L'orbiteur TGO, de la mission ExoMars 2016, a terminé sa phase d'aérofreinage autour de Mars. C'était la première fois que l'Agence spatiale européenne (ESA) utilisait cette manœuvre pour approcher la sonde de son orbite définitive en consommant le moins possible de masse d’ergols. Les explications avec Michel Denis, directeur des opérations en vol de la mission à l’ESA, et Hervé Renault, expert de la mission ExoMars TGO chez Thales Alenia Space.

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    C'est fait. Après un voyage de presque deux ans à destination de Mars, dont seize mois à freiner autour de la Planète rouge, la sonde Trace Gas Orbiter (TGO), de l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (ESA), « termine sa phase d'aérofreinage », nous explique Michel Denis, directeur des opérations en vol de la mission à l'Agence spatiale européenne.

    Cet orbiteur de la mission ExoMars 2016 a été lancé le 14 mars 2016, avec des objectifs ambitieux, tant sur le plan scientifique (étude des champs électriques, inventaire complet des espèces chimiques de l'atmosphèreatmosphère martienne, etc.) que sur le plan technologique (atterrissage contrôlé, aérofreinage, etc.). Il est arrivé autour de Mars le 19 octobre 2016 et, pour circulariser l'orbite, l'Agence spatiale européenne a utilisé, pour la première fois, la « technique de l'aérofreinage, expérimentée avec Venus Express en juin 2014 ». Cette manœuvre consiste à utiliser « l'atmosphère d'une planète pour modifier l'orbite d'un engin spatial ». Dans le cas du TGO, le but a été d'amener le satellite sur une « orbite circulaire à 400 kilomètres d'altitude inclinée à 74° avec une période de révolutionpériode de révolution de deux heures ».

    Le saviez-vous ?

    L’aérofreinage du TGO est assuré par une équipe de l’Agence spatiale européenne (ESA) d’une vingtaine de personnes. Celles-ci travaillent ensemble depuis plus d’un an au sein de l'équipe Mission, qui associe les mathématiciens de la Dynamique de Vol et les ingénieurs du Contrôle de Vol à l'ESOC (Darmstadt, en Allemagne), le centre de contrôle de l’ESA.

    Chaque jour, la séquence des opérations pour les orbites à venir est préparée par le Flight Dynamics et chargée à bord du satellite, mettant à jour les prédictions et manœuvres déjà à bord, et les étendant d'une journée.

    Mais, bien que l'Agence spatiale européenne annonce la fin de l'aérofreinage du TGO, la sonde « n'est pas encore installée sur son orbite définitive ». L'aérofreinage a été arrêté dès que « l'apoapse de l'orbite [point le plus éloigné de la planète, NDLRNDLR] a été descendu à 1.000 kilomètres », souligne Hervé Renault, expert de la mission ExoMars TGO chez Thales Alenia Space, constructeur du satellite*. Continuer au-delà apporterait un « bénéfice en deltadelta V faible au prix d'un risque significatif ». La réduction finale de l'apoapse sera donc faite en utilisant la propulsion du satellite.

    Début des observations scientifiques le 21 avril

    Le passage de cette orbite intermédiaire, « d'un peu plus de 1.000 kilomètres à l'apoapse et d'un peu plus de 200 kilomètres au périapse », vers l'orbite finale quasiment circulaire de 400 km d'altitude, sera réalisé par une suite de manœuvres à propulsion chimique dans les semaines qui viennent. Ces manœuvres seront « découpées en plusieurs sous-manœuvres pour diverses raisons techniques et de sécurité ». Chacune est suivie d'une détermination d'orbite et du calcul de la manœuvre suivante, à raison de deux manœuvres par semaine. Elles seront optimisées en fonction de l'orbite intermédiaire qui sera caractérisée à partir d'aujourd'hui, « en particulier pour économiser le carburant » ! Aujourd'hui donc, il n y a pas encore de date précise de l'arrivée sur l'orbite finale : « cela prendra au moins quelques jours avant que la stratégie ne soit finalisée ». Ceci étant, « nous pouvons dire sans nous tromper que l'orbite finale devrait être atteinte vers fin mars-début avril », avec peut-être quelques corrections en avril. Le 21 avril la mission scientifique débutera à plein, « après un mois de recette en vol des instruments sur une orbite quasi-finale ».

