au sommaire
Subrahmanyan Chandrasekhar (1910-1995) était une légende de l'astrophysique, doté d'un talent étonant. Ses contributions ont porté sur presque toute l'astrophysique du XXe siècle. Il est célèbre pour ses travaux sur la structure stellaire et la théorie des trous noirs. © AIP
Lorsqu'une étoile sur la séquence principale a une masse inférieure à huit ou dix masses solaires, son destin est de devenir une naine blanche. C'est ce qui arrivera à notre Soleil une fois que celui-ci sera passé par le stade de géante rougegéante rouge.
Une naine blanche est tellement dense qu'une masse équivalente à celle de notre Soleil occupe le volumevolume de la Terre. Elle a épuisé son carburant thermonucléaire, car elle a converti son hydrogènehydrogène d'abord en héliumhélium puis celui-ci en carbone et en oxygèneoxygène pour l'essentiel. N'étant plus le siège de réactions de fusion, la pression de radiationpression de radiation auparavant produite par ces réactions n'empêche plus la naine blanche de s'effondrer sous sa propre gravitégravité.
Les naines blanches et la statistique de Fermi-Dirac
Comme devait le découvrir en 1926 l'astronomeastronome et physicienphysicien britannique RalphRalph H. Fowler en utilisant la nouvelle statistique décrivant un gazgaz d'électronsélectrons quantiques découverte par son doctorant Paul DiracPaul Dirac, c'est la pression dite de dégénérescence d'un tel gaz qui stabilise la naine blanche.
Extrait du documentaire Du Big bang au vivant (www.dubigbangauvivant.com). Jean-Pierre Luminet parle de l'évolution des étoiles de type solaire, leur transformation en géantes rouges puis en naines blanches. © ECP Productions
Toutefois, quelques années plus tard, en 1930, en faisant intervenir la théorie de la relativité restreinterelativité restreinte, le grand astrophysicienastrophysicien indien Subrahmanyan ChandrasekharSubrahmanyan Chandrasekhar devait découvrir à l'âge de 20 ans qu'il existait une masse limite au-delà de laquelle l'étoile devait s'effondrer sur elle-même.
En clair et rétrospectivement, Chandrasekhar ne venait rien de moins que de découvrir l'existence des trous noirs. La masse limite pour une naine blanche, qui porteporte désormais son nom, est de 1,44 masse solaire.
Naines blanches et supernovae SN Ia
En général, les étoiles destinées à devenir des naines blanches perdent une grande partie de leur masse lorsqu'elles passent par le stade de géante rouge et que des instabilités leur font éjecter leurs couches supérieures. Elles deviennent par conséquent moins massives et restent en dessous de la limite de Chandrasekharlimite de Chandrasekhar.
Il existe cependant un phénomène astrophysiqueastrophysique qui peut leur faire regagner de la masse : celui de l'accrétionaccrétion de matièrematière lorsqu'elles font partie d'un système binairesystème binaire. C'est par exemple ce qui se produit lorsque l'autre étoile membre du système finit par passer par le stade de géante rouge à son tour, et qu'elle enfle au point de déborder d'une région définie par ce qu'on appelle des lobes de Roche.
Lorsque la matière s'accrétant sur la naine blanche lui fait dépasser la masse de 1,44 masse solaire, elle se contracte et des réactions thermonucléaires s'enclenchent, conduisant à une explosion soufflant la naine blanche. C'est une supernova SNSN Ia.
Le 11 novembre 1572, Tycho Brahe observait l'explosion d'une étoile à 1.500 années-lumière de nous dans la constellation de Cassiopée. Il s’agissait d’une supernova, et l’on sait maintenant qu’elle était de type SN Ia, donc associée à l’explosion d’une naine blanche. On voit sur cette image composite le reste de la supernova SN 1572, dite aussi supernova de Tycho. © Rayons X : Nasa, CXC, SAO ; infrarouge : Nasa, JPL-Caltech ; optique : MPIA, Calar Alto, O. Krause et al.
Les supernovae Ia, témoins de l'expansion de l'univers observable
Comme cette explosion se produit avec une luminositéluminosité intrinsèque peu variable, on peut se servir des SN Ia, modulo certaines corrections, comme des sortes de chandelles standardchandelles standard afin de déterminer des distances à des milliards d'années-lumièreannées-lumière dans l'universunivers observable. C'est en utilisant ces SN Ia que l'on a découvert l'expansion accélérée de l’univers observable.
Or, depuis quelques années, l'étude des caractéristiques de certaines SN Ia a montré qu'elles étaient parfois trop brillantes pour avoir été produites par l'explosion thermonucléaire d'une naine blanche de seulement 1,44 masse solaire. On les appelle d'ailleurs parfois des supernovaesupernovae « super-Chandrasekhar ».
L'interprétation usuelle est que ces phénomènes sont le produit de collisions de naines blanches. Mais selon les travaux de deux astrophysiciens indiens, Upasana Das et Banibrata Mukhopadhyay, ce ne serait pas nécessairement le cas. Pour eux, on aurait négligé l'effet du champ magnétiquechamp magnétique, qui peut parfois être intense avec des naines blanches. Il peut l'être d'autant plus que lorsqu'une étoile se contracte à cause de la conservation du flux magnétique, ce champ devient plus intense. C'est la raison pour laquelle il atteint de si hautes valeurs avec des astresastres encore plus compacts que les naines blanches : les étoiles à neutrons.
L'effet de la quantification de Landau
Si l'on fait intervenir un champ magnétique suffisamment élevée dans une naine blanche, certains niveaux d'énergieénergie quantiques pour des électrons dans un champ magnétique deviennent importants lorsque l'on cherche à calculer l'équationéquation d'état reliant pressions et densités dans l'étoile. Ces niveaux découlent de ce que l'on appelle la quantificationquantification de Landau. Elle désigne la quantification des orbitalesorbitales cyclotroniques de particules chargées dans un champ magnétique. Quand on prend en compte ces niveaux, la masse limite pour une naine blanche devient 2,58 masses solaires.
Si les deux astrophysiciens ont raison, cela ne devrait toutefois pas beaucoup changer les estimations de l'accélération de l'expansion de l'universaccélération de l'expansion de l'univers. Les supernovae de type « super-Chandrasekhar » ne sont pas si fréquentes que cela, selon l'astrophysicien Jeffrey Silverman de l'université du Texas à Austin. Il est très sceptique sur l'éventuel changement de paradigme envisagé par les chercheurs indiens, qui s'interrogent probablement sur une éventuelle remise en cause de l'existence de l'énergie noire.