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Presque 90 ans après la découverte par Heisenberg, Born, Jordan et Schrödinger des équations de la mécanique quantique, leur héritage est bien vivant et peut encore réserver des surprises. Aujourd'hui encore, les physiciensphysiciens n'hésitent pas à parler de magie en évoquant certaines des prédictions de cette théorie, tant elles semblent contrintuitives pour notre cerveaucerveau humain, en partie modelé par l'évolution au contact des objets de la physique classique.
Derrière cette magie quantique se cache souvent le principe de superposition des états quantiques dont l'existence était déjà suggérée depuis des siècles par la théorie ondulatoire de la lumière de Christiaan Huygens, Augustin Fresnel et Thomas Young. C'est ce principe de superposition qui autorise des particules à être parfois, en quelque sorte, en deux endroits à la fois et le chat de Schrödinger à être temporairement mort et vivant, avant que la décohérence ne le force à être dans un seul état.
Richard Feynman dans une célèbre conférence au milieu des années 1960. © Josseline Langlade, YouTube
En quantique, toutes les trajectoires possibles comptent
Le génial physicien et prix Nobel Richard Feynman a, lui, reformulé les équations de la mécanique quantique il y a environ 70 ans, ou plus précisément la version qu'en avait donnée Schrödinger et qui n'est pas aussi générale que celle de Paul DiracPaul Dirac. La fameuse intégrale de chemin de Feynman est devenue célèbre car c'est en grande partie grâce à elle que le modèle standardmodèle standard en physique des particules a pu se développer. Elle a aussi permis à Stephen HawkingStephen Hawking, qui vient de fêter ses 75 ans, de préciser sa théorie de l'évaporation des trous noirstrous noirs et surtout de proposer son fameux modèle cosmologique avec temps imaginaire.
Cette intégrale de chemin de Feynman peut aussi décrire un phénomène aussi simple que des franges d'interférencesinterférences produites par des fentes ou des trous d'Young, que ce soit avec des ondes électromagnétiquesondes électromagnétiques ou des ondes de matièrematière. Elle conduit à additionner des « amplitudes de probabilité » qui correspondent à des chemins pris par les quanta de lumière (ou de matière) pour aller d'un point à un autre en suivant des rayons lumineux. Avec deux fentes, il y a deux chemins possibles d'une source au point d'un écran situé de l'autre côté.
Mais que se passe-t-il avec trois fentes, dans le cas de la lumière ? En première approximation, et en s'inspirant des règles classiques du calcul de l'interférence, il faut faire intervenir ces amplitudes avec des rayons passant une seule fois dans chaque fente. Mais si l'on prend la formulation de Feynman au pied de la lettre, comme l'ont fait des physiciens, essentiellement indiens, dans un article déposé sur arXiv en 2014, les lois quantiques à la sauce Feynman imposent de sommer les contributions venant de toutes les trajectoires possibles, aussi bizarres qu'elles puissent être.
En violet, l’un des chemins exotiques que peut prendre un quantum de lumière ou de matière dans une expérience d’interférences avec trois fentes. L’amplitude de probabilité de ce chemin doit interférer en mécanique quantique avec, notamment, la trajectoire directe (en vert), que pourrait aussi emprunter ce quantum. © R. Sawant et al., Phys. Rev. Lett. (2014)
Un slalom quantique rendu visible grâce aux plasmons
Il convient de considérer qu'un des chemins possibles est celui où la lumière slalome entre les fentes. Avec une telle trajectoire, après avoir traversé une fente, elle revient en arrière pour passer à travers une deuxième fente avant de reprendre son chemin vers l'écran en retraversant une troisième fente.
Selon les chercheurs, ce phénomène étrange était passé inaperçu pendant des siècles parce que dans toutes les expériences réalisées, l'influence de ces trajectoires surprenante était parfaitement négligeable sur la figure d'interférence obtenue. Mais peut-être serait-il possible de la mettre un jour en évidence. Or, c'est justement ce qu'annonce avoir réussi un autre groupe de physiciens dans un article publié dans Nature Communications.
Pour cela, ils ont utilisé un dispositif avec trois fentes percées dans une plaque de verre recouverte d'or. Dans un tel dispositif, les bords des fentes modifient le comportement du champ électromagnétiquechamp électromagnétique, du fait de la formation dans le métalmétal de « plasmons ». Ils renforcent l'effet de la trajectoire en slalom d'un facteur 100. La figure d'interférence obtenue montrait une différence avec celle, classique, calculée, et l'effet devenait dès lors théoriquement mesurable Et ce fut bien le cas !
Selon les chercheurs, la découverte que, dans certaines conditions, certaines amplitudes quantiques de l'évolution d'un phénomène physique ne sont pas négligeables pourrait déboucher sur des applicationsapplications dans différents domaines, comme l'information quantique.