    Pour comprendre comment la sonde freine et baisse son orbite, il faut savoir qu'à chaque passe, le « le delta V résultant de l'aérofreinage est en moyenne d'environ 1 m/s, ce qui induit, pour les dernières orbites, une réduction de période d'environ 2 minutes par jour ». En raison de la fluctuation de l'atmosphère, cette réduction de la vitessevitesse peut varier typiquement d'un facteur 2 d'une orbite à l'autre, en plus ou en moins, « c'est-à-dire de 50 centimètres par seconde jusqu'à 2 mètres par seconde », précise Michel Denis.

    Si l'atmosphère devait freiner le satellite plus que prévu, des « systèmes automatiques pour remonter son orbite et la sortie de la phase d'aérofreinage étaient prévus ». Le TGO n'a pas eu besoin d'utiliser ces systèmes : « le satellite est pratiquement toujours resté dans cette bande des deux fois. Dans 1 % des cas, il a été freiné un peu plus, mais toujours en deçà du seuil de protection ». 

    Le TGO ne sera pas seulement utilisé pour observer et étudier la planète Mars. Il servira également à relayer vers la Terre les données du rover ExoMars 2020, de l'Agence spatiale européenne, dont le lancement est prévu en juillet 2020. © D. Ducros, ESA

    Le TGO ne sera pas seulement utilisé pour observer et étudier la planète Mars. Il servira également à relayer vers la Terre les données du rover ExoMars 2020, de l'Agence spatiale européenne, dont le lancement est prévu en juillet 2020. © D. Ducros, ESA

    Économe en carburant, le TGO fonctionnera au-delà de la décennie 2030

    La mesure et le suivi de cette fluctuation de la densité de l'atmosphère ont été un point crucial, car le « pic de densité peut varier d'un facteur 2 (voire plus) d'une passe à l'autre, ce qui impacte le timing des passes suivantes ». Pour limiter les effets des incertitudes quant à l'état de l'atmosphère, le timing des opérations est « automatiquement recalé à bord en utilisant un estimateur bord, développé dans notre usine de Cannes, qui utilise les données de l'accéléromètreaccéléromètre bord ». Si le TGO n'a pas eu besoin de rehausser son orbite, il ne s'est pas non plus mis dans un mode de survie, ce qui l'aurait contraint d'interrompre temporairement son aérofreinage, au prix d'une « consommation de carburant importante, nécessaire à la fois pour sortir de l'atmosphère, et pour y rentrer à nouveau afin de recommencer à freiner ».

    Au terme de cette phase, le TGO a utilisé moins de carburant que prévu, ce qui fait dire à l'ESA que, de ce point de vue, le satellite « pourra fonctionner au moins jusqu'en 2032, bien au-delà de la mission initiale prévue pour se terminer en 2022 ». C'est aussi une bonne nouvelle pour la NasaNasa, qui doit gérer la vétusté de ses sondes pour relayer les données des engins de surface, notamment ceux prévus pour la mission de retour d’échantillons, qui débutera avec le roverrover Mars 2020Mars 2020. Or, Maven, Mars OdysseyMars Odyssey et MROMRO ont toutes dépassé leur duréedurée de vie initiale et sont concernées par des problèmes techniques. Le TGO pourrait alors relayer les données des missions de la Nasa si nécessaire.

    Tout au long de ces quelque 1.000 orbites, le satellite s'est très bien comporté. Aérodynamiquement, sa structure n'a subi aucun dommage et la température des panneaux solaires, déployés pour faire office de frein, en exposant leur face arrière au flux atmosphérique, « a été moins élevée que prévu ».

    Les dernières orbites de l'aérofreinage ont été celles ayant nécessité une plus grande réactivité des équipes de Michel Denis. Elles ont été difficiles à réaliser en raison de « la fréquencefréquence accrue des opérations dans une atmosphère martienne à la densité toujours aussi variable ». Tout l'enjeu a été de faire tenir une « séquence complexe dans une période orbitaleorbitale de plus en plus courte, tout en garantissant un temps suffisant de communication et d'exposition des panneaux solaires », précise Hervé Renault. Cette séquence a été « longuement étudiée et discutée avec l'ESOC [le centre de contrôle de l'ESA, NDLR] dans la phase de préparation de l'aérofreinage », conclut Hervé Renault.

