléons et plus généralement à tous les champs scalaires postulés pour rendre compte de l'énergie noireénergie noire ou de l'unification des forces.

    Selon les calculs du chercheur, si la taille de l'ouverture d'un trou de ver est plus petite que sa longueur, point ne serait besoin de l'alimenter en énergie exotique négative pour le maintenir ouvert. Des problèmes graves surgissent en effet avec la théorie des trous de ver traversables. Il faudrait tout d'abord disposer des quantités d'énergie exotique faramineuses pour les ouvrir et les empêcher de se refermer. Enfin, ils sont probablement tellement instables qu'ils s'évanouiraient avant même que l'on puisse les traverser. Mais selon Butcher, si on arrivait à ouvrir un trou de ver, un champ scalaire le rendrait automatiquement suffisamment stable en générant un effet Casimir au moins pendant le temps nécessaire pour pouvoir envoyer à travers lui une impulsion lumineuse passant par le centre de son ouverture.

    Une représentation d'un trou de ver qui serait traversable contrairement à un pont d'Einstein-Rosen. Une telle déformation de l'espace-temps connectant deux régions permettrait, en théorie, de voyager en n'importe quel point de l'espace et du temps instantanément ou presque. © Wikipédia, CC by 3.0
    Une représentation d'un trou de ver qui serait traversable contrairement à un pont d'Einstein-Rosen. Une telle déformation de l'espace-temps connectant deux régions permettrait, en théorie, de voyager en n'importe quel point de l'espace et du temps instantanément ou presque. © Wikipédia, CC by 3.0

    Des trous de ver fossiles ?

    Le physicien incite tout de même à la prudence. Il ne sait pas encore vraiment si des objets plus gros qu'un simple paquetpaquet de photonsphotons pourraient voyager sans risque à travers le trou de ver. En tout état de cause, la possibilité de pouvoir, peut-être, envoyer des informations dans le passé avec des ondes lumineuses ne peut manquer de poser les problèmes de causalité bien connus, symbolisés par le paradoxe du grand-pèreparadoxe du grand-père.

    Toutefois, sans parler de voyage dans le temps, les lois de la physique autorisent peut-être de simples voyages dans l'espace et on peut imaginer qu'il existe dans l'univers des trous de ver fossilesfossiles créés pendant les phases très primordiales de l'histoire du cosmoscosmos. Certains pensent qu'il pourrait s'agir de certains quasarsquasars et on se prépare à vérifier ces hypothèses avec RadioAstron. En tout état de cause, on ne sait toujours pas comment ouvrir un trou de ver. Le voyage interstellaire par ce moyen reste encore hors de portée.