    Constructeur du satellite, Thales Alenia Space apporte simplement un support aux opérations. Ses équipes ont été présentes à Darmstadt (Allemagne) pendant le premier mois d'aérofreinage, en mars-avril 2017. Bien que l'entreprise n'intervienne plus sur les différentes phases de la manœuvre, elle suit néanmoins la progression des opérations.


    En images : découvrez l'orbiteur TGO d'ExoMars 2016

    Article de Rémy DecourtRémy Decourt publié le 29/12/2014

    Dans 13 mois, un lanceurlanceur russe ProtonProton lancera le vaisseau européen ExoMars 2016ExoMars 2016 à destination de la planète Mars. Aujourd'hui, dans les locaux cannois de Thales Alenia Space, la constructionconstruction de l'orbiteur de la mission, le TGO, bat son plein. Nous nous sommes glissés dans les salles blanches.

    Développé par Thales Alenia Space, dans son usine de Cannes, l'orbiteur d'ExoMars 2016, TGO, Trace Gaz OrbiterTrace Gaz Orbiter, prend forme. Cette mission de l'Agence spatiale européenne comprend également le démonstrateur d’entrée, de descente et d’atterrissage (EDM, Entry, Descent and Landing Demonstrator Module). Avec cet engin, l'Europe apprendra à se poser sur Mars, avec une orientation et une vitesse d'atterrissage contrôlées par un certain nombre de technologies, navigation ou relais de données par exemple, lesquelles seront nécessaires pour les futures missions d'exploration, comme celles qui ramèneront des échantillons martiens.

    Depuis notre dernière visite, en juillet 2014, la construction du satellite a bien avancé mais, « il n'y a pas de temps à perdre » souligne Richard Bessudo, chef du programme ExoMars 16 pour le TGO chez Thales Alenia Space. Il rappelle que, « compte tenu des délais entre le feu vert de l’Agence spatiale européenne et la date de lancement, chaque seconde de développement est précieuse ».

    Le TGO d'ExoMars 2016 avec le tube central, dans lequel est logé le moteur principal du satellite, les deux senseurs stellaires (le cône doré, pour le suivi d'étoiles), la structure porteuse de l'EDM (au sommet du satellite) et une des quatre roues à réaction (à gauche à l'intérieur du satellite). © Rémy Decourt

    Le TGO d'ExoMars 2016 avec le tube central, dans lequel est logé le moteur principal du satellite, les deux senseurs stellaires (le cône doré, pour le suivi d'étoiles), la structure porteuse de l'EDM (au sommet du satellite) et une des quatre roues à réaction (à gauche à l'intérieur du satellite). © Rémy Decourt

    La mission ExoMars utilisera le freinage atmosphérique

    Son lancement depuis BaïkonourBaïkonour par un lanceur russe Proton est prévu en janvier 2016, « le plus tôt possible à l'intérieur d'une fenêtrefenêtre de tir qui s'ouvre le 7 janvier et se ferme le 20 janvier ». Si la sonde raterate ce créneau, « il existe d'autres opportunités de lancement jusqu'en mars 2016 mais cela nécessitera de nouveaux calculs de trajectoires ». La sonde arrivera autour de la Planète rouge en octobre 2016, date à laquelle le module de descente EDM sera largué. Quant au satellite, il lui faudra près d'un an pour se placer sur son orbite définitive (octobre 2017). Toutefois, les opérations scientifiques devraient débuter dès le mois de mai 2017.

    Pour circulariser l'orbite du TGO, l'Agence spatiale européenne va utiliser pour la première fois l'aerobrakingexpérimentée avec Venus Express. Cette technique « consiste à utiliser l'atmosphère d'une planète pour modifier l'orbite d'une sonde spatiale ». Dans le cas du TGO, le but de cette manœuvre est d'amener le satellite sur une « orbite circulaire à quatre cents kilomètres d'altitude, incliné à 74° avec une période de révolution de 2 heures ». L'orbite initiale obtenue après la capture par le champ de gravitégravité martien sera une longue ellipse (20.000 km sur 300 km). Le TGO de l'Esa rejoindra alors Mars Global Surveyor (Nasa) qui évolue également à cette altitude. Sa mise en œuvre n'est pas aussi simple qu'il y paraît. Elle nécessite de maîtriser de nombreux paramètres comme « l'altitude du passage à travers l'atmosphère et le contrôle de la densité atmosphérique » pour s'assurer que « les frictionsfrictions n'endommagent pas certains équipements, comme les panneaux solaires, et limiter l'échauffement du satellite à des valeurs acceptables ».

    D'ici là, beaucoup de tâches attendent ingénieurs et techniciens en charge de la construction du satellite, comme le détaille Richard Bessudo :

    • Intégration des modèles mécaniques des instruments de la charge utile (décembre 2014) ;
    • Essais système (janvier 2015) ;
    • Tests EMC (Electro Magnetic compatibility) conduits et rayonnés (janvier 2015) ;
    • Intégration du GénérateurGénérateur solaire et de l'antenne bande-X en préparation des essais de vibrationsvibrations (février 2015) ;
    • Intégration avec le module de descente EDM (Entry descent and landing Demonstrator Module) (mars 2015) ;
    • Essais environnementaux mécaniques comprenant les vibrations sinus et acoustiques (avril 2015) ;
    • Essais système post-essais mécaniques (avril 2015) ;
    • Démontage du module de descente (avril 2015) ;
    • Désassemblage du Générateur solaire et de l'antenne bande-X en préparation du passage dans le caisson à vide (avril 2015) ;
    • Intégration des modèles de vol des instruments de la charge utile (mai 2015) ;
    • Complément d'essais EMC conduits pour les instruments de la charge utile (mai 2015) ;
    • Essais de balance et cyclage thermiques (juin-juillet 2015) ;
    • Essais système post essais thermiques (juillet 2015) ; Complément d'essais EMC rayonnés pour les instruments de la charge utile (août 2015) ;
    • Ré-intégration du Générateur Solaire et de l'antenne bande-X (août 2015) ;
    • TGO prêt pour livraison (août 2015) et départ de Cannes pour le site de lancement le 23 octobre 2015.
    Les réservoirs d'hélium, un des calculateurs du satellite et l'emplacement (le trou au milieu du satellite) d'un des deux panneaux solaires. Plus précisément, il s'agit de l'emplacement dans lequel sera monté le mécanisme d’orientation du panneau solaire. Voir la suite dans le texte. © Rémy Decourt

    Les réservoirs d'hélium, un des calculateurs du satellite et l'emplacement (le trou au milieu du satellite) d'un des deux panneaux solaires. Plus précisément, il s'agit de l'emplacement dans lequel sera monté le mécanisme d’orientation du panneau solaire. Voir la suite dans le texte. © Rémy Decourt

    Un détecteur pour étudier les glaces souterraines de Mars

    Les photos qui illustrent cet article ont été prises en novembre. On peut remarquer la forme inhabituelle pour un satellite. Elle s'explique par son agencement. Au-dessus du bus avionique en caisson, la partie supérieure est cintrée pour ménager la place, d'un côté, à un « banc payload sur lequel sont installés les 4 instruments et, de l'autre côté, à la placer pour loger l'antenne de 2,2 m de diamètre en position stockée dans un volumevolume compatible de la coiffe Proton ». Le satellite ainsi ouvert, de nombreux équipements du satellite sont visibles comme deux des quatre roues à réaction (trois sont nécessaires pour le bon fonctionnement). On devine également le moteur principal du satellite, d'une poussée de 400 newtonsnewtons, logé à l'intérieur du tube central que l'on peut aisément voir. On aperçoit, au sommet du satellite, la structure sur laquelle sera installé l'EDM avant le lancement

    Reste à intégrer les deux panneaux solaires et le réflecteur de 2,2 m de diamètre ainsi que les instruments scientifiques, au nombre de quatre, deux russes et deux européens : les deux spectromètresspectromètres (le belge Nomad et le russe ACS), l'imageur suisse Cassis, offrant une résolutionrésolution de 5 m par pixelpixel, et le détecteur à neutronsneutrons russe Frend.

    Ce dernier est conçu pour étudier les réservoirs de glace souterrains et de minérauxminéraux hydratés avec une résolution de 40 km par pixel. C'est une amélioration significative par rapport au précédent instrument de ce type envoyé autour de Mars, celui de la sonde Odyssey, qui avait une résolution de 300 km par pixel.